Histoire globale

Les Européens dans le peuplement de la planète

Depuis trois siècles, l'humanité est entrée dans une ère nouvelle. L'Europe, qui a été à la pointe de l'évolution démographique, est aujourd'hui rattrapée par d'autres régions du monde...

Le monde ancien
- la révolution néolithique

L'homme est apparu en Afrique il y a plusieurs millions d'années est s'est ensuite répandu dans l'ensemble du monde. Durant l'essentiel de son histoire, il a vécu de la cueillette, de la chasse et de la pêche, ce qui limitait le nombre d'individus sur un même territoire. Les densités étaient donc très faibles car la terre n'était pas exploitée intensivement.

Les groupes, restreints, étaient nomades, mais se sont progressivement sédentarisés, de manière temporaire ou définitive, environ 10.000 ans avant notre ère. Vers la même époque, sans doute un peu après et avec des rythmes différents selon les régions, se développe l'agriculture, qui permet le développement de groupes humains plus importants.

L'exploitation plus intensive du sol dégage des surplus et donne naissance au commerce : certains individus se spécialisent dans le commerce ou dans la fabrication d'objets artisanaux, d'autres se consacrent à l'administration qui devient de plus en plus complexe, surtout avec l'apparition de l'écriture, d'autres encore sont prêtres. Ainsi apparaissent les villes, dont certaines deviennent immenses : Xi'an, en Chine, aurait compté un million d'habitants vers 1000 avant notre ère, et Rome autant, voire plus, aux premiers siècles de l'époque chrétienne. Ce n'est qu'au XIXe siècle que les villes ont retrouvé cette taille puis l'ont dépassée.

- trois grands foyers de peuplement

Certaines régions du monde voient le développement de cultures très complexes grâce à des découvertes technologiques, comme le travail des métaux.

La région qu'on appelle le «Croissant fertile» située le long des deux grands fleuves que sont l'Euphrate et le Tigre, et, dans leur prolongement, sur le rivage méditerranéen, a été particulièrement importante dans ce processus. Il semble que les civilisations s'y soient très tôt développées en société complexes, et que les innovations aient ensuite été diffusées vers l'est et l'ouest.

Ainsi sont apparus trois grands foyers de peuplement, l'Inde, la Chine et l'Europe, dont les densités ont été, depuis le premier millénaire avant notre ère, bien supérieures à celles des autres régions du monde.

Le Croissant fertile

Cliquez pour agrandir
Le Croissant fertile (cartographie AFDEC)
Cette carte montre le Croissant fertile (en vert bien sûr). Dans cette région aujourd'hui en grande partie désertique qui va de l'Égypte à la Mésopotamie (l'Irak actuel) sont nées les villes, l'agriculture et l'écriture !

- la démographie européenne avant la Révolution industrielle

Sur la longue durée, l'histoire de la population européenne évolue assez peu jusqu'à l'époque contemporaine, plus exactement jusqu'à la Révolution industrielle.

Dans cette phase ancienne, les couples ont de nombreux enfants, couramment plus de dix. Faute de contraception efficace, la maîtrise de la fécondité est aléatoire.

Mais beaucoup d'enfants meurent en bas âge, avant même d'avoir atteint un an, et il arrive aussi que les mères meurent des suites de l'accouchement par manque d'hygiène. Cette mortalité très élevée, surtout dans le premier âge de la vie, compense une natalité exubérante, de sorte qu'en définitive, la population demeure globalement stable.

La population européenne connaît cependant des phases d'essor, comme aux XIe-XIIIe siècles, après l'An Mil, lorsque la consolidation de l'ordre social et un léger réchauffement climatique permettent de nourrir plus d'hommes.

D'autres phases d'essor surviennent à la Renaissance (XVe-XVIe siècles) et au XVIIIe siècle, liées à des progrès techniques et sociaux.

Crises et catastrophes démographiques

Les crises démographiques sont beaucoup plus spectaculaires que les phases de croissance. Elles peuvent être de natures différentes, mais leur gravité est presque toujours liée à des circonstances politiques et économiques.

On pense naturellement en premier lieu aux guerres, qui entraînent une «saignée» plus ou moins importantes dans la population.

Dans les guerres «à l'ancienne», sous la forme de batailles rangées, les victimes se recrutaient surtout parmi les combattants (comme lors de la Première Guerre mondiale). Dans les guerres civiles, les guerres d'occupation et les guerres «modernes» (comme la Seconde Guerre mondiale, avec ses bombardements aériens de villes et ses massacres), les victimes sont plus nombreuses et se recrutent majoritairement parmi les civils (non-combattants, femmes, enfants...).

