Du Moyen Âge aux temps modernes

L'Occident féodal (XIe-XVe siècles) : la place de l'Église

Aux alentours de l'An Mil, des moines et des abbés remplis de foi et d'énergie sortent l'Europe de sa misère. Ils adoucissent les moeurs des guerriers et remplissent d'espérance le coeur des pauvres gens.

Avec le renouveau spirituel s'ouvre en Europe une longue période de progrès.

 

Vers l'an 900, les rois carolingiens héritiers de Charlemagne n'arrivent pas plus à repousser les envahisseurs (Vikings, Sarrasins et Hongrois) qu'à se faire obéir des seigneurs.

Le pape n'est pas écouté. Il est avant tout l'évêque de Rome. Désigné par les grandes familles romaines, il n'a aucun pouvoir au-delà de son diocèse et de ses États.

Les seigneurs désignent les curés chargés de dire la messe dans les villages. Les curés sont souvent des ignorants et leurs évêques, également désignés par les seigneurs, ne valent guère mieux.

Le «miracle» de Cluny

En 910, il y a 11 siècles, se produit un événement en apparence anodin : quelques moines reçoivent du duc d'Aquitaine l'autorisation de fonder un monastère dans une lande inhospitalière du nom de Cluny, au nord de Lyon.

En ce lieu, les moines se proposent de prier à l'écart du monde. Chose inhabituelle à l'époque, le duc leur promet qu'ils n'auront aucun compte à rendre à quiconque en-dehors du pape!

Grâce à cette indépendance et à des moines d'un tempérament exceptionnel, l'abbaye de Cluny rayonne bientôt sur l'ensemble de la chrétienté occidentale.

I] L'Église se réforme

Par leur enseignement, les moines de Cluny raffermissent la foi religieuse des seigneurs et des paysans. En 950 a lieu le premier pèlerinage français sur le tombeau de Saint-Jacques, à Compostelle, en Espagne.

Dans les siècles suivants, des centaines de milliers d'hommes et de femmes vont suivre les traces de ces premiers pèlerins tandis que d'autres tenteront d'aller jusqu'à Jérusalem, où le Christ fut crucifié.

Partout on se met à construire des églises. Il ne s'agit avant l'An Mil que de modestes édifices. Mais au bout d'un siècle, les bâtisseurs maîtrisent parfaitement les techniques de construction et donnent naissance à un art architectural nouveau que l'on appelle l'art roman (comme romain bien qu'il n'ait aucun rapport avec les Romains).

Les plus belles églises romanes sont destinées à accueillir des pèlerins sur le chemin de Compostelle. Ainsi de la basilique Saint-Sernin à Toulouse ou de Sainte-Foy de Conques, en Auvergne.

Les abbés de Cluny sont écoutés des seigneurs ainsi que des rois et du pape.

Mais en 962, le duc allemand Otton de Saxe, héros de la lutte contre les Hongrois, demande au pape d'être sacré empereur. Comme Charlemagne !

Le pape accepte. Dès lors, avec le soutien des abbés de Cluny et la complicité de l'empereur, il ne va cesser de gagner en influence... du moins dans la chrétienté catholique (la chrétienté orthodoxe, dans l'empire byzantin, reste fidèle au patriarche de Constantinople).

Après l'An Mil, l'Église catholique, avec le pape à sa tête, bénéficie d'une autorité morale qui ne cesse de grandir.

Les seigneurs et les souverains y regardent à deux fois avant de s'opposer à une prescription du pape. En lui désobéissant, ils courent le risque de n'être plus eux-mêmes obéis de leurs vassaux ou de leurs sujets.

Le clergé use de son autorité pour remodeler aussi la féodalité, autrement dit les liens qui attachent les seigneurs à leurs vassaux ou guerriers ou vassaux.

Les papes réforment avec hardiesse les institutions de l'Église. Ils imposent le célibat aux curés pour qu'ils ne délaissent pas leurs paroissiens au profit de leur famille.

Ils exigent aussi de nommer eux-mêmes les évêques et se fâchent avec l'empereur et les rois qui auraient voulu conserver le droit de nommer les évêques de leur pays.

II] Naissance de l'art gothique

A partir de la première croisade et pendant tout le XIe siècle, l'Église catholique ne cesse de gagner en prestige. Tandis que les conditions de vie s'améliorent dans les campagnes et que renaît la vie urbaine, les évêques se lancent dans la construction de nouvelles cathédrales plus grandioses que jamais sur le modèle de l'église abbatiale de Saint-Denis, au nord de Paris.

Saint-Denis, à l'origine de l'art gothique

Saint-Denis est une abbaye prestigieuse située au nord de Paris accueille beaucoup de pèlerins. C'est aussi l'endroit qu'ont choisi les rois de France pour se faire inhumer.

L'abbé Suger, un homme d'une trempe remarquable né dans une famille de paysans, décide de reconstruire l'église de l'abbaye. Il conçoit un plan ambitieux, avec une nef très haute et de grandes ouvertures à vitrail dans les murs. Pour mieux supporter le poids de la structure, les voûtes ont la forme d'un arc brisé.

En 1144, Suger inaugure la nouvelle construction en grande pompe, devant le roi de France et tous les évêques du royaume. C'est l'enthousiasme. Les évêques, en repartant dans leur diocèse, veulent faire au moins aussi bien que Suger.

