La Conciergerie

Demeure royale et prison

La Conciergerie, sur l'île de la Cité, au cœur de Paris, est un lieu méconnu et pourtant le plus ancien lieu de pouvoir en France !

En ce lieu donc, à un endroit où la Seine était guéable, Clovis installe sa demeure royale - on n'ose dire palais - à la fin du Ve siècle. Le roi des Francs est le premier souverain à établir sa capitale à Paris. Il est à l'origine du prodigieux destin de la ville. À l'époque antérieure, dans la Gaule romaine, c'est Lyon qui était la capitale des Gaules, au croisement des trois provinces romaines.

Cinq siècles plus tard, en 987, après les désordres mérovingiens et l'épisode carolingien, le comte de Paris Hugues Capet est élu roi par ses pairs, les grands barons de Francie occidentale (on ne parle pas encore de la France). Naturellement, il se montre fidèle à la ville dont il est le comte et celle-ci va devenir sans discontinuer la capitale du royaume capétien.

Jean-Baptiste Camille Corot, La Conciergerie, 1830, Paris, musée Carnavalet. (Corot a laissé cette peinture inachevée, les journées de juillet l’ayant interrompu dans son travail.) L'agrandissement est une vue de la Conciergerie aujourd'hui.

Au cœur du Paris médiéval

Dans le palais de la Cité hérité de Clovis et de ses successeurs, Hugues Capet établit sa résidence principale et le siège du gouvernement, lequel se réduit à peu de chose.

Il faut attendre deux siècles et les règnes de Philippe Auguste et surtout son petit-fils Saint Louis (Louis IX) pour que le palais devienne le haut lieu du pouvoir royal, à deux pas du pouvoir religieux représenté par la cathédrale Notre-Dame de Paris et l'évêché.

Louis IX faisant venir la couronne d'épine et la déposant à la Sainte-Chapelle. Miniature du Livre des faiz Monseigneur saint Loys jadis roy de France par Maître du Cardinal de Bourbon, vers 1480, Paris, BnF. L'agrandissement montre la eprésentation du palais royal dans les Très Riches Heures du duc de Berry, XVe siècle, où l'on aperçoit la façade de la Sainte-Chapelle avec sa rosace d'origine, Chantilly, musée de Condé.Saint Louis lance de grands travaux d'embellissement du palais et édifie en particulier la Sainte Chapelle. Il la destine à contenir les reliques du Christ (la Sainte Couronne...) et ainsi assurer le prestige universel de la ville.

Son petit-fils Philippe le Bel amorce la centralisation du pouvoir royal. Il poursuit l'agrandissement du palais et y établit le Parlement de Paris. Ne nous trompons pas : ce parlement-là n'a normalement aucun rôle politique ou représentatif ; c'est un tribunal qui rend la justice au nom du roi et va servir de tribunal d'appel pour toutes les juridictions du royaume.

Par cette dernière fonction, il va contribuer au fil des siècles à gommer les particularismes locaux et unifier le droit. Mais le Parlement de Paris se voit aussi confier le soin d'enregistrer et diffuse les ordonnances royales.

Les magistrats, dans les périodes d'affaiblissement de la monarchie, vont plus tard se servir de cette prérogative purement administrative, assimilable à un travail de secrétaire, pour s'octroyer un pouvoir politique. Il leur suffira en effet de refuser d'enregistrer une ordonnance pour que celle-ci ne puisse être appliquée. À chaque fois que cela se produira, le roi n'aura d'autre ressource que de tenir un « lit de justice », autrement dit de siéger solennellement en présence de tous les magistrats pour leur imposer l'enregistrement de l'ordonnance contentieuse.

De l'époque de Philippe le Bel, nous avons gardé une magnifique salle des Gens d'Armes. Construite en 1302, c'est le plus ancien monument civil d'architecture gothique de Paris. Parfaitement restaurée, elle est accessible aujourd'hui depuis le boulevard du Palais. Elle comporte quatre nefs voûtées d'ogives et, à l'origine, était éclairée par plusieurs baies géminées (fenêtres partagées en deux par une colonnette). Elle ouvre aussi sur des cuisines où étaient préparés les repas des personnels du roi. Ces cuisines avaient un accès direct sur la Seine et c'est par le fleuve, en bateau, qu'elles étaient approvisionnées.

Conciergerie. Salle des Gens d'Armes suivie de la salle des Gardes.

La salle des Gens d'Armes est prolongée à l'ouest par une salle des Gardes. C'est l'antichambre par laquelle on montait à la Grand-Chambre, une salle ouverte sur la Seine et aujourd'hui disparue. C'est là que siégeait le Parlement et que le roi tenait ses lits de justice. C'est là aussi que beaucoup plus tard, sous la Révolution, en 1793, s'installera le Tribunal révolutionnaire...

