On croit entrer dans un jeu vidéo en 3D, avec batailles aériennes en veux-tu en voilà, et l'on découvre un vrai film de guerre et d'Histoire. En effet, Midway, qui sort ce 6 novembre 2019 sur les écrans français, raconte de façon somme toute pédagogique et exacte l'affrontement entre les États-Unis et le Japon dans la guerre du Pacifique, de 1941 à 1945...
• Quelle décision du président Franklin Roosevelt a provoqué l'attaque sur Pearl Harbor ? Réponse
• Quelle est la première bataille aéronavale de l'Histoire, qui a vu des porte-avions s'affronter à distance par avions de chasse et bombardiers interposés ? Réponse
• Comment est mort l'amiral Isoroku Yamamoto, maître d'oeuvre de l'attaque sur Midway ? Réponse
Midway est un film du réalisateur allemand Roland Emmerich, lequel a été couronné à Hollywood avec plusieurs films-catastrophe à grand spectacle, de Independence Day à Godzilla en passant par 2012, The Patriot etc.
Avec ce film-fleuve de 2h18, le réalisateur reste fidèle au grand spectacle mais le marie à la grande Histoire, la vraie, loin des mythes et des clichés.
Bonne surprise en effet, il n'y a rien à redire à l'exposé des faits.
Tout y est depuis les origines politiques de la guerre du Pacifique jusqu'à son tournant, la bataille de Midway proprement dite (3-6 juin 1942), qui occupe près des deux tiers du film, en passant par une spectaculaire réédition de l'attaque de Pearl Harbor (7 décembre 1941).
La trame du film et l'émotion sont assurées par quelques personnages qui ont réellement existé, comme l'officier de renseignement Layton (Patrick Wilson à l'écran) et surtout le commandant d'escadrille Beck (Ed Skrein).
Pas de héros côté japonais, si l'on met à part bien sûr l'amiral Yamamoto, commandant en chef de la Flotte combinée et l'amiral Nagumo, qui dirige l'attaque sur Midway.
Les premières séquences du film exposent de façon bienvenue l'enjeu géopolitique, loin de tout machiavélisme. Cela se passe dans une réception diplomatique à Tokyo, en 1937 : Yamamoto, alors vice-ministre de la Marine, presse son interlocuteur, l'attaché d'ambassade Layton, de faire savoir à Washington que son pays ne veut pas attaquer les États-Unis, ayant lui-même bien conscience de leur supériorité... Mais il y serait contraint si les États-Unis cessaient de livrer au Japon le pétrole dont ils dépend. Tout est dit.
Quatre ans plus tard, ce sera Pearl Harbor. Un succès tactique pour Yamamoto et son ajoint Nugamo, altéré par le fait qu'ils ont manqué les deux principaux porte-avions américains, qui étaient alors en mer. La faute en revient aux services de renseignements japonais... Et déjà l'on pressent le caractère décisif du renseignement dans cette guerre du Pacifique comme dans la Seconde Guerre mondiale en général (voir les opérations Enigma et Fortitude sur le front européen et les exploits de l'espion Sorge)...
Après les images de Pearl Harbor, le film fait l'impasse sur la succession de succès japonais dans le Pacifique sud, mais décrit avec force détails les enjeux géostratégiques du printemps 1942. Cela commence avec l'exploit du lieutenant-colonel Doolittle et de ses 80 hommes, qui vont bombarder Tokyo le 18 avril 1942, après avoir décollé d'un porte-avions en plein océan, chose réputée impossible pour des bombardiers ordinaires !
Obligés d'atterrir en catastrophe en Chine, la plupart des pilotes s'en tireront mais leurs sauveteurs, des résistants chinois, auront moins de chance. Par désir de vengeance, la soldatesque japonaise les massacrera par milliers et dizaines de milliers... Notons que cette barbarie est exposée dans le film sans outrance excessive et c'est tant mieux si Midway évite la stigmatisation et le machiavélisme...
Là-dessus, la flotte américaine, réorganisée et renforcée sous la tutelle de l'amiral Chester Nimitz, se prépare à la « mère des batailles » avec celle de Isoroku Yamamoto. Ce dernier engage une partie de ses porte-avions dans la conquête de la Nouvelle-Guinée, en prévision d'une invasion de l'Australie ! Ce sera la bataille de la mer de Corail, qui se soldera par un match nul et un renoncement à la Nouvelle-Guinée.
