La Grèce de Georges Papandréou fait actuellement la Une des médias : corruption, sous-productivité et évasion fiscale sont les principaux maux qui expliquent le déséquilibre de ses finances publiques. On ne saurait non plus sous-estimer le poids de l'Histoire dans l'engrenage qui a conduit le pays au bord de la faillite (mise à jour de notre article du 29 mai 2010).
La Grèce moderne est un legs du romantisme européen. Sa (re)naissance en 1830, sur des bases mythiques, fut le fruit de réminiscences livresques davantage que de réalités nationales.
Au nom de ces mêmes réminiscences, elle a obtenu en 1981 d'entrer dans la Communauté européenne. « On ne ferme pas la porte à Aristote et Platon », déclara en substance le président français Valéry Giscard d'Estaing, pour justifier l'élargissement de la Communauté à un État qui sortait tout juste d'une dictature et n'était manifestement pas prêt à relever le défi de l'intégration européenne, tant sur le plan institutionnel que sur le plan économique et social.
Qu'à cela ne tienne ! Les dirigeants européens crurent gommer les faiblesses structurelles de la Grèce à coup de subventions. Ils y ont été encouragés par les grandes entreprises françaises et allemandes d'armement et de génie civil qui ont senti l'opportunité de fructueux marchés. Ce faisant, ces subventions ont aggravé les défauts structurels du pays : la corruption et une administration pléthorique.
Pendant deux décennies, l'argent européen coulant à flots a pu faire illusion : autoroutes en veux-tu, en voilà, aéroport tout neuf et des stades mirobolants à Athènes pour les Jeux Olympiques de 2004, un pont superbe au-dessus du canal de Corinthe... Personne ne s'en est plaint, ni en Grèce ni dans les entreprises européennes.
À Bruxelles comme à Paris et dans les autres capitales, on s'est bien gardé de regarder de trop près les comptes grecs pour ne pas enrayer cette fabuleuse machine.
Ce qu'on a fait pour la Grèce, on a estimé pouvoir le faire pour l'Espagne et le Portugal en 1983, ces deux pays étant quelque peu plus avancés dans le domaine économique. Les mêmes causes ont produit les mêmes effets : subventions massives pour des grands travaux sans profit notable pour l'économie. Puis la Grèce a insisté pour que l'île de Chypre soit à son tour accueillie dans l'Union européenne. Pure folie : l'île est depuis 1974 l'objet d'un grave contentieux militaire entre la Turquie et la Grèce. Au demeurant, bien que majoritairement de culture grecque, elle n'appartient pas au continent européen mais au Proche-Orient (elle est à 100 km de la Syrie).
Ainsi une mauvaise décision (l'admission prématurée de la Grèce dans la Communauté européenne) a-t-elle fait boule de neige et conduit à la série d'impasses dans laquelle se trouve aujourd'hui l'Union et la Grèce elle-même.
L'entrée tout aussi prématurée de la Grèce dans l'union monétaire en 2001, après deux ans d'atermoiements, n'a fait qu'aggraver les choses. Les professionnels du tourisme et de l'agriculture se sont trouvés handicapés par rapport à leurs concurrents naturels (Turquie, Tunisie...) qui pouvaient jouer de l'arme monétaire pour séduire la clientèle européenne. Le pays a donc poursuivi sa fuite en avant dans l'endettement et le gonflement des dépenses administratives.
Jusqu'à ce 16 octobre 2009 où le Premier ministre Georges Papandréou, fraîchement élu, a publiquement confessé que les montants de la dette souveraine et du déficit budgétaire avaient été grossièrement trafiqués par le gouvernement de son prédécesseur Kostas Kamaranlis (on apprendra plus tard que ce fut avec le concours des banquiers Lehman & Brothers).
Dans ce malheur, les Grecs ont au moins trouvé un « ami » compatissant : le président chinois Hu Jintao. À l'occasion d'un déplacement officiel à l'automne 2010, il a bienveillamment promis à Athènes (et à Lisbonne) de racheter une partie de leur dette. Il s'agit d'un cadeau intéressé car, en prêtant des euros à Athènes et Lisbonne, la Chine favorise la surévaluation de la devise européenne, déjà très au-dessus du raisonnable.
Qui plus est, M. Hu a aussi proposé de l'argent aux armateurs grecs pour qu'ils achètent des cargos en Chine. Personne, à Bruxelles, Paris et ailleurs, n'y a trouvé à redire. Pourtant, cet achat sous contrainte bafoue le dogme européen de la « concurrence libre et non faussée ».
D'autre part, le président chinois a promis aux Grecs qu'il ferait du Pirée le port d'entrée privilégié des marchandises chinoises en Europe. Bravo, mais il suffit de regarder la carte pour s'étonner : Le Pirée, au fond d'une mer fermée, est on ne peut plus éloigné de l'Europe utile. En toute objectivité, Dunkerque, Anvers ou Rotterdam valent infiniment mieux que Le Pirée.
Quelle mouche a donc piqué M. Hu ? Si celui-ci s'adresse aux Grecs plutôt qu'aux Néerlandais ou aux Flamands pour développer les importations chinoises en Europe, c'est qu'il les juge plus corruptibleset plus arrangeants que les seconds. On peut penser avec lui que les services administratifs du Pirée seront assez peu regardants sur l'inocuité et la fiabilité des produits chinois (porc, jus d'orange, jouets...).
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