22 décembre 2014

La guerre des crèches

La France a connu un débat quelque peu irréel en cet automne 2014 après que des « libre-penseurs » ont déposé une plainte suite à l'installation de crèches dans le hall du Conseil général de Vendée (La Roche-sur-Yon) et dans la mairie de Béziers.

En s'appuyant sur la loi de séparation des Églises et de l'État (1905), les tribunaux administratifs de Nantes et Béziers ont réagi de manière diamétralement opposée, le premier en interdisant la crèche, le second en l'autorisant.

Difficile en effet de faire la part entre le contenu religieux et le caractère populaire ou traditionnel d'une crèche.

Qu'arrivera-t-il si, un jour, un quidam porte plainte contre le concierge qui aura installé une crèche dans le hall de son immeuble ? Où la justice fera-t-elle passer la limite entre l'espace public et l'espace privé ? Et si l'on chasse la crèche du champ public, que dire alors du sapin et du Père Noël, avatars consuméristes de vieux mythes païens ?

Les fidèles eux-mêmes sont embarrassés. Quelques-uns déplorent la gadgétisation du Mystère de la Nativité et rejoignent les laïcistes dans leur refus de toute compromission entre la foi et la culture. La plupart, comme beaucoup de non-pratiquants et d'agnostiques, s'inquiètent d'une atteinte malvenue à l'« identité nationale ».

Craignons surtout qu'à vouloir traquer le religieux derrière chaque tradition, on finisse par déboucher sur une alternative piégée :

- soit on mène la traque jusqu'au bout et l'on installe par étapes une police des mœurs qui va verbaliser les femmes voilées et les hommes en soutane mais aussi interdire les fêtes votives, les signes religieux lors des manifestations, les menus halal ou kasher dans les cantines scolaires etc.

- soit on prétexte de l'absurdité de cette traque et l'on s'accorde sur un compromis « communautariste » aux allures de pâté d'alouette : d'une part, on ferme les yeux sur la présence de crèches dans des espaces publics ; d'autre part, on légitime la présence de la classe politique au dîner annuel du CRIJF tout comme la célébration de l'Aïd-el-Kébir dans le grand salon de l'hôtel de ville de Paris et pourquoi pas ? le port du voile dans les lieux publics et l'adaptation des écoles aux contraintes du ramadan.

Une tradition qui fait lien

La crèche, ainsi que le montre l'article d'Isabelle Grégor, est une tradition populaire aux mille facettes.

À Naples, les somptueuses crèches baroques, fort peu religieuses au demeurant, témoignent de l'opulence de leur commanditaire. En Provence, les humbles santons, au contraire, représentent la communauté villageoise qui fait corps autour du divin enfant avec les fruits de son labeur.

Pour les fidèles comme pour les agnostiques et les incroyants, la crèche de Noël évoque au premier degré la maternité, la tendresse et une forme de sobriété heureuse, autant dire des valeurs plus élevées que l'idéal consumériste auquel se limitent nos politiciens de tout poil.

Comme la plupart des traditions populaires, en France et dans le monde, la crèche de Noël a un fond religieux qui fait lien, même s'il n'est pas validé par les Églises. Elle fait partie de tous les éléments impalpables qui font de la France un pays unique, au même titre que l'art de la table, les sonneries de cloches, les critériums cyclistes, les fêtes votives etc. Tout comme, sous d'autres cieux, la préparation des frites, l'appel du muezzin ou la fête de la bière.

Ces éléments culturels, en France comme ailleurs, séduisent les touristes par leur caractère pittoresque et leur spécificité. Plus sérieusement, ils rassurent les habitants sur leur appartenance à une communauté nationale soudée par les liens tissés par les générations passées, qui n'est pas seulement une construction intellectuelle et désincarnée.

Si la France attire des immigrants du monde entier, c'est parce que précisément ceux-ci sont en quête d'une société différente et plus épanouie que celle qu'ils laissent derrière eux. Ils sont désireux dans leur immense majorité de s'intégrer à la France qu'ils ont rêvée, une société forte et fière, à même de protéger ses enfants naturels comme ses enfants adoptifs. N'en faisons pas un espace insipide et sans saveur.