C'est ainsi que se multiplient les chantiers de nouvelles cathédrales (la cathédrale est l'église principale d'un diocèse). Celles-ci sont financées par les évêques eux-mêmes, qui prélèvent dans les revenus de leur diocèse. Elles sont construites par des ouvriers hautement spécialisés, les compagnons (tailleurs de pierre, sculpteurs, architectes, charpentiers...). Les travaux s'étalent sur plusieurs dizaines d'années.

Le nouveau style architectural, avec ses arcs brisés, se substitue au style roman et à ses arcs pleins. On l'appelle style français parce qu'il est né en île-de-France, autour de Paris.

Beaucoup plus tard, sous la Renaissance, on l'appellera avec mépris style gothique (parce qu'à peine digne des Goths ou des Barbares !). Curieusement, c'est ce nom qui est resté alors que le style gothique est aujourd'hui plus apprécié que jamais.

Un moine à l'énergie fiévreuse, Saint Bernard de Clairvaux, dénonce cependant la vanité de ces entreprises. Lui-même fonde un nouvel ordre monastique, l'ordre cistercien (du nom de Cîteaux, une abbaye de Bourgogne). Il prône le dépouillement et la prière et se pose en concurrent de l'ordre clunisien, que Saint Bernard juge trop orgueilleux et trop riche.

Dans le même temps, sous l'impulsion de l'Église, se créent les premières universités à Paris et dans les principales villes européennes.

Ces universités enseignent en premier lieu la théologie, c'est-à-dire l'étude de la religion. Mais les professeurs et les étudiants n'hésitent pas à aller en Espagne, dans l'émirat musulman de Cordoue, ou à Byzance pour étudier les grands textes de l'Antiquité, qu'il s'agisse de philosophie, de médecine, de géographie ou de poésie.

L'Église atteint son apogée au début du XIIIe siècle, vers 1200, sous le pontificat d'Innocent III. Ce pape hardi n'hésite pas à sanctionner les souverains qui désobéissent à l'Église ou se comportent mal.

Louis IX, roi du principal royaume d'Europe, la France, donne quant à lui l'exemple de la sainteté. Il est canonisé après sa mort, en 1270, c'est-à-dire proclamé saint, en raison de sa piété et de ses bonnes oeuvres. Il n'est pas le seul dans ce cas. Le roi Ferdinand III de Castille (Espagne) sera aussi canonisé après sa mort.

Avec la prospérité se développent le goût du luxe et l'égoïsme, l'Espagnol Saint Dominique de Guzman et l'Italien Saint François d'Assise prêchent la charité.

Ils donnent eux-mêmes l'exemple de l'humilité et de la pauvreté et créent de nouveaux ordres monastiques qui prêchent sur les chemins et vivent de l'aumône : les dominicains et les franciscains.

III] Les revers

À la fin du XIIIe siècle, la situation de l'Église se dégrade. Les croisades sont terminées et les croisés ont été chassés de la Terre sainte par les musulmans. La construction de cathédrales s'essoufle...

Le pape entre en conflit avec le puissant roi de France, Philippe le Bel, petit-fils de Saint Louis. Il est obligé de quitter Rome et de s'installer à Avignon, aux portes du royaume de France.

Pendant tout le XIVe siècle, dans une Europe affaiblie par les guerres, les famines et l'épidémie de peste, l'Église n'en finit plus de se déchirer.

Chaque roi ou empereur tente d'imposer son propre candidat à la tête de l'Église. On a à certains moments jusqu'à trois papes en concurrence. C'est ce que l'on appelle le Grand Schisme, (schisme vient du mot grec séparation).

En Bohême (aujourd'hui la république tchèque) et en Angleterre, des chrétiens fervents commencent à douter de la papauté et à remettre en question la hiérarchie catholique.

Au début de la Renaissance, leurs idées vont susciter une très grave crise et la naissance d'une Église réformée (ou protestante) concurrente de l'Église catholique et du pape.

Pour aller plus loin

Refaites le monde avec les énergiques abbés de Cluny [récit]

Assistez à l'ouverture du concile Latran IV par le pape Innocent III, qui marque l'apogée de l'Église médiévale [récit]

Accompagnez Saint François d'Assise sur les chemins [récit]

Des outils pour comprendre
- Se repérer dans le temps :

L'Église d'Occident a beaucoup évolué depuis les années noires du milieu du Xe siècle (vers 950).

Retenons les principales étapes :

- 910: fondation de l'abbaye de Cluny, d'où sortira la réforme des institutions ecclésiastiques,

- 1075: le pape Grégoire VII réserve à un collège de cardinaux l'élection des papes,

- 1095: le pape Urbain II prêche la première croisade pour délivrer le tombeau du Christ à Jérusalem,

- 1144: la consécration du choeur de l'abbatiale de Saint-Denis marque la naissance de l'art gothique,

- 1215: l'ouverture du concile Latran IV par Innocent III consacre le prestige de l'Église médiévale.

- Lecture :

Plongez-vous dans les passionnantes chroniques du moine Raoul Glaber sur les drames et les espoirs après l'An Mil [lecture]

Vérifier les connaissances

- Quel nom donne-t-on à la grande réforme de l'Église, après l'An Mil?... [réponse]

- Comment appelait-on autrefois l'art gothique?... [réponse]

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2020-05-02 17:48:16

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