Allemagne

Socialisme, communisme et syndicalisme

Le socialisme naît des réflexions que suscite le développement de la société industrielle. Celle-ci se développe en Occident à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle favorisant l’essor d’une classe ouvrière et d’un mouvement ouvrier. Particulièrement importante en Allemagne elle est au cœur des questions politiques et sociales débattues alors. Ces débats donnent lieu à différents courants de pensées politiques qui expliquent les évolutions et les branches distinctes du socialisme, en Allemagne et en Europe.

Un socialisme allemand à plusieurs visages

L’Allemagne, un jeune État qui s’industrialise rapidement

● L’Empire allemand est proclamé le 18 janvier 1871, il est dirigé par Guillaume Ier et son chancelier Bismarck, ce dernier est l’artisan de l’unité du pays.

La proclamation de l’empire allemand
Huile sur toile, 250x250 cm, 1885,  Musée Bismarck (à Friedrichruhe, nord-est de l’Allemagne). Auteur : Anton  von Werner (1843-1915)

On reconnaît Bismarck sur le tableau, en uniforme blanc de cuirassier, bien qu’il portât ce jour-là un uniforme bleu, mais la volonté d’attirer les regards des spectateurs est manifeste, les officiers glorifient sa majesté l’Empereur Guillaume Ier quand le Grand-Duc Frédéric Ier lève le bras droit pour saluer ce moment. À la droite de l’empereur se trouve son fils, le prince héritier Frédéric qui monte sur le trône en 1888. Au fond du tableau, on reconnaît les grandes glaces qui donnent leur nom à la galerie de Versailles et qui rappellent aussi la victoire sur la France.

● Bien que démarrant son industrialisation après le Royaume-Uni, l’Allemagne est dans les années 1870 la deuxième nation industrielle d’Europe. La hausse rapide de ses productions se caractérise par un triplement entre 1850 et 1865 de sa production de fer puis de celle de l’acier entre 1900 et 1913. Inquiet de cette montée en puissance, un journaliste britannique publie un ouvrage en 1896 intitulé : Made in Germany.

● La croissance démographique de l’Allemagne n’est pas moins surprenante, caractérisant un dynamisme qu’illustre aussi l’essor de sa population urbaine : 36% des Allemands vivent en ville en 1871 mais 61% en 1910 

● Cet essor démographique s’accompagne notamment de la croissance du prolétariat urbain dont les conditions de vie et de travail sont parfois très difficiles. La journée de labeur peut dépasser les quinze heures et les ouvriers n’ont au mieux droit qu’à une journée de repos hebdomadaire. Dans les grandes villes, certains scientifiques commencent à s’intéresser au sort de cette classe ouvrière en pleine croissance.

Socialisme, communisme et anarchisme

● Se démarquant des socialistes utopiques de la première moitié du XIXème siècle qui comme Robert Owen qui envisage une société idéale sans préciser réellement comment y parvenir, les philosophes allemands Karl Marx et Friedrich Engels fondent le socialisme « scientifique » en publiant en 1848 : Le manifeste du parti communiste. Ils y dénoncent l’exploitation de la classe prolétaire par la bourgeoisie et prônent la lutte des classes. Pour Marx, le socialisme est une phase de transition entre l'abolition du capitalisme par la révolution et l'avènement du communisme. Ainsi, socialisme et communisme sont des concepts très proches jusqu’à la révolution bolchévique de 1917 en URSS. Le socialisme peut apparaître comme un moyen, le communisme une fin, dans la réalité, les deux termes sont souvent utilisés indifféremment.

● Le philosophe allemand Karl Marx est donc le principal inspirateur du mouvement socialiste qui se dessine dans l’Allemagne des années 1860-1870. Parallèlement, les autres courants socialistes vont décliner ou se rallier à la philosophie matérialiste – « lutte des classes », « révolution »…- au cœur de l’idéologie marxiste, adjectif qui va rapidement être aussi confondu avec « socialiste » et « communiste ». il faudra cependant distinguer différentes nuances.

● Les anarchistes comme Bakounine se réclament du socialisme. Ils comptent sur la grève générale pour faire tomber le capitalisme et sont prêts à user de la violence ce que rejettent les socialistes marxistes.

