France-Mexique

«Je t'aime, moi non plus»

Dès les années qui suivent son indépendance, en 1821, le Mexique se trouve confronté de façon répétée à la France. Pourtant, depuis deux siècles, celle-ci jouit paradoxalement d'une image très favorable auprès des élites mexicaines.

Franck Robert
Arrogance gauloise

Dans l'anarchie qui secoue le Mexique après son indépendance, de nombreux commerçants étrangers sont victimes de violences. L'un d'eux, un pâtissier français, voit sa boutique saccagée, et en appelle à la mère patrie pour demander réparation. Saisissant ce prétexte, le roi Louis-Philippe 1er envoie en 1838 une escadrille de guerre bombarder le port de Veracruz ainsi que les ports de l'Atlantique.

L'opération dure plusieurs mois et s'achève avec le paiement par le Mexique de la somme de 600.000 pesos, exigée par la France à titre de dédommagement.

C'est sous le même prétexte, la protection des intérêts nationaux, que Napoléon III intervient au Mexique une nouvelle fois, entre 1861 et 1867. Les hostilités démarrent par une défaite française, devant Puebla, le 5 mai 1862. Cette bataille, remportée par les Mexicains contre l'une des armées les plus puissantes du monde, est encore aujourd'hui considérée comme l'un des événements les plus glorieux de l'histoire du Mexique. Dans le calendrier national, le 5 mai est un jour férié et chômé. Ce fait d'armes n'empêche pourtant pas les Français d'occuper le pays et d'installer à sa tête un empereur, Maximilien de Habsbourg.

En guise de consolation, la presse se fait l'écho en 1863 du ralliement de Victor Hugo à la cause des républicains mexicains contre «Napoléon le Petit». En 1866, ce dernier, menacé en Europe par la puissance prussienne, est contraint de rapatrier ses troupes. Abandonnée, Maximilien est fusillé l'année suivante.

Retour en grâce

La France quitte le Mexique mais ce n'est que pour mieux y rester. Après une période de turbulences, le général Porfirio Diaz, héros de la guerre contre les Français, accède à la présidence de la République en 1876. Il n'est chassé du pouvoir qu'en 1911, avec la Révolution mexicaine. Pendant cette longue période de stabilité, baptisée «Porfiriat», il mène une politique paradoxalement très francophile et accueille avec faveur les investissements français.

C'est ainsi que plusieurs centaines d'émigrants français originaires des Alpes de Haute-Provence - les «Barcelonnettes» - font fortune dans le pays. Aujourd'hui, leurs descendants sont à la tête des plus grandes entreprises textiles du pays. Parallèlement, les intellectuels français tels le positiviste Auguste Comte inspirent l'administration et le gouvernement du pays. De grands travaux sont lancés à Mexico, que le régime projette de modeler sur Paris. À preuve le Palais national des Beaux-Arts, qui s'inspire du style Art Nouveau, en vogue en France et en Europe.

Les sept décennies de règne du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) qui suivent la Révolution ne marquent pas de progrès notable dans les relations diplomatiques entre les deux pays. Toutefois, les artistes, intellectuels et universitaires français continuent de jouir au Mexique d'une excellente réputation. En 1938, le théoricien du surréalisme André Breton y fait un voyage remarqué et rencontre les peintres Frida Kahlo et Diego Rivera.

Les présidents des deux nations se montrent, quant à eux, soucieux d'afficher leur bonne entente. Le 28 mars 1964, Charles de Gaulle est ainsi le premier chef d'État étranger à prendre la parole depuis le balcon du Palacio nacional, sur la place centrale de Mexico. «Marchemos la mano en la mano, viva México !» (Marchons la main dans la main, vive le Mexique !), lance-t-il à la foule.
Le président Valéry Giscard d'Estaing effectue lui aussi une brève visite d'Etat au Mexique, en mars 1979, au cours de laquelle priorité est donnée à la coopération économique et énergétique.

Il faut attendre l'élection de François Mitterrand à la présidence, en 1981, pour voir à nouveau la France faire la Une des quotidiens mexicains. Le 20 octobre de cette même année, alors qu'il se prépare à assister à la conférence de Cancun sur le développement, il prononce à Mexico un discours qui fait date : se réclamant de la «France de Victor Hugo» contre celle de Napoléon III, il défend la solidarité Nord-Sud sur les questions de développement. Ses mots sont particulièrement bien accueillis par l'opinion et le régime mexicain.

La France, de son côté, se félicite de la transition démocratique de l'an 2000, qui voit la droite libérale arriver au pouvoir. Les relations franco-mexicaines, autrefois conflictuelles, se focalisent désormais sur la coopération économique... Jusqu'à l'affaire Cassez, première occurrence d'une tension diplomatique nette entre les deux États depuis la période troublée du XIXe siècle.

Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

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