Outre-Terre

Le voyage à Eylau

10 juin 2016 : le journaliste Jean-Paul Kauffmann nous régale avec ce récit hors du temps et de l'espace qui nous fait revivre la bataille d'Eylau (8 février 1807), l'une des plus meurtrières et des plus incertaines de l'épopée napoléonienne.

Grand Prix de la Société de Géographie

Jean-Paul Kauffmann (photo : Claude Truong-Ngoc, octobre 2013)Jean-Paul Kauffmann s'est vu remettre le 18 novembre 2016 le Grand Prix de la Société de Géographie pour Outre-Terre et l'ensemble de son oeuvre. Une récompense méritée car le journaliste fait partie de l'élite des écrivains voyageurs à même de restituer l'âme des lieux, même cachée derrière la banalité du quotidien.

Fondée en 1821, la Société de Géographie est la plus ancienne association du monde dans sa spécialité. Avec un millier de membres, aujourd'hui présidée par Jean-Robert Pitte, elle se consacre à la promotion de la géographie et des explorations auprès de tous les publics.

Outre-Terre, Jean-Paul KauffmannPas un roman ni un livre d'Histoire, encore moins un récit de voyage.

Outre-Terre mérite d'être qualifié d'« essai » au sens que Montaigne lui-même a donné à ce mot : un texte qui entremêle souvenirs intimes, observations du moment, réflexions politiques ou philosophiques et récits historiques. L'ensemble se lit avec délectation et gourmandise.

Jean-Paul Kauffmann, irrépressiblement attiré par les terres lointaines et le mythe napoléonien, nous a déjà livré un beau livre sur l'île de Sainte-Hélène, La Chambre noire de Longwood (1997). Il récidive avec ce livre qui fait suite à un voyage - un pèlerinage plutôt - sur le site d'Eylau en 2007, à l'occasion du deux centième anniversaire de la bataille.

Eylau a troqué son nom prussien contre celui de Bagrationovsk, en l'honneur du général géorgien Bagration, l'un des adversaires de Napoléon. C'est aujourd'hui une petite ville sans aucun charme dans l'enclave russe de Kaliningrad (ex-Königsberg, Prusse orientale).

L'auteur a souhaité s'y rendre avec sa femme et leurs deux garçons en vue de renouer avec ses souvenirs de jeunesse : la toile célèbre du baron Gros supposée montrer Napoléon au lendemain de la bataille, le regard levé vers le ciel cependant qu'un lancier polonais blessé, à ses pieds, lui rend hommage ; le roman de Balzac qui raconte comment le colonel Chabert, qu'on avait cru mort après la charge de cavalerie de Murat, aurait miraculeusement survécu et, de retour en France après plusieurs années d'absence, tenté de retrouver sa femme, ses biens et ses titres.

Jean-Paul Kauffmann raconte la toile de Gros, une commande de Napoléon destinée à édifier les foules, tout comme le colonel Chabert, un destin avec lequel il se voit des affinités, lui qui fut otage au Liban, à l'isolement complet pendant trois ans.

Il fait revivre pour nous la geste napoléonienne et les affres de l'Empereur, qui n'hésite pas à se mettre en danger dans le fameux cimetière d'Eylau, pour coordonner au mieux les mouvements de ses troupes malgré le froid hivernal et le manque de visibilité.

Passionné de stratégie militaire, il raconte aussi les risques endossés par Napoléon au cours de cette bataille qui a failli mal tourner. Il s'en est fallu de peu en effet que le Prussien Lestocq, poursuivi par la cavalerie de Ney, n'arriva avant celui-ci sur le champ de bataille, comme Blücher à Waterloo huit ans plus tard.

Mais Jean-Paul Kauffmann raconte aussi la déprussification du village et de l'enclave par les Soviétiques, le remplacement des populations et plus encore la reconstruction de la mémoire russe autour de la « Guerre patriotique » livrée à Napoléon.

Nous voici avec sa guide-interprète Julia, qui se prend peu à peu de passion pour la bataille d'Eylau, et les reconstituants et historiens russes qui la rejouent à deux cents ans de distance, avec d'autant plus d'enthousiasme que de leur point de vue, elle fut une victoire russe même si Napoléon resta maître du terrain. 

Mais le héros muet de l'histoire demeure tout au long du livre le clocher de l'église d'Eylau au sommet duquel Jean-Paul Kauffmann brûle de monter. Napoléon a eu soin de le faire représenter sur la toile de Gros car c'est de là qu'il put suivre la bataille et diriger ses troupes au moment décisif. Le fameux clocher est aujourd'hui un triste moignon au-dessus d'une usine délabrée d'appareils frigorifiques. L'auteur ne pourra en définitive jamais y accéder !

Au terme de la lecture, nous voilà à notre tour pénétrés d'émotions et d'images à la seule évocation d'Eylau. Miracle de la littérature qui donne chair et vie aux chroniques anciennes.  

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net