● Dans le dernier quart du XIXe siècle, il existe deux partis socialistes en Allemagne. L’un a été fondé par Ferdinand Lassale, c’est l’ADAV, fondé en 1863, qui se veut un parti réformiste, le pouvoir peut être conquis par les urnes, la révolution n’est pas une nécessité. August Bebel et Whilelm Leibknicht rejette cette théorie et fonde le parti social démocrate des ouvriers (SDAP) en 1869 à Eisenach, il est révolutionnaire. Dès les origines, le socialisme allemand est donc divisé en deux branches.

C) La naissance de la social-démocratie allemande

● Au congrès de Gotha, en 1875 deux partis socialistes fusionnent dans le Parti ouvrier socialiste ou SAP. La social-démocratie allemande naît ainsi, elle se veut réformiste en acceptant les règles du jeu démocratique.

● Le parti connaît un essor important grâce à ses associations chorales ou sportives, ses bibliothèques. En 1891 le SPD (Sozialdemokatische Partei Deutschlands), nouveau nom du SAP, confirme sa volonté réformiste et démocratique mais les thèses développées par Marx restent la doctrine officielle du parti. Il demeure donc révolutionnaire en théorie seulement. Cette ambivalence n’est pas propre aux socialistes allemands. En France, elle va conduire à la scission de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), entre ceux, majoritaires, qui en 1920 avec Marcel Cachin vont fonder le Parti Communiste Français (PCF), Léon Blum prenant la tête de la SFIO.

L’ascension du parti social démocrate et du syndicalisme

Le parti du mouvement ouvrier

● Les premiers succès électoraux du SPD et le triplement du nombre de leurs députés au Reichstag entre 1871 et 1890 alarment Bismarck qui prend prétexte des attentats anarchistes en 1878 contre Guillaume Ier, pour interdire ce parti. Les lois d’exception prisent en octobre empêchent toute propagande socialiste, supprime leurs associations et leurs journaux et poussent les dirigeants à l’exil ou à la clandestinité. Cependant, les syndicats qui demeurent autorisés prennent alors en main l’organisation matérielle des luttes.

● Dans le même temps, Bismarck multiplie les réformes sociales, il espère ainsi détourner les ouvriers du socialisme en mettant en place ce « socialisme d’État ». Dès 1881, les patrons doivent s’assurer contre les accidents de leurs employés, il faut attendre 1897 au Royaume-Uni.

Document1 : lois sociales et leur mise en place dans les pays industrialisés d’Europe

Lois concernant les accidents du travail :
Allemagne :
1881 : les patrons ont l’obligation de s’assurer contre les accidents de leurs employés.
1884 : assurance- accident.
Royaume-Uni :
1897 : création d’une assurance-accident.
France :
1898 : indemnisation des victimes d’accident du travail.

Retraite
Allemagne :
1889 : assurance vieillesse et invalidité.
Royaume-Uni :
1908 : une retraite financée par le budget est accordée aux ouvriers de plus de 70 ans.
France :
1910 : retraite ouvrière financée par les employeurs, les salariés et l’État.

En réalité ces mesures ne convainquent guère les ouvriers qui n’en voient pas immédiatement les retombées et surtout, une partie des financements est prélevée sur leurs salaires ! Par ailleurs, les socialistes continuent leurs activités militantes dans la clandestinité. Paradoxalement, les mesures de Bismarck favorisent le développement de sociétés secrètes qui luttent contre le régime, les lois contre les socialistes n’ont pas atteint leur but. Après la démission de Bismarck en 1890, le SPD qui lui a vigoureusement résisté poursuit son ascension.

● Il compte 1.7 million de membres et obtient 4.2 millions de voix en 1912, c’est le premier parti ouvrier du monde dans un pays qui représente alors 15% de la production industrielle mondiale devant le Royaume-Uni, c’est aussi le principal parti politique allemand. À ce moment, l’Allemagne compte 68 millions d’habitants, la France 38 millions.

