27 juin 2019

Vent de panique autour du Golfe Persique

Ce 28 juin 2019, jour anniversaire de l’attentat de Sarajevo (1914) et de la signature du traité de Versailles (1919), souhaitons que nos diplomates et gouvernants mettent un coup d’arrêt à la plus grave crise géopolitique de la décennie,  avec le risque d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient.

Le ballet diplomatique a débuté le 24 juin avec la rencontre à Djeddah, en Arabie séoudite, du Secrétaire d’État américain Mike Pompeo et du roi Salmane accompagné de son fils Mohamed ben Salmane pour s’entretenir de l’Iran.

Les 25 et 26 juin s’est tenue dans l’émirat de Bahreïn une conférence internationale sur la question palestinienne, à l’initiative de  Jared Kushner, gendre du président américain Donald Trump et proche du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.

Le 26 juin, le président français Emmanuel Macron est arrivé au Japon pour un entretien avec le Premier ministre japonais Shinzo Abe en vue de désamorcer la crise iranienne, avant le sommet du G20 qui doit réunir les chefs d’État et de gouvernement des vingt principales puissances de la planète à Osaka, le 28 juin 2019.

Ce même jour se retrouveront à Vienne les représentants des pays signataires de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 : France, Allemagne, Royaume-Uni,  Chine, Russie et Iran, à l’exclusion notable des États-Unis. Avec la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, ils tenteront de restaurer ce qui peut l’être de cet accord foulé aux pieds par le gouvernement américain.

Espoirs de paix trahis

Tout avait pourtant si bien commencé. Le 14 juillet 2015, l’accord sur le nucléaire iranien avait laissé entrevoir une détente au Moyen-Orient, 36 ans après la révolution islamique d’Iran et l’entrée quasi-simultanée de l’Arabie séoudite dans la surenchère islamiste.

Comme tous les compromis, celui-ci recélait des faiblesses, notamment dans le fait que l’Iran s’engageait à limiter ses opérations d’enrichissement de l’uranium pendant douze ans seulement. Mais il portait aussi l’espoir que, dans ce laps de temps, les Iraniens renverraient une bonne fois pour toutes les théocrates dans les mosquées.

Cet espoir a été contrarié une première fois en 1980 quand les Américains, mortifiés par la prise d’otages de leur ambassade de Téhéran, ont encouragé le dictateur irakien Saddam Hussein à agresser la République islamique.

Sous la menace de l’invasion, les Iraniens, qui étaient sur le point de lâcher les mollahs, ont resserré les rangs et renoué avec le régime réactionnaire et brutal de l’ayatollah Khomeiny.

C’est un phénomène historique que les Français ont déjà connu… en 1792 quand le roi Louis XVI a cru habile de déclarer la guerre à ses voisins pour se débarrasser de l’Assemblée Législative, trop révolutionnaire à son goût. L’invasion étrangère n’a eu d’autre résultat que de ressouder les Français autour de leurs députés, avec pour conséquences la Terreur et vingt ans de guerres quasi-continuelles.

Un deuxième espoir a été trahi en 2003-2005 avec l’escalade verbale du président américain George Bush Jr. contre l’Iran, rangeant celui-ci dans « l’axe du Mal » avec l’Irak et la Corée du Nord.

Dans le même temps, l’Iran multipliait les gestes de bonne volonté en combattant les islamistes en Afghanistan et en signant un protocole additionnel au traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Le président Mohammad Khatami plaidait quant à lui pour « le dialogue des civilisations ». En vain.

Les rebuffades américaines ont conduit en 2005 les Iraniens à élire à la surprise générale un histrion improbable, une sorte de Donald Trump avant l’heure. Président de la République islamique, Mahmoud Ahmanidejad a multiplié à son tour les foucades antisémites et antioccidentales, justifiant a posteriori les récriminations des Occidentaux à l’égard des Iraniens.

Après ce nouveau rendez-vous manqué entre l’Iran et l’Occident, il a fallu attendre l’élection en 2013 du modéré Hassan Rohani à la présidence de la République pour que renaisse l’espoir d’une ouverture chez les Iraniens.  Au même moment, sous l’effet du mal-nommé « printemps arabe », le monde arabo-sunnite sombrait dans un déchaînement de violence, en Syrie, en Libye, en Égypte et ailleurs.

Le nouveau gouvernement iranien a mené au pas de charge les négociations sur le nucléaire avec l’ONU. Téhéran, qui a signé le traité de non-prolifération en 1968, a confirmé son rejet de l’arme atomique, à la condition d’une levée des sanctions économiques à son encontre... Notons qu’Israël, le Pakistan et l’Inde n’ont pas signé ledit traité pour garder le droit de se doter de la bombe atomique, ce qu’ils n’ont pas manqué de faire !

Si l’Iran viole sa signature en se dotant à son tour de la Bombe, d’autres États comme la Turquie et l’Arabie séoudite ne manqueraient pas de l’imiter, avec des conséquences potentiellement épouvantables pour l’Iran, le Moyen-Orient et l’humanité. C’est pourquoi, au-delà de leur désir de revenir dans le concert des nations et les réseaux commerciaux, les modérés rassemblés autour du président Rohani savent qu’il n’est pas dans leur intérêt à long terme de se doter de l’arme nucléaire.

