La Renaissance (XVe-XVIe siècles)

Les hommes de la Renaissance

Sous la Renaissance, effervescence intellectuelle et redécouverte des Anciens, enrichissement par le commerce et l'artisanat, bouleversements politiques et concurrence entre princes et souverains sont autant de facteurs propices à l'émergence de personnalités fortes et originales. L'Europe chrétienne connaît aussi les affres de la division avec la Réforme de Luther et Calvin.

Les XVe et XVIe siècles sont incontestablement une période de changements très profonds, mais cette période ne doit pas être idéalisée car c'est aussi dans cette période - ou du moins à la fin - qu'on brûle les sorcières, que les guerres de religion se multiplient et que l'on rétablit l'esclavage et la traite dans le Nouveau Monde.

Yves Chenal
L'humanisme
- la redécouverte de l'Antiquité

Au XVe siècle, les savants redécouvrent de nombreux textes de l'Antiquité : copiés à la main, abimés par le temps, ces textes avaient souvent été oubliés au fin fond des monastères durant le Moyen Âge. De plus, la prise de Constantinople en 1453 contraint de nombreux savants byzantins à s'exiler en Italie, où ils apportent avec eux la connaissance des œuvres grecques, bientôt traduites en latin.

C'est ainsi que l'Occident redécouvre le philosophie grec Platon, à partir de l'Italie, où dès le XIVe siècle Pétrarque veut retrouver la grandeur antique et recherche les manuscrits anciens. Le même Pétrarque invente l'expression « Moyen Âge » pour dénoncer l'époque qui suit l'Antiquité, considérée comme une période de déclin et d'obscurantisme.

La connaissance du grec et de l'hébreu s'impose alors comme une nécessité pour toute personne qui désire retrouver la grandeur de l'époque antique. C'est pour les enseigner qu'est par exemple créé en 1530 le « collège des trois langues », ancêtre du collège de France, à l'instigation de Guillaume Budé. À la même époque apparaît le mot humaniste. Il désigne les érudits qui ne se contentent plus de la connaissance du latin, la langue commune à toutes les personnes instruites de leur époque, mais étudient aussi les autres langues prestigieuses de l'Antiquité, le grec et l'hébreu (studia humanitatis).

Ces humanistes ne gardent pas pour eux leur savoir, mais multiplient les échanges, soit en voyageant, soit en échangeant des lettres : c'est à partir de cette époque que l'on parle d'une « République des lettres », c'est-à-dire d'un cercle de gens instruits qui correspondent de manière intensive.

- l'homme, au centre du monde

Aux yeux de ces érudits, il faut placer l'homme au centre de tout.

Attention toutefois : il ne faut pas croire que les humanistes sont des païens ou des athées qui rejettent Dieu. Ils sont chrétiens, mais mettent l'accent sur l'étude de l'homme. C'est ainsi que Pic de la Mirandole, dans un texte célèbre, écrit que « le Grand Architecte » a dit à Adam : « tu n'est limité par aucune barrière... Je t'ai installé au milieu du monde afin que de là, tu examines plus commodément tout ce qui existe. Je ne t'ai fait ni céleste, ni terrestre, ni mortel, ni immortel, afin que maître de toi-même tu te composes la fortune que tu auras préférée... » C'est l'individu qui choisit son destin, il n'est pas condamné par le péché originel.

L'humanisme est ainsi une doctrine fondamentalement optimiste, elle croit que l'homme peut s'améliorer. Pour cette raison, l'éducation est au centre des préoccupations des hommes du temps. La connaissance doit permettre aux hommes d'accomplir leurs possibilités, mais elle doit aller de pair avec la morale car « science sans conscience n'est que ruine de l'âme », comme François Rabelais le fait dire à son héros Gargantua. Une fois éduqué, l'homme peut lire par lui-même la Bible et la comprendre, alors que jusque là l'Église était la seule à pouvoir interpréter ce texte.

- toucher un grand public : les langues vernaculaires et l'imprimerie

Afin de permettre au plus grand nombre d'avoir accès au savoir, les humanistes n'hésitent pas à écrire ou enseigner en langue vernaculaire, c'est-à-dire dans la langue que parlent le peuple au quotidien, par opposition au latin qui n'était compris que des savants.

Ainsi, Jacques Lefèvre d'Étaple réalise une traduction française du Nouveau Testament en 1523 et recommande sa lecture par les fidèles, ce qui provoque la colère de beaucoup d'hommes d'Église, qui l'accusent de favoriser l'erreur en permettant aux simples gens de se faire leur propre opinion, sans être guidés par l'Église.

Toucher un large public est devenu possible grâce à l'invention de l'imprimerie, et plus exactement à l'invention des caractères mobiles, par Johann Gutenberg, vers 1450.

