Langue française

Écriture inclusive : les Eeee nous envahissent !

20 septembre 2017 : ils sont partoute ! Depuis quelques semaines, en France, nous assistons à une multiplication irrépressible de la lettre E dans nos journaux et nos textes officiels. Revanche de l'accent de Raimu ? Crise de folie des claviers ? Que nenni : nous sommes simplement devant une nouvelle attaque du politiquement correct contre les disparités homme-femme (ou femme-homme).

Souhaitez-vous évoquer les étudiants ou encore les agriculteurs ? Malheur à vous si vous oubliez de faire allusion à leur partie féminine ! Et voici comment les « distingués étudiants et agriculteurs » se doivent d'être désormais qualifiés de « distingué.e.s étudiant.e.s et agriculteur.rice.s ». Joli, non ? Vous avez encore d'autres possibilités : étudiant-e-s, étudiant(e)s, étudiant/e/s, étudiantEs... Songez comme les articulations de vos doigts vont acquérir une souplesse jamais envisagée !

Ne riez pas, il s'agit rien moins que d'une très sérieuse recommandation d'un Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes qui remonte à 2015. Elle reçoit déjà un début d'application dans certaines feuilles de chou et même dans des manuels scolaires sous le nom d'« écriture inclusive ».

La lettre E (Grasset)

Avatars du e E e

L'objectif de parité homme-femme est légitime mais qui peut croire sérieusement que, pour s'en rapprocher, le plus urgent serait de mettre une fois de plus le lexique à contribution et le traiter comme chair à pâté ?

E a déjà subi bien des manipulations de la part des copistes qui l'ont parfois affublé d'un chapeau baladeur ou collé à une autre voyelle comme une moule à son rocher. Espiègle, il aime aussi apparaître là où on ne l'attend pas, au gré des accords.

Avec lui, notre redoutable COD ou complément d'objet direct se fait capricieux même si les vers de Clément Marot voudraient nous convaincre que le féminin en sort gagnant :
« La chanson fut bien ordonnée
Qui dit : m'amour vous ai donnée. [...]
Voilà la force que possède
Le féminin quand il précède »
.

Les métiers à l'épreuve de la parité

Laissons les poètes à leurs amours et revenons à nos ordonnateurs.trices des temps nouveaux. Dès 1984, sous l'impulsion d'Yvette Roudy, une commission a été créée (trois E à la suite !) pour réfléchir à la « féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions » puisque « la parité a sa place dans la langue » et qu'il importe de prendre en considération tout à la fois l'apparition de nouveaux métiers et l'entrée des femmes dans des professions traditionnellement masculines (l'inverse, pour sage-femme par exemple, est encore à l'étude).

Il en est ressorti un guide que l'on a joliment intitulé : « Femme, j'écris ton nom... », avec des préconisations qui ont été rapidement consacrées par l'usage et d'autres plus saugrenues et vite abandonnées...

Sus au masculin

Manuel Questionner le monde, CE2 (mars 2017, Hatier)Après un effort louable sur les professions, était-il donc nécessaire de réécrire les accords neutres au risque de rendre aux écoliers - et à nous-mêmes - l'orthographe et la lecture encore plus ardues ?

En français, les règles qui régissent les genres remontent au bas latin. À la différence de l'allemand qui dispose d'un suffixe spécial pour le neutre, nous assimilons usuellement le neutre au masculin et nous donnons aussi la primauté au masculin dans les accords (« hommes et femmes sont égaux » et non « ... égales »).

Cette contrainte n'a pas empêché au fil des siècles l'avènement d'une belle littérature et l'émergence d'une société aimable, portée sur les valeurs féminines et placée sous le patronage de Jeanne d'Arc et Marianne. Nous sommes tou.te.s capables d'apprécier la portée de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen sans qu'il soit besoin de préciser Déclaration des Droits de l’Homme, de la Femme et du Citoyen ainsi que de la Citoyenne (ouf !). (...)