Alban Dignat
Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14
Marc HEROUARD (30-12-2014 16:00:59)

Le petit Jésus, la vierge Marie, Joseph, les rois mages, le bœuf et l’âne, l’étable sacrée…sont à l’évidence des représentations de la religion chrétienne catholique. Ne retenir de ce... Lire la suite

Bénard (26-12-2014 19:35:03)

Je ne vois pas comment nier le caractère religieux d'une crèche. Regarder les personnages qui la composent est suffisamment édifiant. Cela dit, si chacun y met du sien, on pourrait trouver des endr... Lire la suite

Bénard (26-12-2014 19:35:00)

Je ne vois pas comment nier le caractère religieux d'une crèche. Regarder les personnages qui la composent est suffisamment édifiant. Cela dit, si chacun y met du sien, on pourrait trouver des endr... Lire la suite

boree111@yahoo.fr (26-12-2014 13:18:30)

Faut-il être saisit de dégoût ou de révolte devant tel ou tel argument, le plus souvent d’ailleurs bien charpenté, parce qu’on n’a pas les mêmes idées? Je n’en sais rien. Je constate se... Lire la suite

marc (26-12-2014 13:15:22)

Faut-il être saisit de dégoût ou de révolte devant tel ou tel argument, le plus souvent d’ailleurs bien charpenté, parce qu’on n’a pas les mêmes idées? Je n’en sais rien. Je constate se... Lire la suite

paul (25-12-2014 16:14:30)

supprimons une bonne partie des tableaux dans les musées, une bonne partie du répertoire musical de Bach, Mozart, Haendel.... les laïcards seront contents.

Marc HEROUARD (24-12-2014 17:07:44)

Le petit Jésus, la vierge Marie, Joseph, les rois mages, le bœuf et l’âne, l’étable sacrée…sont à l’évidence des représentations de la religion chrétienne catholique. Ne retenir de ces représentations que le côté tradition sympathique qui fait briller les yeux des enfants à Noël est assez réducteur, et au fond plutôt hypocrite. Sur l’air de « on ne va pas faire tout un plat de ces traditions sympas », on est en train de nous dire que l’espace de la république, les mairies, les bureaux de poste, les écoles, pourraient accueillir ces représentations, et que s’y opposer serait bien grincheux, rétrograde, rabat-joie…
Si l’on continue ainsi, les croix (et pourquoi pas le croissant ou l’étoile) orneront bientôt les salles de conseils municipaux ou de mariages ou les bureaux de postes ou les écoles…
L’espace de la république doit rester résolument laïque, condition indispensable pour maintenir l’équilibre harmonieux de la république accueillant toutes les religions sans en privilégier aucune en particulier. Sans aucun prosélytisme.

constant VALLVERDU (23-12-2014 16:38:29)

Né en ce beau pays de France en 1942,fils d'un Républicain Espagnol,je suis entièrement d'accord avec la conclusion de l'article portant sur la " guerre des crèches" . Guerre picrocholine s'il en ... Lire la suite

Michel Edmond (23-12-2014 14:53:42)

Je ne suis pas un fervent partisan de l'installation de crèches dans les mairies ou autres centres publics de décision. Est-ce fait par provocation dans certains cas, comme je le pressens fortement ... Lire la suite

Guy Martin (23-12-2014 08:15:28)

Un article plus proche de la démarche de l'historien eût pu : - Resituer l'origine du débat : 1. une mouvance de l'extrême droite qui s'efforce de replacer le catholicisme au centre de la sociÃ... Lire la suite

Marchero (22-12-2014 23:41:42)

Mouais.... Laissons le petit Jésus, la Vierge Marie, Joseph, les Rois Mages, le bœuf et l'âne... être représentés paisiblement dans une église, dans un espace chrétien, ils y sont très bien.... Lire la suite

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