Juin 2017 - Juin 2022

Législatives françaises : l'avenir attendra

Après l'accession d'Emmanuel Macron à la présidence de la République française en 2017, les élections législatives des 11 et 18 juin ont acté la disparition des principaux partis. En ira-t-il de même avec le scrutin des 12 et 19 juin 2022 ? Pour que vous puissiez en juger, nous vous présentons ci-après notre éditorial du 5 juin... 2017 sans en avoir changé un mot !

L'élection du 7 mai 2017 a conduit à l'Élysée un président sans attache politique mais avec un absolu tropisme européen. Emmanuel Macron est le seul de tous les candidats en compétition qui n'a émis aucune réserve sur le projet issu du traité de Maastricht. Son élection par un électorat majoritairement eurosceptique n'en est que plus surprenante. Elle doit sans doute plus à la personnalité du candidat et à son habileté qu'à son programme.

Dans les élections législatives à venir, Emmanuel Macron pourrait bien récidiver en obtenant une majorité pour son parti tout neuf, La République en Marche (LREM). Ce double exploit ferait exploser le bipartisme en place depuis un demi-siècle, avec une alternance entre la gauche socialiste (et ses alliés écologistes et radicaux) et la droite dite conservatrice (avec ses alliés du centre).

Un système politique en voie de décomposition

Il est encore difficile de mesurer l'étendue de cette décomposition du système politique. En effet, après l'élimination ou le ralliement des présidentiables néolibéraux et européistes tels Manuel Valls, Alain Juppé et François Bayrou, Emmanuel Macron a réussi à agréger autour de lui les néolibéraux européistes aussi bien de droite que de gauche.

Beaucoup de personnalités de gauche et de droite ainsi que, bien sûr, du centre ont intégré son mouvement. Mais plus gravement, des clivages abyssaux sont apparus au sein du Parti socialiste comme du parti Les Républicains (droite) entre les néolibéraux européistes façon Macron et les autres. Par leurs convictions politiques, Alain Juppé et le socialiste Manuel Valls sont plus proches l'un de l'autre que leurs collègues respectifs Laurent Wauquiez et Benoît Hamon.

Il s'ensuit beaucoup de questions sans réponse concernant les programmes de ces partis dits d'opposition. Comment comptent-ils arbitrer par exemple entre des dépenses accrues dans l'éducation et la lutte contre le terrorisme et des efforts budgétaires conformes aux exigences de Bruxelles et Francfort ? Quelle est leur position sur la validation du traité de libre-échange avec le Canada (CETA) ?

Sur ces questions-là et bien d'autres qui engagent l'avenir du pays, comment se positionnent les différents candidats à la députation de ces partis ? À droite par exemple, lesquels pencheraient du côté de Laurent Wauquiez et lesquels du côté d'Alain Juppé (et d'Emmanuel Macron) ? À vrai dire, personne n'en sait rien...

Nous allons donc au-devant d'une décomposition qui n'a rien à voir avec les coalitions classiques comme sous la IVe République (1946-1958) ou à l'époque de l'Union de la Gauche (1981-1983). Dans ces cas-là, en effet, les dirigeants des différents partis prenaient la peine de se retrouver autour d'une table pour ébaucher un programme de compromis avec de vrais enjeux : décolonisation ou guerre à outrance contre les menées indépendantistes, création ou non d'une armée européenne, nationalisation ou privatisation des banques et des grandes entreprises, réduction ou non du temps de travail...

Aujourd'hui, les grands partis d'opposition n'ont aucune alternative sérieuse à opposer au programme du président Macron, tout simplement parce qu'ils en partagent les grandes lignes sur la préférence européenne, la monnaie unique, le libre-échange, l'austérité budgétaire, etc.

À défaut de débattre d'enjeux véritables, la presse jette en pâture à l'opinion des polémiques dérisoires, comme à propos des malversations présumées du ministre Richard Ferrand. C'est ainsi que la « moralisation de la vie publique », proposée d'ailleurs par Emmanuel Macron, en vient à occulter tous les sujets qui fâchent. 

Au final, il est probable donc que le président de la République gouvernera à sa guise grâce à une opposition en miettes tant sur sa droite que sur sa gauche. Chacun verra alors dans quelle mesure l'épanouissement de la France est compatible avec le projet maastrichien.

L'Europe à quitte ou double

Ce projet a pu s'imposer car il n'a rencontré aucun contradicteur sérieux en-dehors des partis extrêmes et de leurs leaders (Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen).

Il est fondé sur une conviction simple : la croissance est le fruit d'une « destruction créatrice », selon la théorie de l'économiste autrichien Joseph Schumpeter (1880-1950). Il faut libérer les initiatives, supprimer les barrières et laisser mourir les activités obsolètes pour que naissent de nouvelles activités, portées par des individus nouveaux (jeunes, migrants, etc). Dans ce processus, l'État n'a d'autre mission que de secourir les laissés-pour-compte en attendant qu'ils quittent définitivement la scène.

