Dans la tête des SS

Leurs derniers aveux

Mais que se passe-t-il dans la tête des derniers SS encore en vie aujourd'hui ? Le journaliste Serge de Sampigny est allé à leur recherche et les a contactés. Certains d'entre eux ont accepté de témoigner... Un récit troublant qu'il livre dans son ouvrage Dans la tête des SS, leurs deniers aveux (Albin Michel, 259 pages, 19,90€).

Dans la tête des SS

Non, ils ne regrettent rien. Les vétérans des SS (abréviation de l'allemand Schutzstaffel, « échelon de protection »), rares nonagénaires encore en vie, finissent leur existence dans le déni, le plus souvent sous l’apparence d’honorables vieillards.

Sans honte des atrocités qu’ils ont commises durant la Seconde guerre mondiale sous l’uniforme de cette organisation paramilitaire et policière destinée à des opérations de répression, au combat sur divers fronts, affectée aussi à la surveillance des camps de concentration, et qui procédait impitoyablement à des massacres partout où elle passait comme à Oradour-sur-Glane.

L’ahurissante indécence de ces vétérans de « l’Ordre noir », encore imprégnés de leur sinistre cause, s’avère le principal enseignement du livre du journaliste Serge de Sampigny Dans la tête des SS, leurs derniers aveux.

Pendant plusieurs années, l’auteur aidé d’une équipe d’enquêteurs, s’est efforcé de retrouver les traces de ces survivants du nazisme à travers le monde, y compris en France car la SS s’est ouverte à des étrangers à partir de 1943. Il a réussi à en contacter une quarantaine, dont la moitié a accepté de se confier avec plus ou moins de réticence.

Si certains se cachent ou se fondent discrètement dans la population, d’autres font encore leur propre publicité sans complexe comme ce Finlandais engagé dans la division SS Wiking, qui a collé sur sa voiture la couverture de son livre de Mémoires récemment édité. Ainsi toute la ville d’Helsinki pouvait le voir en grand uniforme de SS…

SS à Munich, Bundesarchiv.

Hitler, un modèle toujours d'actualité

Quelques-uns s’expriment à visage découvert devant la caméra pour les besoins d’un documentaire produit parallèlement par de Sampigny. En fait, cet ouvrage est tout autant un témoignage historique qu’un démontage des mécanismes du fanatisme que l’auteur rapproche de ceux de Daech. De manière didactique, il rappelle le contexte historique dans lequel ces inconditionnels d’Hitler se sont engagés pour le servir aveuglément, et il complète son enquête par les témoignages recueillis dans d’autres documentaires d’archives.

Les propos les plus sidérants recueillis par l’auteur proviennent de Herbert von Mildenburg, ancien officier de la division SS de montagne Nordland, 91 ans, vivant en Autriche. Il avoue avoir été « hypnotisé » quand Hitler est passé pour la première fois devant lui. : « Hitler c’est l’homme de ma vie à 100%. On avait attendu un sauveur et il était arrivé. » Depuis, son admiration n’a pas failli.

Sa maison est encore décorée d’un buste du Führer, de croix gammées, du poignard qu’il portait durant la guerre, posé près d’une statuette d’un Juif tel que les nazis se les représentaient physiquement et tenant une pièce de monnaie… La cible est encore toute désignée. Mildenburg est toujours habité par son antisémitisme : « Les Juifs sont partout où il y a de l’argent ! Aujourd’hui nous sommes gouvernés par trois groupes : les Rockfeller, les Rothschild et le Fonds monétaire international. Qu’il y en ait un seul qui vienne me prouver le contraire ! Quand j’étais volontaire à la Waffen-SS, nous voulions un État pur et nous devions veiller à ce qu’il n’y ait pas de Juifs dans le IIIe Reich ! Pas au sein de notre peuple ! C’est tout. » 

Dans la foulée, il profère des énormités sur l’inégalité des races avec une placidité stupéfiante et n’omet pas un couplet négationniste : « Le mot « Auschwitz » pour moi n’existe pas. Je l’ignore complètement. Qu’il y ait des fosses ou pas de fosses, qu’ils aient été tués avec tel ou tel produit, qu’ils étaient gazés ou fusillés, cela ne m’intéresse pas ! »

Et quand ces SS sont confondus aux images filmées à l’ouverture des camps à la fin de la guerre, faute de pouvoir nier les évidences, ils s’efforcent de les relativiser ou de les minimiser…

Herbert von Mildenburg, extrait du documentaire Dans la tête des SS réalisé par Serge de Sampigny

Des hommes dans le plus grand déni

Soixante-dix ans après la guerre, ces combattants d’Hitler sont encore persuadés qu’ils étaient dans leur bon droit, mus par une sorte de légitime défense, aussi aberrant que cela puisse paraître. De bourreaux, ils veulent se faire passer pour des victimes. Des victimes de qui ? Au fil du temps, la liste s’allonge. Bien sûr des Juifs et des communistes dans les années 1930 selon les clichés antisémites et anticommunistes de l’époque, puis des journalistes, des historiens, des démocrates qui, selon eux, ont réécrit l’Histoire.

« Dans le cas de la SS, on extermine tout en estimant défendre sa patrie, son foyer, sa famille, ses enfants », décrypte l’auteur. Il rappelle que le chef de la SS, Heinrich Himmler pensait que si les Juifs n’étaient pas exterminés, ce sont eux qui extermineraient plus tard le peuple allemand ;  il concluait sa démonstration par une interrogation propre à galvaniser ses troupes : « Avons-nous le droit de laisser notre peuple courir ce risque ? »  Dans une interview à la BBC, un ancien SS, Oskar Gröning, un des responsables d’Auschwitz, expliquait il y a quelques années : « Nous étions convaincus -c’était notre vision du monde- que nous, les Allemands, avions été trahis par le monde entier et qu’il y avait une énorme conspiration des Juifs contre nous. »

Fernand Kaisergruber, ancien de la division SS Wallonie.Mais au-delà des raisons idéologiques, Serge de Sampigny montre que l’adhésion à la SS, relevait aussi de raisons plus prosaïques. « A l’époque, appartenir à cette organisation d’élite, c’était faire carrière, réussir sa vie, c’était un facteur de promotion sociale. » Comme l’affirme Fernand Kaisergruber, ancien de la division SS Wallonie : « Entrer à la Waffen-SS, c’était une promotion pour nous. Ne pouvait pas y rentrer n’importe qui. Nous avions un idéal chevaleresque. On s’engageait à ramener la victoire, avec la possibilité de donner sa vie. »

Serge de Sampigny est frappé de constater qu’outre le fanatisme idéologique produit par la propagande à laquelle ils étaient nourris depuis leur enfance, « tous m’ont dit leur aspiration à réussir leur vie, à progresser dans la société, à rejoindre l’élite nationale-socialiste, cette nouvelle aristocratie à laquelle l’avenir semblait réservé. » Ils n’ont réussi qu’à semer la mort.

 

Publié ou mis à jour le : 2024-02-07 08:20:02

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