Dans les décennies qui suivent, l'imprimerie se diffuse, depuis Mayence vers toute la vallée du Rhin et la Bavière, le nord de l'Italie (avec un foyer à Rome), les régions parisienne et lyonnaise, ainsi que le centre de l'Espagne. Des grands éditeurs-imprimeurs comme Alde Manuce à Venise ou Christophe Plantin à Anvers diffusent les œuvres des humanistes en direction d'un public beaucoup plus large qu'avant, car l'imprimé coûte beaucoup moins cher que le livre copié à la main.

La Renaissance
- une nouvelle perspective artistique inspirée de l'Antiquité

Depuis le XIXe siècle, il est devenu courant de désigner les XVe et XVIe siècles sous le terme de « Renaissance ». En effet, les humanistes ainsi que les artistes de cette époque rejettent le Moyen Âge comme une époque obscure et privée du sens de la beauté et prennent pour modèle l'Antiquité.

Ils s'appliquent à faire renaître les principes antiques, qu'ils connaissent d'une part par les traités théoriques, comme celui de l'auteur latin Vitruve, auteur d'un traité d'architecture redécouvert au XVe siècle, et d'autre part par les statues et monuments, dont ces artistes vont faire des relevés et des reproductions. L'allemand Albrecht Dürer (mort en 1528), est ainsi très marqué par ses séjours en Italie.

Pour eux, les artistes antiques ont su représenter le beau et l'idéal en respectant des proportions précises, aussi bien pour les frontons des temples que pour les corps humains. Tout en continuant à représenter de nombreux sujets religieux, ils accordent une place plus importante qu'auparavant aux thèmes païens ou tout simplement laïcs (portraits...).

Mais la grande innovation de l'époque est la découverte progressive de la perspective, qui permet de créer chez le spectateur d'un tableau l'impression de profondeur. Mise au point au début du XVe siècle à Florence par des peintres comme Masaccio, elle est théorisée par Léon Batista Alberti dans son traité Sur la peinture en 1435.

Pour représenter un paysage en perspective, le peintre doit avoir des bonnes connaissances en géométrie : cette polyvalence de l'artiste est une des caractéristiques de la Renaissance.

- la diffusion de la Renaissance

La Renaissance est née en Italie où elle a bénéficié de l'émiettement politique : plus il y a d'États et de princes, plus l'artiste a de chance de trouver un protecteur désireux d'avoir un monument ou un tableau plus spectaculaire que son voisin.

Les souverains sont donc des mécènes comme Laurent le Magnifique à Florence, mais l'Église n'est pas en reste : à Rome et ailleurs, les ecclésiastiques commandent de nombreuses œuvres, comme les fresques du plafond de la chapelle Sixtine réalisées par Michel-Ange. Les artistes n'hésitent pas à circuler de ville en ville, de souverain en souverain, pour obtenir des commandes intéressantes, comme par exemple Léonard de Vinci, qui n'est pas très heureux dans ses choix.

Ailleurs, de grands souverains comme l'empereur Charles-Quint, protecteur du peintre Titien dans la première moitié du XVIe siècle, ou François Ier, qui fait venir Léonard de Vinci en France, sont également des mécènes importants. Les guerres qu'ils mènent en Italie les mettent en contact avec les artistes et les réalisations de la Renaissance.

Plus au nord, en Flandres, région enrichie par le commerce, la Renaissance prend des caractères particuliers, en particulier dans le contexte de la Réforme religieuse : les peintres accordent en particulier un grand intérêt aux détails de la vie quotidienne.

Léonard de Vinci, le génie paradoxal (1452-1519)

Aussi surprenant que cela nous paraisse aujourd'hui, ce n'est pas comme peintre que Léonard est en son temps célèbre, mais comme organisateur de fêtes. Là, il déploie tout son génie d'inventeur pour développer des machines et mettre en place des spectacles comme personne n'en avait jamais vu.

Par son génie, Léonard de Vinci symbolise la Renaissance italienne. Pourtant, il n'a pas reçu de formation poussée et connaît mal les œuvres antiques. Le nombre de tableaux qui lui sont attribués avec certitude se compte sur les doigts des deux mains. Il a projeté de rédiger 120 traités sur les sujets les plus divers, sans jamais en écrire un seul.

Sa personnalité est aussi troublante que son génie. Prodigue avec ses amants, il tient la comptabilité de ses dépenses avec la précision d'un usurier. En somme, il reste et restera toujours un mystère.

- le statut de l'artiste

Au Moyen Âge, il n'existait pas de différence fondamentale entre l'artiste et l'artisan, tous deux étaient socialement peu considérés.

À la Renaissance, les artistes souhaitent obtenir une reconnaissance de leur talent. Ils soulignent qu'ils ont dorénavant une formation théorique poussée et qu'on ne peut donc plus les réduire à leur statut de travailleur manuel. Les plus importants d'entre eux profitent des rivalités entre les grands pour obtenir des pensions, titres et décorations.