● Ce grand parti abrite différents courants de pensée dont le révisionnisme d’Eduard Bernstein qui affirme dès 1896 que l’action politique peut être menée avec les partis bourgeois. Il s’agit pour lui d’associer la classe ouvrière aux affaires politiques. Les revenus des ouvriers ont doublé entre 1880 et 1913, la société capitaliste peut donc être réformée et pas nécessairement détruite. Dans Les présupposés du socialisme et les tâches de la social-démocratie (1899, réédition en français : Seuil, 1974), il réfute l’idée d’une paupérisation des ouvriers dans le système capitaliste, paupérisation censée conduire à l’exacerbation de la lutte des classes puis à l’effondrement du système. Cette vision qui s’accommode du capitalisme pour le réformer est très critiquée et rejetée violemment par une partie des socialistes comme Rosa Luxemburg.

Des syndicats réformistes

●Depuis le XVIIIe siècle, il existe en Allemagne, comme dans d’autres pays d’Europe, une myriade d’associations de secours mutuel pour aider les travailleurs d’une même branche en cas d’accident, de maladies, de décès…

● Autorisés dès 1869, les syndicats sont laïques ou confessionnels :
- Les syndicats chrétiens rassemblent en 1913 près d’un million d’adhérents.
- Proches des socialistes, les syndicats dits « libres » se développent jusqu’à la Première Guerre mondiale dans les petites entreprises. Leurs ressources financières importantes leur confère une grande autonomie d'action vis-à-vis du SPD, lequel demeure cependant la structure principale du monde ouvrier. Cette autonomie est affirmée en 1906 par Karl Legien, président de l’AGDB (Allgemeiner Deutcher Gewerkschaftsbund), qui regroupe 47 fédérations syndicales.

● À côté des syndicats socialistes et du SPD, d’autres formes d’encadrement existent, ce sont les coopératives, les associations de loisirs et autres organisations culturelles qui sont le plus souvent rattachées au SPD ou à un syndicat. L’association Solidarité, proche du SPD, rassemble en 1905 près de 100.000 ouvriers allemands à qui elle propose des activités de loisirs.

● En 1905, les syndicats rejettent le principe de la grève générale, celle-ci n’est envisagée que comme ultime recours. Les syndicats lui préfèrent une régulation pacifique et concertée ils sont réformistes. Lors des grandes grèves de 1905 et 1912 contre les heures supplémentaires, ils démontrent leur force, l’AGDB rassemble alors 2,5 millions d’adhérents.

III) Les socialistes allemands confrontés à l’épreuve de la Première Guerre mondiale, 1914-1919

A) Soutenir le patriotisme allemand avant 1914 ?

● Pour le SPD, la question patriotique se pose dans un contexte international de plus en plus tendu. Elle représente un enjeu électoral, ainsi le vote contre les crédits militaires en 1907 avait entraîné la perte d’une quarantaine de sièges au Reichstag. De plus, beaucoup de socialistes pensent qu’il est nécessaire de défendre la patrie du socialisme, c’est-à-dire l’Allemagne face au tsarisme russe.

● Les leaders du parti sont divisés : faut-il rejeter le patriotisme assimilé au capitalisme et prôner la grève générale comme le demande la IIe Internationale ? Faut-il, comme le pensent les révisionnistes, voter les crédits militaires ?

● Finalement, le SPD, premier parti allemand en sièges et en voix et plus puissant parti socialiste d’Europe, se positionne contre la grève générale en cas de risque de conflit mondial : les crédits militaires sont votés par le Reichstag en août 1914 .

La naissance du parti communiste et la révolution spartakiste

● En Allemagne comme ailleurs, les partis politiques font taire leur désaccord face au conflit. Le SPD exclut ceux qui, dans ses rangs, rompent le Burgfrieden ou « Union sacrée ». C’est le cas des spartakistes, groupe créé par des militants bannis comme Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg.

● L’armistice signé le 11 novembre 1918 consacre la défaite de l’Allemagne. Deux jours auparavant, le 9 novembre, le socialiste Friedrich Ebert est devenu chancelier et la République a été proclamée par le social-démocrate Philipp Scheidemann.

● S’inspirant de l’exemple russe, les Spartakistes veulent mettre à profit cette situation de troubles. Ils créent le 30 décembre 1918 le Parti communiste allemand ou KPD et ls déclenchent la grève générale à Berlin début janvier 1919. Leur mouvement est écrasé par le pouvoir au cours de la « Semaine sanglante » du 6 au 13 janvier 1919. Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht sont assassinés dans leur cellule. Dans les métropoles allemandes, les communistes sont pourchassés par les corps francs. Cette répression féroce a pour conséquence la radicalisation d’une partie de la classe ouvrière qui s’organise au sein du KPD pour lutter désormais contre le SPD.

