La Révolution française

L'affirmation d'un nouvel univers politique

La période révolutionnaire a profondément transformé la France et l'Europe. Elle débute lorsque le système absolutiste français est remis en cause, éclate en 1789, et tente de prendre la forme d'une monarchie constitutionnelle, puis d'une République. Toutefois, la Révolution ne parvient jamais à trouver la stabilité, et c'est la prise de pouvoir de Napoléon Bonaparte qui va donner à la France cette stabilité, au prix toutefois de nombreuses guerres extérieures.

Yves Chenal

L'exigence de liberté
- la remise en cause de l'absolutisme

La France d'Ancien Régime est une monarchie dans laquelle le roi a des pouvoirs très étendus car il est le représentant de Dieu sur terre. De même, l'ordre politique est censé refléter la volonté divine, il est donc intangible, et divisé en trois ordres : la noblesse, le clergé et le tiers état (c'est-à-dire «tout le reste»). Les deux premiers ordres, pourtant bien moins nombreux, sont les plus riches et jouissent de privilèges importants.

Cet ordre est toutefois de plus en plus remis en cause : les Parlements veulent avoir la possibilité de voter les lois et être associés au gouvernement du pays. Les bourgeois, de plus en plus nombreux avec l'enrichissement du pays, supportent toujours moins d'être tenus à l'écart des décisions politiques.

Ils sont influencés par les idées des Lumièresdéveloppées par les grands «philosophes» de leur époque, comme Montesquieu, Voltaire ou Rousseau, contre le pouvoir arbitraire du roi, qui peut faire emprisonner n'importe qui par «lettre de cachet». Les plus audacieux croient à l'égalité des individus. Ils insistent sur la nécessité d'éduquer le peuple pour le faire progresser et l'arracher ainsi à la «superstition» et au pouvoir, qu'ils jugent excessif, de l'Église.

- les modèles américains et anglais

Les hommes des Lumières s'appuient aussi sur deux exemples étrangers, le modèle anglais et, de plus en plus, le modèle américain.

En Grande-Bretagne, depuis le Bill of Rights de 1689, le pouvoir du roi est contrebalancé par le Parlement. C'est ce dernier qui vote l'impôt, sans tenir compte des conditions de naissance. Les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires et sont donc séparés, ce qui a profondément marqué le penseur Montesquieu.

Le deuxième modèle est plus récent, il s'agit des États-Unis. En 1776, les 13 colonies britanniques d'Amérique du Nord ont proclamé leur indépendance et surtout l'ont justifiée par une Déclaration devenue très célèbre qui contient des phrases très fortes :

«Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur».

On retrouve dans ce texte certaines des grandes idées des Lumières. Lors de la guerre qui s'ensuit entre la Grande-Bretagne et son ancienne colonie, de nombreux Français prennent le parti des insurgés, d'autant que c'est un moyen d'affaiblir l'ennemi traditionnel, la Grande-Bretagne. C'est ainsi que La Fayette va combattre en Amérique, et y acquiert une grande gloire. En 1787, la Constitution américaine reprend et applique certains des principes des Lumières, comme la séparation des pouvoirs.

Les hommes des Lumières peuvent donc proposer plusieurs possibilités de réforme en France. Dans leur très grande majorité, ils ne veulent pas d'une révolution, ni d'une République, ils préfèrent le modèle britannique d'une monarchie tempérée par un parlement qui reconnaîtrait les droits des individus. Pourtant, en 1789, une série d'événements va entraîner une transformation profonde de la société française.

1789, la nation prend le pouvoir
- les états généraux

La situation financière du royaume étant catastrophique, le roi doit convoquer les états généraux le 5 mai 1789. C'est à cette occasion que les Français rédigent les « cahiers de doléance », qui leur permettent d'exprimer leurs plaintes, dont ils espèrent qu'elles seront entendues. Mais rapidement les trois ordres vont s'affronter, le tiers état demande à être mieux reconnu et exige que le clergé et la noblesse paient des impôts.

Le 17 juin, le tiers état se proclame Assemblée nationale et défie le roi ; le 20, ses membres prêtent le serment du Jeu de Paume et jurent de ne pas se séparer tant qu'ils n'auront pas doté la France d'une constitution. Ainsi, ce n'est plus le roi qui est la source de l'autorité, mais la nation, dont le symbole est la cocarde tricolore.

