L'exposition : «Crime et châtiment» se tient au musée d’Orsay (Paris). Jusqu’au 27 juin 2010, du mardi au dimanche de 9h30 à 18h et jusqu’à 21h45 le jeudi. Superbe et troublant.
Conçue par l’ancien ministre de la Justice Robert Badinter et l’académicien Jean Clair, cette exposition «concept» combine audacieusement œuvres d’art (Goya, David, Degas, Picasso, Giacometti, les surréalistes…) et objets («Unes» de journaux, porte de prison, guillotine…) pour évoquer le mélange de fascination et de répulsion que suscite le criminel dans la société et chez les artistes.
On y croise des figures mythiques de criminels, de Caïn à Landru, d’Œdipe à Charlotte Corday. L'ensemble est riche et dense, organisé autour de différents thèmes de réflexion. Toute une salle est par exemple consacrée au mythe de Marat et de sa meurtrière, avec le chef-d'oeuvre de Louis David (La mort de Marat).
Une guillotine authentique, voilée d'un drap noir, est exposée à l'entrée.
C'est la première fois qu'un tel objet est exposé dans un musée d’art, comme pour mieux attester du caractère obsolescent de la peine de mort...
L'effet est saisissant, amplifié par la citation de Victor Hugo qui la jouxte : «On peut avoir une certaine indifférence sur la peine de mort, ne point se prononcer, dire oui et non, tant qu’on n’a pas vu de ses yeux une guillotine».
Il n'est pas mauvais de rappeler que Victor Hugo s'engagea contre la peine de mort dès les années 1820.
Il n'avait encore pas 30 ans et chantait encore les louanges de la monarchie. Des conservateurs comme François Guizot l'accompagnaient dans son combat contre la peine de mort.
L’exposition du musée d'Orsay met en lumière le rôle de la presse de faits divers, qui alimente à partir du XIXe siècle la curiosité, voire le voyeurisme morbide du peuple...
Un voyeurisme dont le visiteur de cette exposition peut aussi se sentir coupable lorsqu’il contemple de véritables photos de criminels censées révéler leur prédisposition au meurtre ou à la débauche.
Ces documents sont exposées dans la section portant sur l’approche scientifique du crime qui prévaut à la fin du XIXe siècle.
Particulièrement troublant est le rapprochement entre la gracieuse petite danseuse d'Edgar Degas et les théories du psychiatre italien Cesare Lombroso, auteur en 1876 de L'homme criminel, un livre dans lequel il prétend associer les criminels à des traits physiques caractéristiques (ainsi le front fuyant de la danseuse de son contemporain Degas).
En marge de l'exposition du musée d'Orsay, notons la publication d'un intéressant Dictionnaire de la racaille (éditions Horay, 340 p., 19 €). Il s'agit de l'ouvrage d'un commissaire parisien du XIXe siècle, Adolphe Gronfier, retrouvé et présenté par Bruno Fuligni.
Pour en savoir plus, on peut lire une interview de Bruno Fuligni par Laurent Lemire.
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