Le journaliste Albert Londres a résumé son métier dans la formule : « Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ». En 1914, il a qualifié de « bourrage de crâne » la propagande autour de la guerre.
Le « flâneur salarié »
Albert Londres découvre la vie de bohème à Paris. À 22 ans, il a la douleur de perdre sa compagne et de rester seul avec une fillette de dix mois. Il se lance dans le journalisme et ne va plus s'arrêter. Entre 1919 et 1922, il passe les frontières de 24 pays !
Après les Dardanelles et la Russie, on le retrouve en 1922 au Japon puis en Chine où il sent venir l'heure des grands changements : « L'empire du Milieu est en ruine. Ne longez pas les murs, les tuiles tombent ». En Inde, il discute avec Gandhi de l'avenir du pays avant de faire un tour En auto à travers la Ruhr (1923). Il y rencontre des ouvriers allemands en grève dont il relaie les critiques contre une occupation française trop dure.
Son journal, Le Quotidien, le convoque alors pour lui rappeler qu'il a une ligne éditoriale à respecter. La réponse est entrée dans la légende : « Un reporter, monsieur, ne connaît qu'une ligne : celle du chemin de fer ». Il est immédiatement congédié.
« La responsabilité est sur nous »
Enfin libre ! Il en profite pour se rendre en Guyane à la rencontre des bagnards afin de rappeler le sort de ces hommes oubliés, victimes d'une « usine à malheurs » déshumanisante. Son enquête va entraîner l'assouplissement des conditions de détention des forçats.
Il enchaîne les reportages gênants, comme ceux consacrés aux pénitenciers militaires d'Afrique du Nord (1924) et aux asiles (1925) dont « les trois quarts […] sont préhistoriques ». Après une pause sur le Tour de France , c'est aux prostituées françaises d'Argentine qu'il va s'intéresser en dépeignant des conditions de vie misérables dans son livre à succès Le Chemin de Buenos Aires (1927).
L'année suivante, l'Afrique francophone l'accueille pour une enquête sur le projet du chemin de fer Congo-Océan, chantier sur lequel le taux de mortalité des ouvriers noirs dépasse les 20 %.
Le naufrage
Voyages et enquêtes s'enchaînent jusqu'à le mener de nouveau en Chine en janvier 1932. Il y multiplie les observations avant de rembarquer subitement pour la France en avril. « Quelle enquête je rapporte ! Énorme ! C'est de la dynamite ! » confie-t-il alors à un ami. Mais de cette enquête, on ne saura jamais rien : son navire, le Georges-Philippar, est victime d'un incendie au large d'Aden, la nuit du 16 mai 1932.
Vos réactions à cet article
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Erik Creemer (05-11-2023 11:41:55)
Il nous faut des hommes et des femmes courageux, avac une âme et une responsabilité!
Poil à gratter (26-05-2023 10:07:47)
Un journaliste comme on aimerait en voir plus souvent. « Notre métier est de dire la vérité ». Mais aujourd'hui comme hier, pour parodier Diogène, « Je cherche un journaliste ! »
Gabach (25-05-2022 05:54:08)
Certains journalistes "aux ordres "devraient s'inspirer du professionnalisme d'Albert Londres !