La République de Weimar, un régime démocratique fragile : 1919-1933

Un régime de compromis

● Les institutions de la République de Weimar, votées le 6 février 1919, donnent le jour à la première démocratie parlementaire allemande. La vie politique repose sur trois grands partis, le Zentrum catholique, la droite libérale et le S.P.D. tous les trois forment des coalitions pour gouverner.

● Le SPD au pouvoir jusqu’en 1925 puis en 1928 compte un million de membres et contrôle syndicats et coopératives. La politique menée est favorable aux ouvriers, la journée de 8 heures est accordée en 1919 et les salaires augmentent progressivement.

Le caractère social du régime et son origine liée à la défaite font qu’il conserve cependant de nombreux ennemis.

● Les communistes (KPD) issus des Spartakistes contestent systématiquement la république des « social-traîtres » : « traîtres » au marxisme et à la révolution et responsables aussi de la répression sanglante de janvier 1919.

● À l’extrême-droite, le Parti nazi (NSDAP) tente sans succès de prendre la pouvoir par la force en 1923.

L’arrivée des nazis au pouvoir

● Le krach boursier de 1929 marque un tournant. Le milieu ouvrier est particulièrement touché et constitue - avec les jeunes de moins de 25 ans - plus de 60% des 6 millions de chômeurs en décembre 1931. Ce drame social et la politique de « déflation » du chancelier Brüning profitent au KPD mais aussi au National Sozialist Deutsch Arbeit Parti (NSDAP), dont le programme socialiste et anticapitaliste est développé par Gregor Strasser, qui sera plus tard éliminé par Hitler.

● Aux élections de septembre 1930, le Parti nazi obtient 6,5 millions de voix et le KPD près de 5 millions. Les communistes s’opposent très violemment aux nazis dans des combats de rue mais rejettent toute union du mouvement ouvrier qui pourrait empêcher leur arrivée au pouvoir. Certains dirigeants du KPD pensent même que les excès des nazis, une fois à la chancellerie, pourraient favoriser une révolution et une prise de pouvoir par le prolétariat.

●Aux élections de juillet 1932, le Parti nazi devient le premier parti au Reichstag avec un tiers des suffrages. Son chef Adolf Hitler est appelé à la chancellerie le 30 janvier 1933 par le président Hindenburg.

Être socialistes et communistes sous l’Allemagne nazie : 1933 à 1945

Suppression des partis et syndicats

● L’incendie du Reichstag, imputé aux communistes le 27 février 1933, est un prétexte qui permet au nouveau chancelier allemand de suspendre tous les droits politiques et d'arrêter des milliers d'opposants.

● Hitler obtient le 23 mars les pleins pouvoirs du Reichstag malgré l’opposition du SPD. Dès ce moment, il fait interdire le parti communiste puis le parti socialiste et les syndicats en mai-juin 1933. Les ouvriers doivent adhérer à un Front du travail qui organise la propagande dans chaque entreprise à travers des organismes de sécurité sociale, d’éducation et de loisirs tels que « La Force par la joie ».

Une répression féroce et une résistance difficile

● Les dirigeants socialistes et communistes sont arrêtés et internés dans des camps de concentration. Mais une partie de la direction du SPD arrive à fuir et se retrouve à Prague, où elle prend le nom de SOPADE et  dénonce les exactions nazies.

● La résistance au nazisme va se développer dans des milieux très divers, chez les ouvriers, chez les chrétiens et même chez les militaires. Mais la répression est féroce. En août 1944, l’« action orage » entraîne encore l’arrestation de cinq mille anciens ministres, maires, députés de l’époque de Weimar.

Socialisme, communisme et syndicalisme, de la Guerre froide à nos jours

Après la capitulation du 7/8 mai 1945, l’Allemagne disparaît en tant qu’État. Elle est occupée par les vainqueurs : URSS, États-Unis, Royaume-Uni et France. La rupture entre les Alliés conduit en 1949 à la division de l’Allemagne : à l’Ouest, la République fédérale d’Allemagne (RFA), à l’Est la République Démocratique Allemande (RDA).

