18 juillet 2015

Elizabeth II a-t-elle été nazie à 6 ans ?

Une vidéo montre la future reine faisant le salut hitlérien aux côtés de sa mère et de son oncle, le futur roi Édouard VIII. Faut-il s'en offusquer ?...

The SunUne nouvelle fois, le tabloïd anglais The Sun a frôlé le crime de lèse-majesté avec une vidéo familiale montrant deux fillettes en train de jouer avec leur chien, leur mère et leur oncle.

Curieusement, le journal surinterprète la vidéo avec un commentaire qui implique directement le prince de Galles : « Secret 1933 film shows Edward VIII teaching this Nazi salute to the Queen » (« Un film secret de 1933 montre Édouard VIII enseignant le salut nazi à la Reine »).

La vidéo que l'on peut voir est un tantinet différente : dans la passion du jeu, la jeune mère, future Queen Mum, lève le bras droit d'un air décidé. Ses fillettes puis l'oncle Édouard reprennent le geste. On est en 1933  au château de Balmoral, en Écosse. 

De l'autre côté de la Manche, un petit bonhomme à moustache lève aussi le bras droit mais ce n'est pas pour rire !...

Cette vidéo exprimerait-elle une coupable sympathie de la famille royale britannique pour le leader nazi ? Ou seulement la réminiscence de quelques conversations de table autour de son accession au pouvoir ? Pour en avoir le coeur net, des historiens anglais réclament l'ouverture des archives privées des Windsor sur lesquelles la reine Elizabeth II veille jalousement.

Bons patriotes

Il n'est pas sûr que ces archives nous apprennent grand-chose qu'on ne sache déjà. Par leur origine hanovrienne et de nombreux mariages dont celui de Victoria avec Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, les souverains britanniques ont une ascendance plus allemande qu'anglaise et donc une attention toute particulière pour les affaires d'outre-Rhin. 

Cela ne les a pas empêchés de se comporter en bons patriotes et même de façon courageuse pendant le premier conflit mondial et plus encore pendant le second. Aux côtés de son mari George VI, le roi bègue, et au milieu des Londoniens, Elizabeth Bowes-Lyon a encaissé stoïquement le Blitz. Leur fille aînée, future Elizabeth II, s'est engagée pour sa part comme ambulancière dans l'armée.

Ses états de service n'ont pas pour autant conduit la famille royale à militer dans les rangs de la gauche travailliste ou aux côtés des mineurs. Chacun à sa place !... On peut y voir une forme de mépris de classe. De fait, les chroniqueurs mondains prêtent aux Windsor des comportements hautains et une morgue que l'on retrouve dans la haute aristocratie anglaise. Faut-il leur en faire reproche ? Ou pire encore, y voir une prédisposition pour le nazisme ?

Gare aux anachronismes

Entre les deux guerres mondiales, ces comportements s'accommodaient à la perfection des idées qui avaient cours dans les élites intellectuelles européennes, qu'elles soient classée à gauche ou à droite : l'eugénisme et le souci d'« améliorer la race » par la sélection naturelle et le sport ou encore la « mission civilisatrice » de la race blanche.

Bourgeois et prolétaires partageaient également une commune méfiance à l'égard de la finance juive réputée « cosmopolite ». Autant dire que les idées véhiculées par les partis totalitaires n'avaient rien pour effrayer les consciences molles, à savoir l'immense majorité des Européens.

De fait, au tout début des années 1930, une grande partie de l'Europe continentale est déjà tombée sous la coupe de régimes antiparlementaires ou de dictatures, de l'URSS au Portugal en passant par la Hongrie, la Pologne, l'Autriche, l'Italie etc. La démocratie parlementaire de type anglo-saxon est en voie de disparaître d'Europe continentale (à l'exception de la Suisse et de la façade nord-atlantique).

La plupart des observateurs, y compris les plus lucides comme Churchill lui-même, en viennent à penser que les régimes de type mussolinien sont pour les Européens du Continent un moindre mal face aux horreurs staliniennes. Il est vrai que l'antisémitisme nazi n'a pas encore démontré son pouvoir de nuisance et paraît même falot à côté de ses homologues polonais ou soviétique.

