22 octobre 2020. Qu'avons-nous raté pour qu'un professeur, dans un collège paisible, soit un jour d'octobre décapité de sang-froid par un « réfugié » ? Sans doute faut-il nous interroger sur notre politique migratoire. Sûrement aussi sur notre désamour de la France et de son histoire. Comment les immigrants et leurs enfants pourraient-ils aimer un pays que nous nous plaisons à dénigrer ?
Quand il a rendu hommage à Samuel Paty dans son discours de la Sorbonne, le 21 octobre, M. Macron n'a eu de cesse d'exalter la république. Il a prêté au professeur martyr l'idéal de « faire des républicains ». Mais ce n'est pas avec cela que l'on va faire rêver les millions de jeunes Français et immigrants en quête d'identité...
Qu'est-ce qu'une république aujourd'hui ? Un État dont le chef n'est pas un monarque héréditaire. Un point, c'est tout. La France mais aussi le Mali, l'Algérie, la Tchétchénie, la Corée du Nord, la Chine populaire... sont des républiques. La Suède, la Norvège, le Danemark, l'Angleterre, l'Espagne... sont des monarchies. Les monarchies, qui se font rares, sont pour la plupart plus démocratiques et plus attirantes que l'immense majorité des républiques. À tout prendre, dans l'échelle de la démocratie, une monarchie parlementaire vaut mieux qu'une république autocratique.
Ce n'est donc pas en invoquant notre régime politique à tout va que nous inculquerons aux jeunes Français et immigrants le « désir de vivre ensemble » (dans cette expression d'Ernest Renan, c'est le mot « désir » qui est le plus important) mais en transmettant l'amour de la France, de ses habitants, ses paysages, ses lettres et ses arts, son histoire et ses héros. Y sommes-nous encore disposés ?
Les enfants de l'immigration ont besoin plus que quiconque de s'approprier le passé et la culture de la France pour envisager d'y faire souche. Mais quel homme politique osera écrire à leur intention : « Ce qu'il y a, en moi, d'affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle » (Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, L'Appel, Plon, 1954) ?
Quel enseignant osera reprendre l'injonction d'Ernest Lavisse : « Enfant, tu dois aimer la France, parce que la Nature l'a faite belle, et parce que l'Histoire l'a faite grande »... Quel enseignant sera prêt à chanter Ma France avec ses élèves sans craindre de heurter les imams salafistes, les intellectuels de salon qui assimilent la France à un État raciste et pire que nazi, et les bourgeois qui vomissent les « gars qui fument des clopes et roulent au diesel » ?
Mieux connaître notre Histoire
Le coup d'envoi au désamour de la France a été donné par la loi Taubira de 2001. Cette loi truffée d'inepties et de contresens attribue aux seuls Européens le péché originel de l'esclavage. Elle fait fi de l'Histoire :
• L'esclavage est une réalité de tous les temps dont seule l'Europe occidentale a été exempte pendant près d'un millénaire,
• Les Européens sont à ce jour seuls à avoir milité pour l'abolition de l'esclavage,
• Le racisme anti-noirs est une invention de l'islam arabe reprise par les Étasuniens au XIXe siècle,
• Les États-Unis ont officialisé le racisme dès 1790 en réservant la citoyenneté aux free white persons (« personnes libres blanches »), à l'exclusion des noirs et des Amérindiens,
• La France, à la même époque, en 1790, a accordé la citoyenneté à tous ses enfants y compris les « libres de couleur » des colonies,
• Jusqu'à la fin du XXe siècle, les noirs ont bénéficié en France d'un statut plus avantageux que nulle part ailleurs (en 1969, il s'en est fallu de peu qu'un homme « de couleur », Gaston Monnerville, accède à l'Élysée)...
Cela n'empêche bien sûr que, hors d'Europe, des Français ont participé à l'esclavage et la traite, obligeant le gouvernement de Louis XIV, pas raciste pour un sou, à légiférer pour limiter l'arbitraire des planteurs dans les îles lointaines. Plus tard, Bonaparte a dû lui-même rétablir l'esclavage dans ces îles pour préserver la paix qu'il venait de signer avec les Anglais à Amiens... Tout cela pour rappeler que l'action politique nécessite des compromis douloureux que l'on peut être conduit à regretter plus tard. C'est ce que nous enseigne l'Histoire. C'est ce que nous essayons de transmettre sur Herodote.net.
Si l'enseignement de l'Histoire est nécessaire pour comprendre la nature humaine, ses ombres et ses lumières, la « mémoire » est quant à elle mortifère. Il y a 400 ans déjà, Henri IV l'avait compris quand, en signant l'Édit de Nantes pour mettre fin aux guerres de religion, il imposa l'amnistie générale, autrement dit l'« oubli », et énonça dans l'article I « Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées d'une part et d'autre (...) demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucunes cours ou juridictions que ce soit ».
