20 juillet 2018

Scandales d'État, de Profumo à Benalla

Alexandre Benalla filmé place de la Contrescarpe à Paris le 1er mai 2018.Deux jours après le triomphe de la France au Mondial, à Moscou, le président Emmanuel Macron se voit entraîné dans un maelström médiatique.
L'origine en est une vidéo publiée par le quotidien Le Monde. Elle montre son garde du corps Alexandre Benalla en train de se déchaîner sur des manifestants le 1er mai 2018...

Il apparaît que le ministre de l'Intérieur avait de suite informé l'Élysée de ce méfait mais le coupable a simplement été mis à pied pendant quinze jours alors qu'il encourait plusieurs années de détention ! Mieux encore, sitôt après la révélation du Monde, le garde du corps, en se prévalant de sa proximité avec le chef de l'État, a convaincu des hauts gradés de la police de lui remettre une vidéo confidentielle en vue de sa défense.

Ces faits anecdotiques sont révélateurs de l'atmosphère qui a cours à l'Élysée, mélange d'arrogance, de violence et de mépris. L'affaire Benalla ne tient pas au simple dérapage d'un individu mais à la mansuétude dont il a fait l'objet de la part du président Macron lui-même lorsque ce dernier a eu connaissance des faits, le 2 ou le 3 mai. 

La confiance des citoyens dans le discernement et l'équité du président de la République menace de s'effrondrer s'il est prouvé que le même homme peut congédier sans façon des serviteurs scrupuleux de l'État, comme le chef d'état-major Pierre de Villiers, et prendre un trublion sous son amicale protection, le promouvoir lieutenant-colonel de réserve (à 26 ans !) et le garder à son service en dépit de ses agissements et au mépris des lois.

Un autre aspect de l'affaire est susceptible de choquer les citoyens : il apparaît en effet qu'Emmanuel Macron a envisagé de confier la sécurité du palais présidentiel à des officines privées plutôt qu'aux institutions républicaines que sont la gendarmerie ou la police. Si cela est avéré, on pourrait en conclure que le chef de l'État lui-même ne fait pas confiance à l'État mais à la seule « loi du marché ». Un comble.

Si elle n'est pas rapidement maîtrisée par l'Élysée, l'affaire Benalla pourrait tout aussi bien affecter l'autorité du président de la République française. Pour Emmanuel Macron, il y aura peut-être un avant et un après-Benalla, comme pour Bill Clinton un avant et un après-Monica.

Il y a vingt ans déjà, l'affaire Clinton-Monica Lewinski...

Monica Lewinski et le président Bill ClintonL'affaire Benalla rappelle en effet par certains côtés l'affaire Monica Lewinski. En janvier 1998, le Washington Post révéla que la jeune femme avait eu des relations sexuelles avec le président Bill Clinton dans le Bureau Ovale alors qu’elle était stagiaire à la Maison Blanche.

Après avoir nié les faits, le président américain, trahi par des éléments matériels, fut contraint de reconnaître publiquement sa liaison. Accusé de parjure et d’entrave à l’exercice de la justice, Clinton fit l’objet d’une procédure de destitution avant d’être acquitté par le Sénat en février 1999 au terme d'un mandat gâché par cette affaire.

C'est ainsi qu'une péripétie d'ordre intime a débouché sur une affaire d'État et ruiné l'autorité d'un président jeune, dynamique, beau et plutôt populaire.

Autres précédents

Le monde politique a connu d'autres affaires qui se sont emballées jusqu'à devenir des affaires d'État ou des scandales à rebondissement électoral.

En Angleterre, une comédie de boulevard fut à l'origine d'un désastre politique, le scandale Profumo, du nom d'un ministre de grande envergure et d'une authentique probité morale : il dut renoncer à sa carrière pour avoir partagé les faveurs d'une demoiselle avec un diplomate soviétique...    

En Suède, où l'on ne plaisante pas avec la morale et où le principe de transparence a été institué dès 1766, aucun écart de comportement n’est toléré. L’affaire la plus emblématique est sans nul doute celle dite du « Toblerone ». En 1995, la numéro 2 du gouvernement, Mona Sahlin, fut contrainte à la démission après qu’on eut découvert que plusieurs années auparavant, alors qu’elle était ministre du travail, elle avait payé quelques courses, dont deux barres chocolatées, avec sa carte de crédit de fonction !

Dans des domaines quelque peu différents, on pense aussi aux diamants de Bokassa. Le Canard enchaîné révéla que le dictateur centrafricain avait offert au président Valéry Giscard d'Estaing des diamants, à vrai dire de médiocre valeur ; cette révélation affecta gravement la popularité du président. Toujours en France, on peut évoquer l'affaire Markovic, du nom du garde du corps d’Alain Delon retrouvé assassiné, et qui a injustement brouillé l'image du Premier ministre Georges Pompidou.

Autre affaire plus lointaine et aux conséquences très graves : le collier de la Reine, une vaste escroquerie qui affecta la réputation de Marie-Antoinette quelques années avant la Révolution.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2023-06-30 14:15:45
Roche (07-08-2018 09:53:48)

rien à ajouter sur le fond mais la liberté d'expression dont témoigne cette tribune redonne confiance dans notre démocratie, en dépit de...

eliacath (05-08-2018 05:31:09)

Merci pour la sobre perspicacité de cet article qui met l'évènement (dont le moins qu'on puisse dire est qu'il révèle des psychologies à facettes troubles), en perspective historique... La "com" sophiste des commentaires officiels est impropre à rassurer l'opinion.

