17 janvier 2018

La contestation à Notre-Dame-des-Landes

17 janvier 2018 (mise à jour de notre article du 17 novembre 2012) : la mobilisation contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, en rappelle d’autres qui ont marqué les années 1970 (Larzac, Plogoff, Creys-Malville)...

Projet d?aéroport Notre-Dame-des-Landes. Référendum le 26 juin 2016 ? Source, lemonde.fr.20 000 manifestants se sont réunis le samedi 17 novembre 2012 à Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes pour dénoncer le projet d’un grand aéroport dans ce bocage préservé de l’urbanisation et promu « Zone à défendre » (ZAD).

Ils y ont vu une fuite en avant dans la destruction des derniers espaces naturels et le développement à tout va du transport aérien, au mépris de l'environnement et sans réel profit pour la croissance économique et le bien-être des citoyens (note).

Il faut remonter aux années 1970 pour retrouver semblable mobilisation, avec des écologistes, des ruraux et des gauchistes de toute la France.

affiche  LarzacC’était alors pour empêcher l’extension du camp militaire du Larzac (1971-1981), et aussi contre un projet de centrale nucléaire à Plogoff, à la pointe de la Bretagne (1976-1981), et contre le surgénérateur Superphénix de Creys-Malville, au bord du Rhône (1976-1997).

Les deux premiers projets n’ont jamais vu le jour ; quant à Superphénix, il a été arrêté en 1997. Notre-Dame-des-Landes échappera-t-il au mauvais sort ? Ou collera-t-il au gouvernement comme le sparadrap au capitaine Haddock ?

Aux dernière nouvelles, le Premier ministre Édouard Philippe a choisi d'en finir avec les tergiversations. Il a renoncé au projet. Il lui reste maintenant à évacuer les « zadistes » établis sur le site depuis plusieurs années. Une fois qu'il se sera acquitté de cette corvée, il est vraisemblable que l'on oubliera très vite l'aéroport, tout comme on a oublié les précédents projets...

Notre-Dame-des-Landes : un aéroport pour quoi faire ?

Le projet de grand aéroport à Notre-Dame-des-Landes, sur 1 200 hectares de bocage humide, est né en 1963 dans le but d'accueillir le supersonique Concorde. Celui-ci ayant été abandonné, les édiles locaux ont mis en avant la saturation future de l'actuel aéroport de Nantes ou encore les risques d'accidents pour justifier le maintien du projet. Mais la comparaison avec des aéroports similaires comme celui de Genève témoigne de la fragilité de l'argument (note).

Aujourd'hui, les mêmes édiles invoquent le bruit de l'actuel aéroport, qui gêne les zones urbaines alentour, voire les emplois qui auraient pu être financés sur place par le chantier. Mais on peut craindre que la classe politique locale soit surtout motivée par l'enjeu financier que représentent les terrains de l'actuel aéroport, soit 300 hectares constructibles entre l'agglomération nantaise et un espace naturel aujourd'hui protégé.

Le Larzac

Le  Larzac à Paris En octobre 1971, sous la présidence de Georges Pompidou, le ministre de la Défense Michel Debré annonçait l’extension du camp d’entraînement du Larzac, qualifié par le ministre de « pays déshérité ». Il devait passer de 3 000 à 14 000 hectares, au nom de l'urgente nécessité d'offrir à l'armée les moyens d'entraînement indispensables à la préservation de notre sécurité à tous. Un impératif moral !

Sont concernées cent trois familles, qui cultivent des céréales et élèvent des brebis sur ces causses proches des caves de Roquefort.

Troublées dans leur quiétude, elles s’opposent avec vigueur à l’extension. Leur lutte, au nom de l’écologie, du respect de l'agriculture et aussi de l’antimilitarisme, reçoit le soutien des syndicats et des partis de gauche (150 Comités Larzac sont créés en France).

Elle devient nationale, couronnée par une montée sur Paris avec des brebis qui iront brouter le Champ-de-Mars. De nombreuses manifestations ont lieu aussi sur place. Leur leader, José Bové, ne tardera pas à acquérir une stature nationale.

L’élection de François Mitterrand, en 1981, signe la mort du projet. La « Grande Muette » ne fait pas de commentaire. À vrai dire, elle s'accommode plutôt bien de l'abandon du projet, l'entraînement à la guerre essentiellement en milieu urbanisé ne justifiant plus de grands espaces.

Plogoff

Nous sommes en 1976. L’heure est à l’indépendance énergétique et la France a fait le choix du nucléaire. L’exploitant public EdF projette de construire une centrale en Bretagne pour remédier à un déficit d’électricité dans la région. Il ne s'agit pas que la Bretagne retombe dans le sous-développement. Ici, c'est l'impératif social qui prévaut !

Les collectivités régionales s’y montrent favorables mais pas les habitants ni les maires des communes concernées. Les manifestations se multiplient, sur le même mode qu'au Larzac, où l'occupation se poursuit, et en parallèle avec Superphénix.