- le peuple au cœur du jeu politique

Le 14 juillet, le peuple entre en piste et prend la Bastille, prison quasiment vide mais symbolisant l'arbitraire royal. Le 4 août, les représentants votent l'abolition des privilèges, c'est un tournant dans l'histoire de France. Le 26 août, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est adoptée. «Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits».

L'enthousiasme fait ensuite place à la méfiance face au roi : le 5 octobre 1789, alors que les prix du pain augmentent sans cesse, un cortège de parisiennes se rend à Versailles. Sous la pression populaire, le roi, qui a laissé l'émeute se développer, doit rentrer à Paris. Il est maintenant prisonnier des révolutionnaires.

L'échec de la monarchie constitutionnelle
- la Constitution

À partir de 1789, le roi règne avec l'Assemblée, qui est chargée de rédiger une constitution : dorénavant, l'organisation des pouvoirs doit être précisément définie et ils doivent être mieux répartis.

L'assemblée engage beaucoup d'autres réformes qui remodèlent en profondeur l'organisation de la France, et dont certaines font encore sentir leur influence aujourd'hui, comme la création des départements.

Elle interdit aussi les corporations, c'est-à-dire les groupements professionnels, car il ne doit rien exister entre l'individu et la nation, afin de ne pas détourner de la recherche de l'intérêt général. La constitution de 1791 prévoit que l'assemblée législative, élue au suffrage censitaire (c'est à dire que seuls ceux qui paient des impôts votent), vote les lois et le budget, mais que le roi a un droit de veto suspensif, ce qui signifie qu'il peut s'opposer aux lois pendant quatre ans.

- Son impossible application

Si, dans un premier temps, on peut croire lors de la Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790 que le roi et la Nation s'entendent parfaitement, des tensions apparaissent rapidement. Louis XVI supporte très mal de voir ses pouvoirs rognés, et surtout il s'oppose à l'Assemblée sur les questions religieuses.

Cette dernière a en effet décidé de nationaliser les biens du clergé, afin de régler ses problèmes financiers. Puis elle va plus loin en votant la la constitution civile du clergé. Il s'agit d'intégrer l'Église dans les nouvelles structures de l'État et de la placer ainsi sous contrôle, ce que les ecclésiastiques ne peuvent accepter. Beaucoup refusent alors de prêter le serment de fidélité à la constitution civile du clergé et s'opposent à la révolution.

Le roi soutient ceux qui refusent (les réfractaires) et n'hésite pas à utiliser son droit de veto, mais il se sent prisonnier de la Révolution et tente le 21 juin 1791 de fuir Paris pour retrouver les troupes françaises hostiles à la Révolution. Rattrapé à Varennes, il est ramené sous bonne et escorte, et a dorénavant perdu la confiance du peuple.

- la guerre et la chute de la royauté

La tension est d'autant plus forte que les voisins de la France se préparent à l'affrontement. De nombreux nobles français ont émigré et pensent pouvoir facilement battre les révolutionnaires pour restaurer l'ordre ancien. C'est toutefois la France, et plus exactement Louis XVI, qui déclare la guerre à l'Autriche le 20 avril 1792. Le roi espère ainsi, tout en prétendant prendre le parti de la Révolution, qu'elle sera vaincue par l'empereur d'Autriche. Ainsi, il pourra retrouver l'intégralité de ses pouvoirs.

Cependant, le peuple se méfie toujours plus de lui, d'autant que la situation militaire se dégrade, et le 10 août 1792, la famille royale est emprisonnée après que le pouvoir du roi a été déclaré «suspendu» par l'Assemblée législative.

L'impossible stabilisation
- l'enthousiasme républicain

Malgré l'enthousiasme qui accompagne la déclaration de guerre, durant lequel la Marseillaise devient l'hymne de la Révolution, les premiers mois de la campagne sont difficiles.

Cependant, le 20 septembre 1792, les troupes françaises remportent la bataille de Valmy, qui militairement n'est pas importante, mais qui devient le symbole de la puissance révolutionnaire, d'autant qu'elle est confirmée peu après par celle de Jemmapes. Dès lors, les armées françaises envahissent les pays voisins pour y propager la Révolution.

- la République et la Terreur

Après la «suspension» du roi, une partie du peuple, les sans-culottes, manifestent et poussent les représentants, réunis dans la Convention, à s'en prendre au roi et à pourchasser les suspects. Le 22 septembre, la France devient une république. Le roi est jugé, condamné à mort et exécuté le 21 janvier 1793.