Que deviennent le socialisme, le communisme et le syndicalisme dans ces deux nouveaux États ?

Des socialistes en RFA, de 1949 à 1989

1) Fin du socialisme à l’Ouest ?

Konrad Adenauer est le premier chancelier de la RFA. Il est  issu de la CDU, parti chrétien-démocrate associé à la CSU (Union chrétienne-sociale de Bavière). Atlantiste et libérale, la CDU-CSU entend lutter contre le communisme et ancrer la RFA à l’Ouest. Elle va dominer la vie politique avec le SPD. Quant au Parti communiste allemand (KPD), il est interdit à partir de 1956 dans le contexte de la « guerre froide » et des tensions internationales qui l’accompagnent.

●Le congrès de Bad Godesberg, près de Bonn, du 14 au 16 novembre 1959 marque un tournant. Le SPD entérine l’économie de marché, renonce à la planification et  devient pleinement social-démocrate.

2) Un idéal socialiste toujours présent

● Au milieu des années 1960, la Fédération des étudiants socialistes s'associe aux campagnes contre la guerre au Vietnam. En 1968, le marxisme retrouve une certaine audience chez les étudiants et le parti communiste est à nouveau autorisé en RFA. Mais une partie de l’extrême gauche choisit la violence pour lutter contre le capitalisme avec le groupe terroriste Fraction Armée Rouge (la « Bande à Baader »).

Willy Brandt, à la tête du SPD depuis 1964, devient chancelier en 1969. Il entame une politique de rapprochement avec les démocraties populaires et la RDA en particulier. C’est l’Ostpolitik.

3) Le SPD dans l’opposition

●En 1983, la CDU remporte les élections. Le SPD rentre dans l'opposition cependant qu'émerge le parti écologiste des Verts (Die Grünen).

Réalités du communisme en RDA : 1949-1989

1) Une dictature qui ne convainc pas les masses…

● La RDA est un régime qui se qualifie de « démocratie populaire ». Le Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED, Sozialistische Einheitspartei Deutschlands), né de la fusion du SPD et du KPD dirige de fait le pays. Son premier secrétaire est le véritable chef de l’État : Walter Ulbricht, de 1950 à1971 puis Erich Honecker  jusqu’à la réunification.

● En 1952, une grande partie des entreprises est nationalisée et les terres collectivisées. Mais l'année suivante, les ouvriers de Berlin-Est se soulèvent contre le régime. L'insurrection est réprimée dans le sang avec le concours des chars soviétiques.

● En une dizaine d'années, trois millions d’Allemands s'enfuient et gagnent la RFA. Le régime tente d'arrêter l'hémorragie en érigeant le Mur de Berlin.

2) …mais une certaine fierté

● En dépit de tout, une partie des Allemands de l’Est nourrit une certaine fierté pour les réussites du régime. D’une part, cette démocratie populaire obtient des résultats économiques bien meilleurs que ceux de ses consœurs du bloc soviétique et fait figure de « vitrine du socialisme ».

●D’autre part, les Allemands de l’Est développent dans leur quotidien parfois difficile des valeurs d’entraide et de solidarité auxquelles s’ajoutent de réels avantages sociaux liés au régime en matière de santé et d’éducation : crèches, soins gratuits sont assurés par l’État. L’égalité professionnelle entre hommes et femmes est aussi une réalité...

●Enfin, le régime investit dans le sport de compétition pour se donner une respectabilité internationale. Les nageuses est-allemandes, dopées aux amphétamines, collectionnent les médailles aux Jeux Olympiques.

Place et rôle des syndicats de 1949 à 1990

1. En RDA

● Les ouvriers, qui constituent en théorie le fondement social du régime, sont groupés au sein d’une confédération unique : le FDGB. 97 % des salariés sont syndiqués en 1982.

● Les syndicats ont des liens très étroits avec l’État et le Parti. Ils font appliquer la politique économique du parti et encouragent par exemple les ouvriers à accroître la production.