Publié ou mis à jour le : 2023-03-13 16:46:46
BERNARD-GILBERT (13-10-2020 21:07:41)

La liberté d'expression c'est primordial et je vous remercie d'avoir rédigé un article aussi pertinent. Néanmoins, je suis heureuse que la féminisation des métiers soit enfin reconnue. Je serai également heureuse le jour où on parlera de Déclaration des Droits Humains. La parité homme-femme (je n'ose pas utiliser le mot féminisme tant il a encore une mauvaise connotation) passe aussi bien par la lutte contre le féminicide que par l'écriture inclusive. Nous sommes en 2020, je ne vois aucun journaliste qui utilise à outrance le slash, le point, les parenthèses ou que sais-je d'autres pour inclure les femmes dans leurs articles. Oui, je m'en réjouis comme vous! Cependant, je suis également bien contente de lire "une professeure" ou "une cheffe d'entreprise".
En globalité, je suis d'accord avec ce vous dites. C'est osé et c'est très bien écrit. Il y d'autres propos auxquels j'adhère moins... Mais c'est ce qui fait tout l'intérêt des medias indépendants! Le partage.

Norbert (04-10-2020 16:46:55)

L'écriture inclusive serait la mort programmée de la diffusion de la francophonie dans le monde. Allons-nous apprendre dans nos Alliances Françaises cette écriture illisible dans une lecture à haute voix ? L'anglais triomphera alors avec son neutre pour les objets (sauf le bateau) et (presque tous) les animaux, ses adjectifs et participes passés invariables, ses noms de métiers non "genrés" (teacher, manager, doctor, ...) et son pluriel "they" qui n'introduit aucune ambiguïté.
Nous avons déjà du mal avec des mots écrits de la même façon mais de prononciations différentes ("les agents nagent à Agen sans Le Pen") comment enseigner à des enfants étrangers que "les lion.ne. sont beaux/belles" et que "les girafes sont grand???s". Et que la table et le tabouret sont vert.e.s ?

Francois (17-01-2018 23:56:55)

Il me semblait que le livre de Geoges Perec, la disparition, ne comportait aucun E.

Herodote.net répond :
Nous évoquons ici un autre titre, Les Revenentes.

Anonyme (29-11-2017 15:56:16)

En réponse à domdom (02-10-2017). Vous dites :
"En général, heureusement, le temps finit par faire le tri : ce qui relève du dogmatisme, du parti pris pour ne pas dire de la bêtise finit par s’émousser et disparaître"
C'est bien vrai : considérons le fameux calendrier révolutionnaire, spécialité française s'il en est, qui n'a pas tenu 15 ans (1792-1806)...

Francoise (26-11-2017 12:29:23)

Une écriture "intrusive", enlaidie de points noirs et/ou coupée à la "slash"... Bonjour la dictée ! Vouloir imposer cette écriture agressive, tant pour celui qui doit l'écrire que pour celui qui essaie de lire ce fatras de signes superflus, c'est prendre les gens pour des billes stupides, dénués d'imagination. Puisque "on" se croit "obligé" de tout déballer pour leur faire "comprendre"...

D'ailleurs, c'est le contraire qui risque de se produire : trop de points comme autant d'infos, et trop d'infos tue l'info ; s'il y a lieu d'expliciter, il suffit de mettre les points sur les i, mais de points point trop n'en faut. Et puis, si vous êtes comme moi, allergique à ces attaques "scribales", vous ne lirez pas 2 lignes d'un texte farci de la sorte. Mauvaise farce indigeste.