Ce procès a cependant aggravé les dissensions entre les Girondins, plus modérés, et les Montagnards, parmi lesquels Robespierre, qui obtient finalement l'élimination des Girondins en mai 1793. Désireux d'éliminer tous les adversaires réels ou supposés de la Révolution, les Montagnards mettent en place un Comité de Salut Public. La situation est en effet préoccupante, puisque les armées françaises reculent et surtout que des soulèvements se produisent dans le pays, en particulier en Vendée.

Les troupes républicaines répriment très durement ces mouvements et des milliers de personnes sont guillotinées au nom de la «Terreur», nécessaire aux yeux de Robespierre pour défendre la Révolution. Le même Robespierre tente aussi de lutter contre le christianisme et de mettre en place le culte de l'Être Suprême, qui n'obtient pas un grand succès.

- de Thermidor au Directoire

Robespierre fait exécuter son grand rival Danton, mais à partir de ce moment, tout le monde se met à avoir peur de lui, si bien qu'il est à son tour arrêté le 27 juillet 1794 et exécuté le lendemain.

La mort de Robespierre met fin à la période la plus extrême et la plus agitée de la Révolution. La situation militaire est redressée, et beaucoup aspirent à vivre de manière plus insouciante. Les Thermidoriens, ainsi appelés parce que Robespierre est mort durant le mois de Thermidor, selon le calendrier révolutionnaire, rédigent une nouvelle Constitution, qui accorde un rôle moins important au peuple.

Le suffrage universel direct, prévu par la Constitution de 1793 mais jamais appliqué, disparaît dans la Constitution d'octobre 1795 au profit du suffrage censitaire, afin d'éviter les humeurs de la foule. Ce régime est appelé «Directoire» car plusieurs individus se partagent le pouvoir, avec les assemblées. Il est toutefois de plus en plus contestés à la fois sur sa gauche, par les Jacobins qui veulent revenir à la grande époque de la Révolution, et sur sa droite, par les monarchistes qui veulent supprimer les acquis révolutionnaires. Finalement le Directoire doit recourir à plusieurs coups d'État pour écarter ses adversaires.

Napoléon et l'héritage révolutionnaire
- un pouvoir sans partage

L'armée et ses jeunes généraux promus par la Révolution jouent un rôle de plus en plus important. Napoléon Bonaparte, devenu célèbre en Italie et en Égypte, est choisi par certains des Directeurs qui partagent le pouvoir exécutif pour défendre la Révolution.

Le 9 novembre 1799, ou 18 Brumaire An VIII selon le calendrier révolutionnaire, il s'empare du pouvoir par la force et met en place un nouveau régime : le Consulat. Progressivement, il s'attribue tous les pouvoirs et, le 2 décembre 1804, se fait sacrer empereur des Français.

Jusqu'à son ultime défaite, en 1815, à Waterloo, il commande tout et supervise tout, en particulier grâce à sa police.

- terminer la Révolution

Napoléon veut un retour à l'ordre pour sauvegarder les acquis de la Révolution, en particulier les biens nationaux (biens d'Église revendus à des bourgeois et des paysans aisés). Par le Code civil, il promeut quelques principes révolutionnaires comme l'égalité de tous devant la justice. Les femmes voient toutefois leurs droits civils restreints par rapport à ce qu'ils étaient sous la Révolution et même sous l'Ancien Régime. Les esclaves des colonies, quant à eux, restent dans leur condition servile.

Dans de nombreux autres domaines, Napoléon reprend l'héritage révolutionnaire en le transformant. Ainsi, dans les départements, il nomme des préfets qui représentent l'État et existent encore de nos jours.

Par ses nombreuses campagnes militaires, qui ne font pas partie de ce chapitre, Napoléon diffuse aussi certains principes de la Révolution à l'étranger, comme le Code Civil ou l'abolition des privilèges. Mais par la violence de la guerre et de l'occupation, il contribue également à les faire détester.

Si le règne de Napoléon est marqué par une volonté de concilier certains acquis de la Révolution avec le retour à l'ordre sous un pouvoir fort, le régime suivant, celui de la Restauration, sous les rois Louis XVIII et surtout Charles X, tente en vain de retrouver l'Ancien Régime, si bien que les tensions politiques persistent durant tout le XIXe siècle.

Publié ou mis à jour le : 2019-08-14 20:20:18

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net