Par ailleurs, les guerres, quelles qu'elles soient, fragilisent les populations. Par la destruction des récoltes et des structures administratives, elles entraînent famines et épidémies (telle la «grippe espagnole» de 1918-1920).

- la fin de la Rome antique

Rome était la plus grande ville de l'Occident et sans doute du monde, mais elle a commencé à décliner à partir du IVe siècle. En effet, sa situation n'est plus optimale pour défendre un empire menacé de partout, les empereurs choisissent des capitales plus proches des frontières comme Constantinople (l'actuelle Istanbul), Milan, Trêves, ou Ravenne, plus faciles à défendre. Une partie de l'administration et de l'armée quitte donc Rome.

De plus, la population de Rome devait être ravitaillée par les régions grosses productrices de blé, comme l'Afrique du nord, la Sicile ou l'Égypte. Or certains de ces territoires cessent d'envoyer leur blé vers l'Italie, comme l'Égypte, qui destine dorénavant sa production à la nouvelle capitale orientale de l'Empire, Constantinople.

Enfin, au VIe siècle, des guerres très dures ravagent l'Italie et Rome (les guerres «gothiques») liées aux Grandes Migrations germaniques. En conséquence, Rome a perdu la très grande majorité de ses habitants, bien qu'elle reste une ville importante grâce à la présence du pape.

- la Grande peste ou peste noire

En 1347, l'Europe a été touchée par la «peste noire» ou «Grande Peste», venue d'Asie, sur des navires italiens, qui contaminèrent les différents ports où ils s'arrêtèrent. Puis l'épidémie se propage dans toute l'Europe ou presque et dura jusqu'en 1351, avant de connaître des reprises moins graves plus tard (la dernière à Marseille en 1721).

En conséquence, la population, déjà affectée dans certaines régions par des guerres (la guerre de Cent Ans en France) diminue de moitié, voire plus par endroits, en quelques décennies, ce qui a profondément traumatisé les habitants.

- le choc microbien en Amérique et la traite des Noirs

Un des événements démographiques majeurs a été la disparition des peuples américains suite à l'arrivée des Européens. Contrairement à ce que l'on croit parfois, ce ne sont pas les Européens qui les ont tous massacrés ou presque (même s'il y eut des tueries). Les Européens les ont bien tués, mais sans s'en rendre compte. En effet, certaines maladies étaient inconnues sur le continent, comme la variole ou la rougeole. En conséquence, les Indiens n'avaient aucun anticorps pour les protéger contre elles. Lorsque les Européens sont arrivés, ils ont transmis ces maladies qui ont décimé les autochtones (ils ont en contrepartie ramené la syphilis sur le Vieux Continent !).

C'est parce que ces populations étaient si affaiblies, et parce qu'il était difficile de les employer pour les travaux agricoles ou dans les mines, que les blancs ont fait venir des esclaves d'Afrique. Ce sont plusieurs millions de personnes qui ont été victimes de ce «commerce triangulaire» et ont ainsi profondément modifié la composition de la population américaine.

- la grande famine et l'émigration irlandaise vers le Nouveau-Monde

Autre facteur biologique, les famines. En Irlande, entre 1845 et 1851, une maladie, le mildiou, détruit les pommes de terre, qui constituent l'essentiel de l'alimentation des habitants de l'île. Des dizaines de milliers d'Irlandais meurent de faim et davantage encore de maladies que la famine aggrave.

Ils sont plus nombreux encore à émigrer vers l'Angleterre et surtout les États-Unis, encouragés par les lois du gouvernement britannique. Ce dernier restreint l'accès des paysans les plus pauvres aux mesures d'aide afin des les inciter à quitter l'île, considérée comme surpeuplée.

On estime que, sur trois Irlandais et Irlandaises nés en 1831, seulement un est décédé en Irlande ! Le phénomène s'alimente de lui-même car les premiers partis, avant laGrande Famine, en général des hommes (alors que durant la Famine des familles entières partent), envoient au total des millions de dollars à leurs familles restées au pays pour leur payer le voyage.

Les conditions de transport sont encore très dures : ce n'est que dans les décennies suivantes que les navires à moteur se généralisent, il faut six semaines pour traverser l'Atlantique, parfois plus lorsque les conditions défavorables. Durant la Grande Famine, on atteint parfois 9% de morts sur les navires !

Les immigrants s'installent le plus souvent à Boston et New-York, les grands ports d'arrivée. Ils y vivent dans des conditions très difficiles, avec des densités extrêmement élevées, dans des baraquements insalubres.