On peut opposer à cette ode libérale la belle formule de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit » (52e conférence de Notre-Dame).

L'Europe et le monde sont constitués de sociétés très diverses dont la cohésion repose sur des conventions non écrites, nées de l'anthropologie, de l'histoire et de la culture. Faire fi de cette cohésion peut conduire à des dommages irréversibles. En matière économique, la monnaie est le garant naturel de la cohésion de chaque société. L'ajustement permanent des taux de change permet d'équilibrer naturellement les échanges commerciaux. Il empêche les sociétés dispendieuses (France, Grèce...) de trop importer et les sociétés économes (Allemagne) de trop exporter.

Rassembler ces différentes sociétés sous une monnaie unique entraîne donc la désindustrialisation et l'appauvrissement des plus fragiles. Si, en plus, ces sociétés ne doivent compter que sur elles-mêmes pour secourir les perdants, l'impasse est absolue. C'est un peu comme si, en France, on demandait à chaque région administrative d'être autonome en matière budgétaire et sociale, les régions rurales en voie de désindustrialisation ne devant compter que sur elles-mêmes pour secourir leurs chômeurs et leurs pauvres !

Aussi serait-il légitime de débattre d'une éventuelle réforme de la monnaie unique dans le cadre européen.

Pendant trois décennies (1957-1988), les Européens ont multiplié les initiatives intergouvernementales qui ont changé leur vie : politique agricole commune, Airbus, Arianespace, Parlement européen, convention de Schengen, Erasmus... Dans les trois décennies suivantes (1988-2017), ils n'ont plus rien fait d'autre que la monnaie unique et la suppression de toutes les entraves aux échanges financiers et commerciaux.

Peut-être serait-il temps de passer à autre chose ? La campagne des législatives n'aura pas permis d'en discuter. Il nous reste à faire confiance au pragmatisme du nouveau président pour changer de bord après avoir soumis ses convictions maastrichiennes à l'épreuve de la réalité. 

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2022-06-06 09:26:13
BENARD (08-06-2022 10:49:12)

Dommage pour cet article : l'histoire ne se répète pas.

Pierre (06-06-2022 11:55:39)

Le problème, c’est la montée de la droite. Il y a la droite et les autres. Mais faudrait que la France se concentre sur le problème de l’heure: la rivalité americano-russe en Europe.,toute lâ€... Lire la suite

Michel (06-06-2022 07:28:52)

Sur le fond, il me semble que le changement essentiel tient au passage inexorable du temps, avec la 2ème défaite consécutive des 2 partis gouvernementaux de la Vème République qui signe leur fin ... Lire la suite

Christian (06-06-2022 07:19:52)

Les médias commencent à envisager sérieusement que la majorité présidentielle ne dispose plus de la majorité absolue des sièges à l'issue des prochaines élections législatives. En revanche, ... Lire la suite

Pierre (06-06-2022 00:03:14)

Le problème, c’est la montée de la droite. Il y a la droite et les autres. Mais faudrait que la France se concentre sur le problème de l’heure: la rivalité americano-russe en Europe.,toute lâ€... Lire la suite

Gaston.S (05-06-2022 17:09:13)

Excellente analyse. Merci.

Eric Kernet (05-06-2022 16:46:44)

Généralement je suis globalement d’accord avec vos analyses mais arriver à faire une ode au président Macron en posant comme certitude le renouvellement d’une Assemblée nationale dont le seul... Lire la suite

Bernard (05-06-2022 15:43:54)

Au terme de la seconde guerre mondiale, l'UE, fondée sur un champ de ruines a semblé ouvrir le chemin de l'espoir : "Plus jamais ça !", basé sur la réconciliation franco-allemande.

Et ce n'est pas le moindre des paradoxes de la construction européenne de reconstituer sur le sol européen - par un somnambulisme idéologique outrancier (libre circulation, sans entraves, des capitaux, des produits et des hommes) piétinant les identités nationales - les ferments d'une future guerre civile, d'autant plus atroce qu'elle promet d'être à la fois religieuse et culturelle, voire raciale.

patvaubourg (05-06-2022 15:05:15)

MALGRE TOUTE MON ESTIME POUR ANDRE LARANE, JE PENSE QUE CLAUDINE A RAISON.

castel (05-06-2022 09:29:26)

La décomposition tient surtout à une absence de colonne vertébrale de la pochette surprise élue en 2017 et réélue en 2022 grâce au Covid pourtant très mal géré et à l'action de Poutine qui ... Lire la suite

Jean-Pierre (05-06-2022 09:16:18)

C'est un article d'histoire. Il n'est pas question du parti Renaissance. Je ne trouve aucun élément de réponse à la question posée "Les élections des 12 et 19 juin vont-elles broyer les nouveau... Lire la suite

Claudine (26-06-2017 15:06:51)

Est-on sur un site d'histoire, ou sur un site de prospective journalistique? Le mélange des genres entraîne la confusion des esprits.

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