Mais depuis l’année dernière, ils découvrent aussi qu’il n’est pas dans leur intérêt immédiat de le dire. Comme les dirigeants nord-coréens, ils s’aperçoivent que leur programme nucléaire est le seul atout dont ils disposent dans la partie de poker engagée par le gouvernement américain. Y renoncer serait se condamner à une ruine totale comme l’Irak de Saddam Hussein, que les Occidentaux ont détruit après l’avoir activement soutenu.

Jeu dangereux

En janvier 2016, conformément au traité de Vienne du 14 juillet 2015, les Européens ont levé la plupart des sanctions économiques visant l’Iran. Les États-Unis du président Barack Obama ont choisi quant à eux de temporiser, menaçant déjà de représailles les entreprises européennes qui commerceraient avec l’Iran avant qu’eux-mêmes aient donné le feu vert !

L’horizon s’est brutalement obscurci avec la rupture unilatérale de l’accord le 8 mai 2018 par Donald Trump. Une rupture à l’encontre de toutes les règles diplomatiques, qui lui a valu d’être condamné par la Cour Internationale de Justice (La Haye).

Comme ses prédécesseurs et à l’encontre de toutes les évidences, le président américain reproche à Téhéran d’alimenter partout le terrorisme. Dans le même temps, il renforce son alliance avec l’Arabie séoudite, ennemie proclamée de l’Iran.

L’affaire est l’occasion de frapper au portefeuille les entreprises européennes en les menaçant de très lourdes sanctions financières ! Cet abus de droit évident ne manque pas  de heurter le président Emmanuel Macron qui y a vu à juste titre une atteinte à la souveraineté de son pays : « Si nous acceptons que d’autres grandes puissances, y compris alliées, se mettent en situation de décider pour nous notre diplomatie, notre sécurité, parfois en nous faisant courir les pires risques, alors nous ne sommes plus souverains » (Aix-la-Chapelle, 10 mai 2018). Mais sans rien pouvoir y faire.

Et tandis que le gouvernement américain attise la guerre commerciale avec la Chine en appliquant des droits de douane de 25% à une partie puis à la quasi-totalité de ses exportations vers les États-Unis, voilà que la crise avec l’Iran paraît s’emballer.

En novembre 2018, Washington interdit à tout pays, y compris la Chine et l’Inde, d’acheter du pétrole à l’Iran. Les ventes de celui-ci s’effondrent de 2,5 millions de barils par jour à 300 000. Les sanctions américaines s’apparentent de plus en plus à un blocus, autrement dit à un acte de guerre, selon le droit international.

En Iran même, ce bras de fer réjouit secrètement le clan des durs qui y voient l’assurance de resserrer la population autour du régime. Les dirigeants des pasdaran ou gardiens de la Révolution, une police politique et théocratique honnie de la population, seraient les plus enclins à l’affrontement, fut-ce au prix d’une violente régression qui renverrait l’Iran au stade de la Corée du nord.

Ils vont être servis. Le 13 juin 2019, alors qu’un émissaire japonais tente une médiation à Téhéran, un pétrolier norvégien, le Front Altair, et un méthanier japonais, le Kokuka-Courageous, sont l’un et l’autre victimes d’une mystérieuse attaque à la sortie du détroit d’Ormuz qui ferme le Golfe Persique. Des incendies se déclarent à bord. Pas de victimes. Pas d’attaquants identifiés. Mais immédiatement, sans prendre la peine de demander une enquête internationale, les Américains dénoncent une attaque iranienne.

Les émules de George W. Bush et Colin Powell, auteur de la plus grossière « fake-news » du siècle, sont rejoints par les Séoudiens, également connus pour leur sens de l’humanité, qui dénoncent à l’envi les Iraniens « sans autre forme de procès ».

La semaine suivante, le jeudi 20 juin, un drone américain (avion de guerre sans pilote) est abattu par les Iraniens. Téhéran affirme qu’il avait violé leur espace aérien et Washington garantit qu’il se tenait sagement dans la zone internationale. Le même jour, en représailles, l’US Air Force se dispose à frapper des cibles iraniennes, mais Trump affecte de retenir les avions au dernier moment dans le souci d’épargner des vies ! Il n’en autorise pas moins des cyber-attaques, une forme de guerre moins spectaculaire mais au moins aussi redoutable. Enfin, le lundi 24 juin 2019, le président américain annonce de nouvelles mesures contre les avoirs des personnalités du régime iranien.

Les États-Unis, superpuissance en déclin, apparaissent désormais comme le principal facteur de désordre dans le monde. Une situation d’autant plus paradoxale que leur influence culturelle et sociale, à travers le cinéma, les séries, internet et les cénacles intellectuels, n’a jamais été aussi grande.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2021-06-03 11:12:41
turlupin (27-06-2019 14:49:56)

Méli melo d'une méconnaissance historique de l'Histoire avec un parti pris americano - israelo centrisme.
une question simple: qui menace qui?
De son histoire les Etats Unis sont impérialiste et guerriers.Axe de la guerre au monde.

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