Sur les terrains qui forment aujourd'hui Central Park, certains squattent dans des huttes au milieu des cochons et des chiens, reconstituant ainsi une parcelle de leur île natale. Nombreux sont ceux qui reconstituent aussi les réseaux sociaux de leurs villages ou comté d'origine, et on compte de très nombreux mariages entre familles qui étaient voisines en Irlande.

Cette solidarité est aussi un moyen de faire face aux très difficiles conditions de vie. Les Irlandais sont en effet la cible de très nombreuses insultes et préjugés, souvent représentés comme des singes : on les accusait de tous les défauts, d'être paresseux, ivrognes, ignorants... De plus, ils sont catholiques (dans leur grande majorité), dans un pays protestant, et certaines organisations leur sont très hostiles, comme le «Know Nothing», groupe secret devenu une organisation publique qui lutte contre l'immigration catholique.

Plus tard, à la fin du XIXe siècle, le Ku Klux Klan s'en prend également aux catholiques. Socialement, les Irlandais souffrent de leur manque de qualifications : très peu d'entre eux sont des artisans qualifiés, contrairement aux Allemands par exemple, si bien qu'ils doivent se contenter des emplois les plus mal payés, qui offraient peu de possibilités d'ascension sociale. Ces difficultés sont surtout vraies dans la région de New-York et de Boston ; ailleurs, les opportunités de faire fortune étaient plus nombreuses, comme en Californie. La découverte de l'or entraîne durant ces années une transformation de la région et un développement rapide, qui permet à certains de s'enrichir.

En renforçant les solidarités entre Irlandais, ces difficultés contribuent à créer ce qui est souvent appelé le premier groupe ethnique aux États-Unis : jusque là, les immigrants, y compris irlandais, se fondent dans la population à la deuxième génération. Les Irlandais arrivés à la fin des années 1840 ou au début des années 1850 demeurent suffisamment entre eux pour donner naissance à une réelle culture américano-irlandaise, qui marque en profondeur toute la société américaine.

- la transition démographique

À partir du XVIIIe, mais surtout XIXe siècle en Europe, les progrès de l'hygiène et de la médecine font baisser le taux de mortalité : on vit plus longtemps. Le nombre de naissances ne diminue pas immédiatement, si bien que la population augmente beaucoup pendant quelques décennies, avant que le taux de natalité ne baisse à son tour.

On appelle cette période la «transition démographique» :
- phase initiale : population relativement stable, avec simultanément un fort taux de naissance et un fort taux de mortalité,
- phase intermédiaire : population en croissance rapide du fait de la diminution de la mortalité grâce aux progrès de l'hygiène et aux vaccinations ; la natalité demeurant élevée,
- phase finale : population à nouveau stable, mais avec simultanément un faible taux de naissance et un faible taux de mortalité.

Notons que la France n'a pas connu de réelle transition démographique à proprement parler, la natalité et la mortalité ayant baissé en même temps à partir de la fin du XVIIIe siècle. C'est une des raisons pour lesquelles il n'y a pas eu d'émigration massive depuis la France au XIXe siècle, contrairement à la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et d'autres pays.

Conclusion

Au XXe siècle, les deux guerres mondiales ont profondément bouleversé la démographie des pays européens.

Après la Seconde Guerre mondiale, le taux de natalité a de nouveau fortement augmenté, les familles ont eu beaucoup d'enfants (en moyenne près de trois par femme, soit davantage qu'en 2010, en Algérie ou en Iran) : c'est ce qu'on appelle le baby-boom. Il a duré jusqu'aux années 1960.

En 1964, l'indice de fécondité (nombre moyen d'enfants par femme) a commencé de décliner partout en Europe, en partie à cause de l'introduction d'une contraception efficace (la «pilule»). Il a chuté brusquement en 1973 pour des raisons qui restent inexpliquées.

Aujourd'hui, le nombre moyen d'enfants par Européenne se tient entre 1 et 2. Il est dans plusieurs pays, comme l'Allemagne ou l'Italie, très inférieur au niveau requis pour que soit assuré le renouvellement des générations (avec autant de naissances que de décès sur le long terme) de sorte que ces pays voient leur population diminuer. L'immigration vient compenser en partie ce phénomène.

À l'exception notable de l'Afrique subsaharienne et de quelques pays périphériques (Afghanistan...), la plupart des autres pays de la planète sont engagnés dans une baisse rapide de la fécondité et beaucoup, y compris le plus peuplé, la Chine, ont rattrapé les niveaux européens.

Yves Chenal
Publié ou mis à jour le : 2019-08-14 20:17:29

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net