Jack67 (02-08-2018 13:12:24)

On se demande ce qui est le plus lamentable dans l'affaire : les excès de Benalla ou bien le déchainement médiatique. Il n'y a pas eu de mort ou de blessé! Les médias se rabattent sur les miettes... Lire la suite

BATREAU (01-08-2018 13:51:18)

@ Fanny les cabinets ministériels, la présidence de la République et le 1er ministre peuvent recruter des collaborateurs en dehors de tout concours. Ce sont des contractuels

BATREAU (01-08-2018 13:45:32)

je trouve cet article bien sévère à l'égard du président. Nous n'avons vu qu'une partie de la video. Il semble que "les victimes" qui n'avaient pas déposé plainte, aient jeté des projectiles s... Lire la suite

Boutté (01-08-2018 11:46:45)

Le dérapage est toujours possible. Il reste véniel. Ce qui est dangereux pour la "république irréprochable" n'est pas le fait que des manifestants aient été frappés ; c'est que le premier flic ... Lire la suite

Marie (01-08-2018 11:40:08)

L'affaire Benalla nous interpelle tous et pourtant ce n'est pas grand chose en réalité : un petit minable qui se vante d'être dans l'entourage de l'Elysée pour qu'on lui passe tous ses caprices; c... Lire la suite

Anonyme (01-08-2018 08:07:28)

Franchement,on s’en 😝

Almape (31-07-2018 22:12:07)

- On comprend que M. Macron se méfie des vieilles gardes de l'Intérieur et qu'il s'entoure de jeunes fougueux (ou gueux fous...)qui ne sont pas du sérail. Le risque c'est que la proximité du pouvo... Lire la suite

HIRSCH (31-07-2018 17:48:00)

Mes pauvres amis, cela fait plus de 5000 ans que juifs et arabes se tapent dessus et ce n'est certainement pas un Trump ou un Netanyahou qui régleront le problème. La preuve avec cette loi total... Lire la suite

LAMBDA (31-07-2018 15:55:15)

Ce A.Benalla ressemble à un mercenaire qu'on aurait bien"façonné" et SAVAMMENT propulsé dans la périphérie du président. Nouvelle méthode efficace à priori pour "dézinguer" un président, g... Lire la suite

edzodu (31-07-2018 15:05:16)

Un président de la République n'est pas comme sous la monarchie absolue un homme après Dieu et le Pape comme cela était le cas au XVII et XVIII ème siècle. Non plus Napoléon Bonaparte, qui s'es... Lire la suite

fanny (31-07-2018 11:21:04)

il me semble qu'on doit distinguer deux choses : 1)la démarche de M.Benalla qui malheureusement ne se distingue guère de celle de certains policiers et dont il aura a répondre en face des plainte... Lire la suite

PHILIPPE49 (31-07-2018 11:14:50)

La question de savoir jusqu'à quel point et comment les civils molestés par Benalla étaient violents est absolument hors sujet. La seule question POLITIQUE est de SAVOIR SI LE PRINCIPE DÉMOCRATIQU... Lire la suite

Orlando (31-07-2018 11:03:25)

Le problème posé est : le Président de la République a-t-il essayé de couvrir les actions illégales de M. Benalla ? Ce dernier a usurpé la fonction de gendarme ou policier en se prévalant de ... Lire la suite

Pierre (31-07-2018 10:19:24)

Tout citoyen qui est témoin de casseurs en cours d'action ne devrait-il pas intervenir s'il s'en sent capable physiquement Cf le pillage d'un magasin de scooters sur les champs Elysées au moment du... Lire la suite

Jean Casanova (31-07-2018 10:01:37)

Ce que met surtout en évidence cette affaire, c’est la concentration du pouvoir au sommet de l’État dans un exécutif qui estime avoir de compte à rendre à personne.

Claude (30-07-2018 23:39:17)

Vous parlez d'un affaire d'État... Il faudrait s'entendre sur la définition exacte de cette notion d'affaire d'État. A quel moment un affaire devient d'État ? Personnellement, je ne vois pas en ... Lire la suite

Michel (30-07-2018 22:19:54)

Bonsoir, Je m'interroge à savoir si, monsieur Benalla n'avait pas commis ces "bêtises", combien de temps encore, ce personnage aurait engendré les postes à priorité et autres avantages. Il est a... Lire la suite

Mazers (30-07-2018 21:34:47)

Marybé : lisez cet article, il dit que ce qui pose problème c’est « la mansuétude manifestée par le président », envers ce jeune arriviste, à mettre en parallèle avec la sévérité et la... Lire la suite

wahi (30-07-2018 20:41:23)

Il me semble comme l'a montré FR 5 dans un reportage que vous oubliez SAC sous de GAULLE et la tuerie d'une famille marseillaise enfant compris, sous Mitterrand l'affaire des écoutes et celle du Rai... Lire la suite

Marybé (29-07-2018 02:50:48)

Désolée, mais vous êtes sûr que vos informations sont les bonnes ? Elles ne reflètent pas vraiment ce que j'ai lu à ce sujet et les les émissions que j'ai suivies. Vous ne parlez pas des jets d... Lire la suite

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