Après les règnes successifs des trois fils de Philippe le Bel (les « Rois maudits »), un cousin monte sur le trône sous le nom de Philippe VI et inaugure la dynastie des Valois, branche cadette des Capétiens directs. C'est aussi le début d'un long conflit avec les Anglais et les Bourguignons, la « guerre de Cent Ans ». Le royaume, qui est déjà le plus puissant de la chrétienté (l'Europe occidentale), bénéficie d'une longue embellie sous le règne de Charles V le Sage, petit-fils de Philippe VI. 

Le palais de la Cité en arrive à compter deux mille personnes, soldats de la garde, clercs, officiers (fonctionnaires) et domestiques au service du roi et de ses proches. C'est l'amorce de la cour royale. Mais le roi lui-même commence à s'y sentir à l'étroit. Charles V transfère sa résidence sur la rive droite de la Seine, à l'hôtel Saint-Pol, au coeur du Marais, près de la Bastille.

La Sainte-Chapelle et la Chambre des comptes dans la cour du Palais, Adam Pérelle, vers 1660, Paris, musée Carnavalet. Vue de l'intérieure de la Sainte-Chapelle aujourd'hui lors de l'agrandissement.

Le roi fait ériger aussi dans la forêt de Vincennes, près de l'ancien manoir de saint Louis, un superbe donjon, le plus haut d'Europe, où il dispose de tout le confort de l'époque (très relatif), avec une bibliothèque, une salle du Trésor etc. Il réside aussi dans le donjon du Louvre, à un jet de pierre du palais de la Cité. Cette forteresse a été construite par son lointain aïeul Philippe Auguste pour défendre Paris contre les Plantagenêts.

Les magistrats du Parlement de Paris demeurent toutefois au palais de la Cité, ainsi que la cour des Comptes et la chancellerie. Le palais est placé sous la tutelle d'un intendant ou « Concierge », d'où le nom de Conciergerie désormais donné à ce lieu. Le Concierge, doté de pouvoirs de justice, administre le palais et la prison attenante.

La prison avait un bourreau, habituellement surnommé « Monsieur de Paris », et une salle de torture. Celle-ci était située à l'ouest de l'île, sur la Seine, à l'étage inférieur de la Tournelle, une tour qui doit son nom à un tribunal criminel où les magistrats siégeaient à tour de rôle. Elle est aussi connue sous le nom de tour Bonbec. D'aucuns y voient une allusion à ce que les prévenus, quand ils étaient torturés, parlaient d'abondance. Ils avaient « bon bec » !

Deux vues de l'entrée intérieure de la prison de la Conciergerie vers 1830, Lithographies par Alphonse Urruty d'après des dessins de Collard, Criminocorpus, premier musée numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines.

Une prison de sulfureuse réputation

En 1776, sous le règne de Louis XVI, un incendie ravage la Cité, en épargnant heureusement la salle des Gens d'Armes et surtout la Sainte Chapelle, joyau de l'art gothique. L'ensemble est reconstruit en style néo-classique avec, sur le boulevard du Palais qui traverse l'île de la Cité, une somptueuse grille en fer forgé qui ouvre sur la cour et la façade à colonnades du palais de Justice, laissant à sa droite la partie médiévale, la Conciergerie proprement dite.

L'intérieur d'une cellule de la prison de la Conciergerie vers 1830. L'agrandissement pntre une vue du préau des hommes, Lithographies par Alphonse Urruty d'après des dessins de Collard, Criminocorpus, premier musée numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Arrive la Révolution ! Le parlement de Paris est supprimé tout comme les parlements provinciaux. Le palais de la Cité passe sous l'autorité de la Mairie de Paris mais conserve les instances judiciaires et une prison. Et l'on a vu qu'en 1793, le nouveau Tribunal révolutionnaire s'installe dans la salle de l'ancien Parlement.

La prison de la Conciergerie est pour sa part aménagée pour accueillir les prévenus en attente de jugement dont le nombre croît soudainement. Une salle conserve les noms des 4 000 personnes qui furent jugées ici par le Tribunal révolutionnaire de 1793 à 1795.

La plus célèbre de ces personnes est une femme, la reine Marie-Antoinette. Elle y séjourna exceptionnellement 76 jours. Étroitement surveillée, avec un garde en permanence dans sa chambre, elle fut changée de cellule suite à la découverte d'un complot visant à la faire évader, le « complot de l'oeillet ». C'est de la Conciergerie qu'elle partit le 17 octobre 1793 pour son dernier voyage vers la guillotine, installée sur la place de la Révolution, aujourd'hui place de la Concorde. 

Publié ou mis à jour le : 2023-04-16 10:15:54

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