Dans le même temps, Yamamoto lance une attaque de diversion sur les îles Aléoutiennes, dans le Pacifique nord. Succès sans lendemain, ces îles isolées par la glace n'ayant aucun intérêt stratégique. Enfin, plus important que tout, l'amiral ambitionne de lancer le gros de sa flotte à l'assaut de la base de Midway, un atoll ridiculement petit à 1150 miles au nord-ouest de Pearl Harbor mais essentiel à la maîtrise du Pacifique.
Il espère le secret absolu mais celui-ci sera éventé par les services de renseignements américains qui sont arrivés à déchiffrer le code japonais JN-25. Et pour une fois, ces services de renseignements et leur représentant, Layton, seront crus par les militaires, en l'occurrence l'amiral Nimitz ! Ces séquences relatives au renseignement figurent parmi les plus palpitantes du film. Comme quoi il n'est pas impératif de sortir l'hémoglobine et la poudre pour retenir l'attention du public...
C'est ainsi que les Japonais vont tomber dans le piège que leur a tendu Nimitz et y perdre leurs principaux porte-avions. Le reste est la bataille proprement dite, avec ses héros, ses drames et ses tensions. Du grand spectacle assurément. Le générique de fin rappelle le sort de tous les héros du film après la bataille elle-même, ces héros ayant eu une existence bien réelle.
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BRIVOT (06-11-2019 16:50:14)
Au reçu de la lettre d’Hérodote, l’article concernant la guerre du Pacifique a prioritairement retenu mon attention. Nonobstant, j’ai voulu vous contacter par téléphone avant d’en connaître la substantifique moelle, faute de ma part que vous avez immédiatement relevée : bien joué 1 - 0.
Cependant je tiens à faire part de ma position concernant les films de guerre, ceux concernant la Grande guerre et la Dernière guerre.
Les films sur les guerres disons… historiques, les guerres de l’Empire par exemple, ne rentrent pas dans ma ‘prévention’ car nous n’avons que des récits pour faire valoir l’authenticité, pas de photographies, pas de documentaires d’époque et surtout… moins de passions.
Ainsi mon souhait reste de connaître le vrai des louanges adressées à ces réalisations plus récentes.
Compte-tenu des éléments suivants :
- Les deux guerres sont maintenant lointaines, rares deviennent les témoins de la dernière.
- Notre époque veut faire de l’argent, veut émouvoir plus que de raison, les réalisateurs n’ont pas connu ces époques.
- Un film réalisé par un allemand sur la guerre entre ses anciens ‘copains’ et le Monde Libre ne peut que prêter à suspicion.
- Tout gamin j’ai encore le souvenir que dans la ville de Munich les boches nous avaient fait retirer le drapeau français à l’arrière du bus nous ramenant de Tchécoslovaquie (nous étions le premier groupe catholique français a avoir franchi le rideau de fer à Cheb) et que le prêtre s’est exécuté !! Je fus possiblement le seul minot à en être outré et j’en garde le souvenir furieux plus de soixante années après !!
- Je réside dans une enclave germanique sise au centre de la France et en souffre atrocement (un drapeau français flotte chaque jour sur ma parcelle).
- Il y a eu d’excellents films de guerre réalisés alors que les mémoires étaient encore vives, les témoins vivants et l’idéologie pacifiste pas encore inventée.
- Le cinéma ‘moderne’ s’appuie sur le chiqué et le sensationnel pour émouvoir, de gré ou de force, les spectateurs ignares mais bons enfants. La finalité restant le nombre des ‘entrées’.
- Inutile de dire qu’un film tel, au hasard ‘Nuits et Brouillards’ serait interdit de réalisation aujourd’hui. Par chance il date de 1954 et ayant connu un tel succès reste difficile à censurer.
- Il y a eu, essentiellement d’origine nord-américaine, d’excellent films à très grand spectacle, on n’en connaît plus depuis fort longtemps pour des raisons économiques très probablement.
J’arrête ; un commentaire tenant vraiment compte des éléments ci-dessus m’eût été fort agréable.
Pierre J.L. Brivot