Le Premier ministre Raymond Barre signe néanmoins la déclaration d’utilité publique pour une centrale sur le site de Plogoff le 11 janvier 1979. Mais deux mois plus tard, le 28 mars 1979, survient l’accident nucléaire de Three Mile Island, aux États-Unis. Il fait les choux gras des opposants à Plogoff, qui reçoivent le soutien de François Mitterrand. Il s’engage à renoncer à cette centrale une fois élu !

En définitive, les Bretons et les touristes s’accommodent plutôt bien de son absence. Le site naturel exceptionnel de la pointe du Raz est préservé et, pour l'heure, on ne signale pas de panne électrique générale dans la région.

Superphénix

En avril 1976, le Premier ministre Jacques Chirac autorise la commande du surgénérateur Superphénix. C’est une première mondiale à cette échelle. Le réacteur doit, non seulement produire de l’électricité par la fission de l’uranium, mais aussi utiliser les neutrons rapides qui en résultent pour pour transformer de l'uranium 238 (non fissile) en plutonium 239 fissile. Ainsi, on multiplie par cent les réserves de combustible nucléaire aujourd'hui constituées seulement d'uranium naturel minier. D'où le nom de cette technologie : surgénération (sous-entendu de combustible).

Lyrique, le président Valéry Giscard d’Estaing affirme que la France disposera ainsi d’autant d’énergie que l’Arabie Saoudite !... On peut faire un parallèle avec Michel Rocard, qui assurait au début des années 2010 que les gaz de schiste feraient de la France un Qatar européen.

Aussitôt, les opposants organisent deux manifestations internationales sur le site. Elles dégénèrent et les affrontements avec les forces de l’ordre conduisent à la mort d’un manifestant.

En dépit du changement de majorité en 1981, le projet est maintenu et l’opposition s’amplifie. En 1982, le chantier de Superphénix est attaqué avec une roquette, action plus symbolique que destructrice.

Menée au pas de charge, la construction aboutit à la mise en service du réacteur en 1984. Mais celui-ci souffre de plusieurs incidents techniques que les opposants mettent en avant pour retarder son exploitation.

Après une longue période d’arrêt, le Premier ministre Michel Rocard signe un décret de redémarrage le 12 janvier 1989. Mais la lutte continue et s’internationalise avec une manifestation à Genève. Il faut dire que la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (avril 1986) est passée par là.

Superphénix est définitivement arrêté par le gouvernement Jospin en 1997. Le Phénix est abattu en plein vol, mais le principe de la surgénération n’est pas mort...

Infrastructures et développement économique : un postulat controversé

Que retenir de ces luttes ? La centrale de Plogoff n'a pas été construite et la région et EDF en ont sans trop de difficulté fait leur deuil. Aucune pénurie électrique n'a encore affecté la Bretagne. Il est vrai que celle-ci s'est engagée avec détermination dans le développement des énergies renouvelables.

Après l'abandon de Superphénix, le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) poursuit sans plus de souci ses recherches sur le nucléaire de long terme et notamment la surgénération rebaptisée Génération IV (projet Astrid).

Le Larzac concernait la Défense nationale. La chute du Mur de Berlin a mis au rancart les déploiements de chars dans les steppes orientales. Pas de regrets de ce côté. L’armée s’est recentrée sur les luttes du futur et pour se préparer à la guérilla urbaine, elle n'a plus autant besoin d’espace.

Ces trois luttes emblématiques ont traversé plusieurs mandatures et usé encore plus de gouvernements. L’histoire s'est reproduite avec le projet de nouvel aéroport à Nantes, abandonné malgré un référendum des électeurs du département de Loire-Atlantique (note).

Joseph Savès
Infrastructures et croissance économique

Gouvernants et hauts fonctionnaires justifient régulièrement les grandes infrastructures par le postulat qu'elles sont le préalable au développement économique et à la prospérité : construisons une autoroute, une ligne TGV, un aéroport, une centrale thermique... et hop, voilà les habitants qui deviennent plus industrieux, comme transformés par la proximité de ces monuments !

Dans les faits, rien ne démontre ce postulat... même s'il remonte au moins à Louis XIV et Colbert :

C'est ainsi en vertu de ce postulat que le Roi-Soleil lança à grands frais le creusement du canal du Midi, entre la Méditerranée et l'Atlantique, en vue de réveiller Toulouse et sa région. Un ingénieur de génie, Pierre-Paul Riquet, se mit à la tâche et résolut avec brio les problèmes liés aux différences de niveaux entre les deux mers. Autant d'efforts en pure perte. Les Toulousains n'y ont pas vu un motif de changer leurs habitudes et, faute de demande locale, le canal a très peu transporté de marchandises. C'est seulement aujourd'hui qu'il connaît un peu d'animation grâce aux touristes anglais qui le parcourent en péniche !

Publié ou mis à jour le : 2019-01-31 19:19:10
greg cook (17-01-2018 02:11:27)

Pour le Canal du Midi, il n'y a pas que des anglois en péniche qui l'apprécient--il y a aussi plein de cyclistes français et quelques alaskiens qui profitent du canal et des pistes de halage à côté.

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