Autre problème, comment lire ces gribouillages à haute voix ? Et quid des étrangers mis devant le fait accompli d'une écriture dépassant toute limite du raisonnable ? Ce que cette écriture que "on" essaie d'imposer laisse à penser, est que ces mêmes "on" veulent, plus ou moins consciemment, obliger les Français à adopter un "globish pinyin english" que seuls les "bobos" (les "on"), pas même les authentiques anglophones, peuvent comprendre, s'il y a encore quelque chose à comprendre : un comble pour l'ère de la communication mondiale, web et consorts !!!

domdom (02-10-2017 10:38:48)

En général, heureusement, le temps finit par faire le tri : ce qui relève du dogmatisme, du parti pris pour ne pas dire de la bétise fini par s’émousser et disparaître. On sait bien que ces « Haut comités » , ou ces commissions de même acabit sont créées pour servir de caisse de résonance à l’Etat qui devrait s’occuper de l’essentiel au lieu de tout vouloir régenter. Le mot « Liberté » du fronton de nos mairies perd de plus en plus son sens. « Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins » écrivait fort justement Henry David THOREAU dans « La désobéissance civile « 

anne (28-09-2017 09:34:55)

En réponse à JPL .
Moi aussi, je suis d'accord avec vous, j'aurais dû mettre le e entre parenthèse puisque c'était un clin d'oeil!
Ann e

JPL (26-09-2017 17:19:52)

Anne, je suis entièrement d'accord avec vous, sauf en ce qui concerne "gente féminine". "Gent" est un substantif féminin signifiant "groupe", "ensemble"... Lafontaine dénommait les souris, "la gent trotte menu". Pour les avocats, juges, etc, on parle de "la gent de robe". Et au lieu de l'horrible "geek" on pourrait écrire "la gent informatique".
Quant à tout ce ramdam, heureusement (à ce qu'il paraît !) que le ridicule ne tue pas

Françoise (26-09-2017 12:02:33)

S'il y a bien un mot ambigu, c'est homme. La déclaration des droits de l'homme de 1789 excluait les femmes.... sans le dire.
Documentaliste, j'interrogeais les élèves de 4° "Qui excluait la Déclaration des droits de l'Homme" de 1789 ?" Les élèves qui avait un enseignant ne savaient pas, les élèves qui avaient une enseignante (féministe) le savaient.
J'applique une règle de grammaire démocratique : lorsqu'un adj. concerne une majorité masculine, je laisse le masculin, s'il concerne une majorité féminine, j'écris l'adj. au féminin.
Je me souviens d'une pub "Ma prof de maths..." l'usage, là, a précédé la règle.

anne (26-09-2017 10:36:24)

Je trouve tout cela si enfantin et m'interroge. Si les féministes se réjouissent de ces nouvelles appellations, est-ce parce qu'elles préfèrent se ridiculiser afin de se sentir l'égale? Son t-elles si peu certaine de leur valeur? Pauvre langue qui perd cependant son importance au profit de l'anglais et pauvre gente féminine ayant besoin, pour s'imposer, de rendre notre lecture aussi ridicule. C"est insensé de voir à quelles stupidité on peut s'abaisser pour pouvoir paraître. Anne.

ROBIN Etienne (25-09-2017 17:22:16)

Super, cette catilinaire (tiens, ce mot est féminin... comme les prénoms qu'on donne aux ouragans).
Permettez-moi tout de même une précision : le mot "sage-femme" n'a pas besoin d'être masculinisé. Car il ne désigne nullement des femmes. Il signifie en effet "sage en femmes", c'est à dire "savant en ce qui concerne le domaine féminin".

Quaero (25-09-2017 15:16:10)

Merci pour ce coup de gueule bienvenu. Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limite, ainsi qu’aurait dit Pierre Dac. La bêtise peut alors s’en donner à cœur joie. Quant aux assesseure, procureure, professeure, proviseure, ingénieure, auteure... je ne suis pas sûr de leur folle élégance et encore moins que l'usage ait prévalu, et prévale encore aujourd'hui, à leur emploi, hormis pour quelques cercles ou publications davantage soucieux (devrai-je dire soucieux-euses ?) d'imposer leur idéologie que de défendre la clarté de leur langue. Voir la déclaration sur le sujet que faisait en 2002 la "sage" Académie française (www.academie-francaise.fr/actualites/feminisation-des-noms-de-metiers-fonctions-grades-et-titres).

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