Aussi devons-nous nous abstenir de tout jugement à l'emporte-pièce sur les opinions des uns et des autres à l'orée des années 1930... en gardant humblement à l'esprit les considérations que les historiens du futur tireront de notre inaction face aux grands défis du moment : crise de la monnaie unique, djihadisme et alliances douteuses, pressions migratoires, réchauffement climatique, pollutions...

Mouton noir

Wallis Simpson et le duc de Windsor saluent Hitler à Berchtesgaden en 1937Il n'en reste pas moins que la famille royale britannique a été trahie par le prince de Galles qui s'est amouraché en 1931 de Wallis Simpson, une Américaine aux moeurs libres, proche des milieux nazis et amante occasionnelle du gendre de Mussolini, le comte Ciano.

Le 20 janvier 1936, à la mort de son père George V, il monte sur le trône sous le nom d'Édouard VIII.

A ce moment-là, le contexte international s'est beaucoup tendu et plus personne ne doute des intentions belliqueuses et de l'antisémitisme meurtrier du Führer allemand. Plus personne sauf... Wallis Simpson et son royal amant.

Le Premier ministre Stanley Baldwin, plus clairvoyant en la matière que Winston Churchill, s'en inquiète au plus haut point et va pousser le nouveau roi à abdiquer le 10 décembre 1936 sous le prétexte qu'il ne saurait épouser une femme deux fois divorcée. Heureuse décision qui va hisser sur le trône son frère Albert, sous le nom de George VI.

Replié en France avec le titre de duc de Windsor, le roi d'un an ne va pas pour autant retrouver la raison. Avec sa femme, il va l'année suivante rendre visite au Fûhrer dans sa résidence de Berchtesgaden. Et même après la guerre, jusqu'à sa mort, il persistera dans son soutien au IIIe Reich !

Bien connus des historiens et des curieux, ces faits ont été longtemps occultés par la presse de caniveau - The Sun compris -, seulement attentive à la relation sentimentale entre le Duc et Wallis.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14
Daniel de Montplaisir (04-10-2015 17:38:12)

Un de mes ancêtres fut nazi à trois mois : à quand le prochain record ?

Michel Edmond (01-08-2015 23:38:58)

je suis allé écouter une série de conférences sur le Royaume Uni. Le conférencier, professeur à l'université, avait indiqué que le mariage avec Wallis Simpson était le prétexte officiel de l'abdication du roi, mais que c'était en réalité ses sympathies nazies qui en étaient la cause. C'était l'abdication ou l'abolition de la monarchie.

Mireille (23-07-2015 13:11:20)

Laissons de côté, et aux vrais historiens, les sympathies avérées ou pas, de la cour d'Angleterre... Posons-nous la question sur l'intelligence d'accuser une enfant de 6 ans de quoi que ce soit! ... Lire la suite

Gaston FUGIER (23-07-2015 10:06:40)

Pour nourrir la réflexion de vos lecteurs, je les renvoie aux différentes options politiques ou autres des six sœurs Mitford, aristocrates anglaises. Deux d'entre elles ont eu des sympathies et mê... Lire la suite

pmlg (22-07-2015 19:08:03)

Je conseille aussi de revoir l'excellent film Le discours d'un roi du réalisateur Tom Hooper (2011). Le jeu est remarquable comme savent le faire les anglais, très proche de la pièce de théâtre.... Lire la suite

Anonyme (22-07-2015 18:36:07)

non, cette info est assez représentative de l'état de la société de l'époque et peut nous amener à méditer sur les sympathies évidentes de la société française sur les thématiques du FN, p... Lire la suite

Dardenne (22-07-2015 16:18:35)

Comme vous le soulignez, il faut vraiment regretter que la presse de caniveau réveille (ou éveille) une polémique indigne. Il faut croire que ces "journalistes" (mais le sont-ils vraiment ?) ignore... Lire la suite

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net