7 novembre 2010 : Bertrand Tavernier a réalisé avec La Princesse de Montpensier le meilleur film historique de ces dernières années, en s'inspirant de Madame de La Fayette.
Ce chef d'œuvre d'équilibre et de justesse nous entraîne dans une intrigue passionnelle d'une rare profondeur psychologique, sur un fond historique exemplaire de vérité.
Le cinéaste a commencé sa carrière en 1974 avec l'intimiste Horloger de Saint-Paul et, dès l'année suivante, a révélé sa maîtrise du genre historique avec un film remarquable sur la Régence et ses excès : Que la fête commence.
Dans La Princesse de Montpensier, il aborde la fin de la Renaissance, Catherine de Médicis, les guerres de religion et la Saint-Barthélemy avec le regard incisif de Madame de La Fayette.
Il n'y a rien à redire sur la part historique du film : décors, costumes et événements sont parfaitement conformes à la vérité léguée par l'Histoire, de même que les physionomies des personnages historiques. Le duc d'Anjou, futur Henri III, et Catherine de Médicis, surprenante mamma italienne, sont remarquables de vraisemblance.
Le cinéaste a respecté la lettre et l'esprit du roman de Madame de La Fayette (même si la fin a été condensée). Il a magnifiquement enrichi l'histoire avec des dialogues d'une belle élégance classique, reflets des bonnes manières aristocratiques de l'époque.
L'intrigue se joue autour d'une jeune noble, Marie de Mézières, amie d'enfance du futur duc Henri de Guise le Balafré. Elle doit renoncer à l'amour de celui-ci pour épouser le mari imposé par son père, le jeune prince Philippe de Montpensier.
On est à la fin 1567. La deuxième guerre de religion vient de se terminer sur la défaite des protestants et de leur chef, le prince de Condé, à Saint-Denis.
Le vieux comte de Chabanes, n'en pouvant plus des horreurs de la guerre, renonce à se battre. Proscrit par les deux camps, il trouve refuge chez son ancien élève, le prince de Montpensier (l'un et l'autre sont des personnages de fiction, de même que la princesse de Montpensier).
Quand la guerre reprend, le prince laisse sa jeune femme sous la garde de son ami, lequel s'occupe de son éducation et en devient secrètement amoureux. L'amour de Marie pour Guise reprend vigueur lorsque le jeune duc et le duc d'Anjou s'égarent près de chez elle.
Tout le monde se retrouve à Paris, au Louvre, où le duc d'Anjou, à son tour séduit par la princesse, se prend de haine pour son principal rival, Guise. Marie de Montpensier, tiraillée entre l'amour de son mari et sa passion pour Guise, met le pur Chabanes dans la confidence et obtient qu'il arrange ses rendez-vous clandestins. Jalousie et passion virent au drame.
On est en août 1572. La cour prépare le mariage de Margot, soeur du duc d'Anjou et du roi Charles IX, avec le roi de Navarre, futur Henri IV. Au milieu des festivités, les chefs catholiques manigancent le massacre des protestants. Il survient la nuit de la Saint-Barthélemy (24 août)...
Les principaux acteurs, remarquables, sont dominés par la présence lumineuse de Lambert Wilson, le comte de Chabanes, qui fut précédemment le prieur de Tibéhirine dans le film Des hommes et des dieux, 2010).
La Princesse de Montpensier... vue par Madame de Lafayette et Bertrand Tavernier
Presque quatre siècles séparent l'oeuvre de madame de Lafayette de celle de Bertrand Tavernier. Une éternité ! Comment un réalisateur du XXe siècle, connu pour ses polars ou ses films sociaux, a-t-il pu s'approprier une nouvelle précieuse du XVIIe siècle ? Simplement en suivant les recettes choisies par Lafayette elle-même : fidélité au contexte historique des guerres de religions, utilisation de personnages réels, mélange de réalisme et de grandes scènes romanesques. Il ne se prive pas aussi de moderniser l'ensemble en ajoutant quelques épisodes sanglants ou intimes, inimaginables pour les lecteurs de la prude société classique.
Mais Tavernier n'accepte pas la morale janséniste de l'histoire : Marie, coupable d'avoir cédé à ses sentiments ? Au contraire, il la montre forte et admirable dans son refus de suivre les règles qu'on lui impose. Pour le réalisateur, c'est avant tout la liberté qui compte : liberté d'apprendre, symbolisée par le personnage de Chabannes, humaniste et double du cinéaste, et liberté d'aimer. Avec ce beau portrait, le cinéaste a réussi le pari de rester à la fois fidèle à l'oeuvre d'origine et de s'en affranchir, en effectuant sa propre « lecture » du texte. Le film de Tavernier le féministe rend finalement un bel hommage à Lafayette la rebelle, mère du roman et une des rares femmes de Lettres de l'époque.
Pudique dans les scènes de guerre comme dans les scènes intimes, La Princesse de Montpensier s'adresse à tous les publics. Précisons toutefois - c'est important - qu'il vaut mieux réviser l'Histoire avant la séance et au moins lire les précisions ci-dessus sur le contexte historique.
Le film convient tout particulièrement aux adolescents, qui y trouveront matière à aimer la littérature, l'histoire nationale et la France elle-même, ses paysages, son patrimoine et sa culture (cuisine, politesse du langage, pétillement intellectuel).
Au final, un beau pied-de-nez aux bouffonneries anglo-saxonnes qui ont inondé les écrans ces dernières années !
Contemporaine de Louis XIV, Madame de La Fayette a inventé le genre romanesque avec La Princesse de Montpensier, petit roman, qui mêle une intrigue passionnelle aux guerres de religion, antérieures d'un siècle à sa publication (1662). Après l'histoire de cette jeune femme, morte d'avoir cédé à sa passion, Madame de La Fayette a récidivé avec une autre princesse, La Princesse de Clèves, morte quant à elle d'avoir résisté à sa passion au nom de la vertu.
Cette écrivaine, que l'on dit « classique » (autrement dit ennuyeuse !), possède un style d'une grande fraîcheur et témoigne d'une finesse psychologique très moderne, quoi qu'en prétendent des ignorant méprisants (note). Nous vous invitons, pour preuve de nos dires, à lire le petit récit de La Princesse de Monpensier, avec une orthographe et une ponctuation modernisées par nos soins : Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l'amour ne laissait pas de trouver la place parmi tant de désordres, et d'en causer beaucoup dans son empire...
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barberousse1962 (03-12-2010 11:54:39)
Bonour,
Les amateurs de l'Histoire de France auront relevé sans doute que le titre de Prince de Montpensier n'existe pas. Certes, des Princes ont porté ce nom mais comme Comte puis Duc de Montpensier.
Cordialement,