Patrimoine

Faisons vivre et revivre nos monuments

En France plus qu'ailleurs, les projets de restitution de monuments détruits ou disparus sont très critiqués. Les débats entre spécialistes du patrimoine engendrent une inaction qui va à l'encontre de la sauvegarde et de la mise en valeur du patrimoine, estime Alexis Muller, architecte spécialisé dans la restauration de monuments historiques...

Nombreuses dans le reste de l'Europe, les restitutions de monuments anciens suscitent en France des débats homériques qui impliquent les médias, les conservateurs du patrimoine et maints autres professionnels. Les tensions sont ravivées par l'arrivée de projets en nombre croissant, par exemple la restitution de la tour nord de la basilique de Saint-Denis.

C'est au point que lesdits projets ne sont plus jugés sur leur pertinence ou leur plus ou moins grande exactitude, mais critiqués par principe et, pire encore, pour le prétendu mauvais exemple qu’ils pourraient donner. Faut-il y voir une manifestation de l'exception culturelle ?

Les restitutions, une façon de rapprocher le public du patrimoine

Que, par économie, l’action des responsables patrimoniaux s’oriente prioritairement vers des restaurations conservatoires est un choix pleinement compréhensible, mais ce choix ne peut se transformer en un mode exclusif d’intervention. Surtout, elle ne peut être justifiée par un détournement des documents internationaux que l’on prétend appliquer : Charte de Venise, Déclaration de Dresde, Document de Nara, Déclaration de Paris...

En s'entêtant à refuser toute forme de restitution, la France se perd à développer une exception culturelle qui n’est fondée sur aucune logique historique ou scientifique et qui, somme toute, reste à formaliser.

Au-delà d'une interprétation biaisée des textes internationaux est avancée l’idée qu’une restitution falsifierait l’histoire. L'argument est troublant, surtout lorsqu’il est présenté par des historiens. L’histoire, comme l’histoire de l’art, est un continuum fait d’innovations et de retours vers le passé, et nul ne peut prétendre l’arrêter à un moment donné. Figer l’histoire d’un monument au nom de son historicité est une absurdité, voire une aporie, une contradiction totale.

Qu’elles soient réussies ou non – notamment lorsqu’elles ne suivent pas les dispositions anciennes des ouvrages –, les restitutions ont toute leur légitimité historique.

Gardons-nous d’une lecture trop rigide de la Charte de Venise de 1931 selon laquelle toute intervention sur un monument devrait être caricaturalement moderne et se démarquer clairement des parties anciennes. En 1979, Roland Barthes osait publier qu’il lui était devenu indifférent de ne pas être moderne. Sa cause est devenue universelle et si la modernité se présente comme une simple posture, elle s’avère aussi creuse qu’inutile !

Lorsque les restitutions satisfont aux exigences fondamentales de la protection du patrimoine, telles que la conformité formelle des ouvrages et le respect des éléments anciens encore en place, elles tendent même à une nouvelle authenticité.

Plus important encore, elles sont susceptibles de relancer l'attrait du public pour nos monuments et donc de mieux assurer leur prise en charge durable.

L'intérêt du public pour les restitutions prouve que le patrimoine n'est pas uniquement considéré comme une charges financière et mémorielle, mais qu’il peut aussi être un motif d’enthousiasme et de projection dans l'avenir.

Dans ce sens, les restitutions apparaissent même comme une des expressions les plus fortes et les plus partagées de la notion de monument. Même si elles choquent certains, elles participent à la capacité de rêve que peut et doit avoir une société. À trop les combattre, c’est le devoir de conservation des monuments lui-même qui pourrait être remis en question.

Alexis Muller
Publié ou mis à jour le : 2019-04-28 17:19:32

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