2. En RFA

● Le syndicalisme ouest-allemand est organisé autour d’une confédération principale fondée en 1949, sur une très large base politique qui va des marxistes aux démocrates-chrétiens : la Deutscher Gewerkschaftsbund (DGB, Confédération allemande des syndicats). Elle représente les syndicats face aux responsables politiques.

● Le principe de cogestion (« Mitbestimmung »)  accorde aux salariés un droit de regard dans la gestion des entreprises. Adopté en mai 1951 dans les mines et la sidérurgie et généralisé en 1976, il a pour contrepartie une stricte réglementation du droit de grève. Les salariés  obtiennent grâce à la loi le tiers des sièges dans les conseils de surveillance des sociétés par actions.

L’Allemagne réunifiée

1) Une nouvelle donne politique

●La CDU-CSU, à l’origine de la réunification du 4 octobre 1990, obtient une majorité confortable au Bundestag (nouveau nom du Reichstag). À l’Ouest, la plus grande partie des ouvriers restent favorables au SPD mais 40% ont voté CDU. À l’Est, ils ont voté à 48% pour la CDU !

● Les Verts entrent au Bundestag en 1990, témoignant des préoccupations écologistes d’une partie grandissante des Allemands.

● En 1998, le SPD, allié aux Verts, revient au pouvoir avec Gerhard Schröder, mais sa politique est empreinte d’un néolibéralisme mal accepté par les syndicats et une partie des socialistes. Ainsi, suite à la loi Hartz IV (du nom de son inspirateur Peter Hartz), entrée en vigueur le 1er janvier 2005, les indemnités de chômage ne sont plus versées pendant 32 mois mais seulement douze (dix-huit  pour les plus de 55 ans).

2) SPD et syndicats sont affaiblis

● Depuis les années 1980, le taux de syndicalisation est en forte baisse. Le nombre de personnes syndiquées est en diminution constante. Les politiques de délocalisation, la montée de l’individualisme, la montée du chômage et la politique de limitation des salaires expliquent cette chute. Entre 1993 et 2008, dans l’Allemagne réunifiée, la DGB, proche du SPD, a perdu plus de 42 % de ses adhérents, passant de 11 à 6,3 millions. Mais le pays conserve des syndicats très puissants comme IG Metall dans l’industrie ou encore Ver.di dans les services, le premier syndicat du monde par le nombre de ses adhérents : plus de 2,5 millions en 2010.

● Les réformes mises en place par Gerhardt Schröder pour renforcer la compétitivité de l’économie allemande mettent à mal son modèle social, ce qui lui vaut l’opposition des syndicats et d’une partie des socialistes. Divisé et critiqué, le parti perd les élections législatives en 2005 au profit d’Angela Merkel (CDU) qui devient la première femme à entrer à la Chancellerie.

Plus à gauche que le SPD, un nouveau parti voit le jour en 2007 : Die Linke (La Gauche). Il remporte ses plus forts succès dans l’ex-RDA, manifestation d’une certaine « Ostalgie ».

Réélue pour la troisième fois consécutive, mais sans le concours du Parti libéral, la chancelière Angela Merkel a réussi, après le vote favorable des militants du SPD, à former en décembre 2013 un gouvernement de coalition CDU-SPD qu’elle dirige normalement jusqu’en 2018.

Conclusion

Le socialisme très puissant en Allemagne dès le XIXe siècle a hésité au départ entre réformisme révolution. Ces deux façons de voir ne sont pas forcément contradictoires pour nombre de prolétaires. Les ouvriers peuvent apprécier les améliorations de leurs conditions octroyées lors de réformes mais aussi souhaiter des changements plus radicaux.

En exerçant le pouvoir lors de la république de Weimar, les socialistes allemands sont devenus pleinement sociaux-démocrates, s'opposant aux communistes qui rejetaient le régime. Toutefois, les uns et les autres se réclamaient du socialisme, y compris après la Seconde Guerre mondiale.

Cette filiation avec l’idéologie marxiste et un certain modèle social, n’est aujourd'hui clairement assumée que par une partie des socialistes – le parti Die Linke -, face à un SPD à l’idéologie moins tranchée et qui s’est nettement rapproché du centre de l’échiquier politique ces dernières années.

Ugo Romélysan
Publié ou mis à jour le : 2021-03-09 14:51:21

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