Hélas, depuis la loi Taubira, chacun y va de son couplet pour accuser la France de tous les maux de la terre, y compris M. Macron qui, en déplacement en Algérie pendant la campagne présidentielle, en février 2017, osa affirmer à propos de la colonisation : « C'est un crime contre l'humanité. C'est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes. »
Un crime imaginaire
Loin de nous l'idée de justifier la colonisation de l'Afrique. Celle-ci fut une erreur de la gauche républicaine. Elle fut dénoncée comme une imbécillité par les économistes libéraux et une bonne partie de la droite traditionnelle. Elle donna lieu à des abus et des crimes comme toutes les entreprises humaines. Mais son niveau de violence n'eut rien de commun avec les conquêtes et colonisations ordinaires, depuis l'extermination des Khoisans par les Bantous jusqu'à la répression des Ouïghours par les Hans en passant par les guerres indiennes et l'oppression des Ottomans sur les peuples de leur empire.
À la différence aussi de la colonisation britannique ou de l'entreprise personnelle de Léopold II au Congo, cette colonisation de l'Afrique coûta cher à l'économie française ainsi que l'a montré l'historien Jacques Marseille. À l'exception de l'Algérie, occupée pour des raisons de politique intérieure, elle fut seulement conduite dans le désir d'augmenter le prestige de la France, de son gouvernement, de son armée et de son Église ; il s'agissait de faire oublier le Congrès de Vienne, Sedan, Trafalgar ainsi que les persécutions de 93.
Du ministre Jules Ferry à l'humanitaire Sophie Pétronin (l'otage du Mali libérée en octobre 2020), il y a encore chez les Français de gauche une parfaite continuité dans le désir de « civiliser les races inférieures » et enseigner aux Africains les bonnes pratiques de la modernité qu'ils seraient incapables d'acquérir par eux-mêmes.
On peut s'affliger de ce racisme plus ou moins bienveillant mais de là à qualifier la colonisation de « crime contre l'humanité » à l'égal de la Shoah, il y a un abîme d'indécence et l'on en perçoit aujourd'hui les conséquences dans la rage destructrice qui saisit toute une fraction de la jeunesse issue d'immigrants musulmans ou africains, qui n'a pas su ou n'a pas été incitée à s'assimiler par le travail et l'étude.
Le plus affligeant est le soutien que reçoivent ces jeunes de la part de militants et intellectuels mal inspirés par l'exemple étasunien. Leur dénonciation surréaliste du « racisme d'État », des « crimes du passé », de l'« islamophobie » ou des « discriminations » vient valider le « séparatisme » des « racisés ». Son résultat paradoxal est de renvoyer ces jeunes gens dans les ténèbres de l’ignorance, ainsi que l’avait perçu dès 2000 le romancier Philip Roth (note).
À force de vouloir détruire l’héritage occidental auquel nous sommes attachés et qui fait notre force, militants et intellectuels dits de la cancel culture (dico) en viennent à des théories sans fondement ni logique.
Cela se voit par exemple avec l'« écriture inclusive » qui voudrait nous convaincre que les Français sont sexistes en raison de la règle grammaticale qui fait primer le masculin sur le féminin ! C'est oublier que les femmes ont commencé de s'émanciper dans la chrétienté médiévale et que leur sort est plus enviable en France qu'en aucun pays extra-européen. C'est surtout faire oublier qu'il y a sur notre sol aujourd'hui des agissements autrement plus graves que le harcèlement dans les milieux branchés : obligation du voile, mariages forcés d'adolescentes, enfermement des femmes, mutilation des filles, etc.
Rama Yade, Sénégalaise devenue Secrétaire d'État sous la présidence Sarkozy, ne disait pas autre chose dans un entretien sur le site Atlantico en janvier 2015 : « Nos principes (...) ont permis de bâtir une nation parmi les plus admirées au monde, il est impératif que nous soyons fidèles à ces principes : la laïcité, l’égalité hommes-femmes. Ceux qui ne veulent pas y souscrire, même en étant français, sont libres de partir et de choisir des pays qui correspondent à leurs principes. » (c'était avant qu'elle ne rejoigne elle-même les milieux woke aux États-Unis !).
Il est temps de revenir aux fondamentaux de notre France et de notre démocratie. Si nous arrivons à ressouder la nation autour de son Histoire et de sa culture, alors nos enseignants pourront combler le besoin de tous les enfants d'aimer et d'être aimés. « Si le prof aime la France, ils aimeront la France. On ne peut transmettre que ce qu’on aime, écrit l'enseignant Jean-François Chemain (La Vie, 19 octobre 2020). Or, la honte de soi ne va pas leur faire aimer la France ». C'est là la clé du drame de Conflans-Sainte-Honorine.
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Voir les 15 commentaires sur cet article
ROMMES (19-10-2023 07:37:30)
Votre article m'a rempli de joie et me donne une raison supplémentaire d'être fier d'être français. Mais, Monsieur Larané, malgré toute l'admiration que j'ai pour votre personne, je vous reproch... Lire la suite
Andre H (19-10-2021 19:57:59)
Merci pour votre article si nécessaire actuellement
En effet l'histoire aide à vivre à comprendre le monde.
Merci encore
Plantigrade1 (21-11-2020 17:05:29)
Merci Monsieur Larane . Merci pour ce remarquable article . Lequel a le courage d'aller à contre courant de la " bien pensance " . Oui . AIMER LA FRANCE . Mon père disait souvent ( je sors cela... Lire la suite