L'exemple le plus abouti en est le peintre vénitien Titien qui, en tant que peintre attitré de l'empereur Charles Quint, reçoit les titres de comte palatin et de chevalier de l'éperon d'or et lui permet de les transmettre à ses enfants. Ce faisant, il le place au même rang que les anciennes familles aristocratiques et en fait un symbole du nouveau statut de l'artiste.

Pour autant, il ne faudrait pas croire que tous les artistes sont aussi bien traités : la plupart doivent se contenter de commandes très étroitement encadrées et mal payées.

La Réforme
- les évolutions du christianisme

La fin du Moyen Âge est marquée, en particulier depuis la très grave épidémie de peste à la fin du XIVe siècle, par un renouveau des interrogations sur la mort et sur le Salut. Les nombreuses danses macabres, qui représentent toutes les catégories sociales unies dans la mort, témoignent de ces préoccupations.

La question est dès lors de savoir si les réponses traditionnellement apportées par l'Église permettent réellement de faire son Salut.

Certaines de ses pratiques sont de plus en plus contestées, comme la vente des indulgences, c'est à dire le fait pour un chrétien de payer pour raccourcir le temps qu'il (ou qu'un autre individu) passera au purgatoire, avant d'aller au paradis. L'Église a vendu beaucoup de ces indulgences pour financer la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome et elles sont de plus en plus critiquées par beaucoup. Le pape et le haut clergé sont régulièrement dénoncés pour leur amour de l'argent.

Par ailleurs, l'humanisme introduit un nouveau rapport au texte sacré, en revenant aux sources (les textes grecs et araméens) et en évacuant les commentaires accumulés au cours des siècles. Comme nous l'avons vu, l'individu doit être capable de lire et de comprendre la Bible.

- la rupture de Luther et ses répercussions

Le moine allemand Martin Luther va bien plus loin que tous les penseurs qui critiquent l'Église en rompant de manière spectaculaire avec les pratiques romaines.

Il publie en 1517 ses « 95 thèses » qui font scandale car elles dénoncent avec virulence les excès de l'Église catholique, en particulier la vente des indulgences. Aux yeux de Luther, le clergé n'a qu'un rôle limité car le salut de l'homme (la vie éternelle après la mort) ne dépend pas de ce qu'il fait (ses œuvres) ni du clergé, mais de la seule décision de Dieu. Il n'existe donc pas de raison pour que le clergé soit séparé du peuple, ce qui explique que les pasteurs protestants soient mariés. Plus tard, en 1534, Luther fait également traduire la Bible en allemand et élève ainsi cette langue au rang de langue littéraire.

Si, à l'origine, Luther ne souhaitait pas fonder une nouvelle Église, il s'y trouve progressivement amené car il est excommunié par le pape en 1521, c'est à dire rejeté hors de l'Église. Avec ses fidèles et le soutien de plusieurs rois et princes, il développe progressivement une Église.

Toutefois, d'autres choisissent des voies différentes. Ainsi le Français Jean Calvin développe une doctrine plus extrême et rigoriste, qui connaît le succès à Genève, mais aussi dans d'autres régions comme les Pays-Bas et dans certaines communautés françaises.

En réaction à ces défis, l'Eglise catholique décide de mener une lutte spirituelle, qu'on appelait traditionnellement la Contre-Réforme mais qu'on préfère aujourd'hui nommer « Réforme catholique ». Elle est définie lors du du concile de Trente (1545-1563) et repose sur l'amélioration de la formation du clergé, le recours à des cérémonies grandioses et la construction d'églises magnifiques dans le style « baroque ». Elle s'appuie sur la Compagnie de Jésus, dont les membres sont appelés jésuites.

- la division de l'Europe

Les réformes mettent un terme à l'unité religieuse de l'Europe et suscitent de très fortes tensions. L'Allemagne est alors divisée en de nombreux petits États sous la domination théorique de l'empereur. Ce dernier demeure catholique, mais certains princes deviennent luthériens et de nombreuses guerres s'en suivent.

D'une manière générale, l'Europe du nord est très touchée par la Réforme : les pays scandinaves deviennent luthériens, les Provinces-Unies (les futurs Pays-Bas) deviennent calvinistes, ce qui accentue la rupture avec l'Espagne, à laquelle ils appartiennent.

En Angleterre, le roi Henri VIII, en conflit avec le pape, développe sa propre Église, « anglicane », à la tête de laquelle il se place. Il supprime les monastères et autorise le mariage des prêtres, mais conserve certains traits du catholicisme. La France aussi voit l'apparition d'un certain nombre de communautés protestantes, ce qui provoque de sanglantes guerres de religion à la fin du XVIe siècle.

Publié ou mis à jour le : 2019-08-14 20:19:31

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