02 juin 2017

Washington renie l'accord sur le climat comme en 1920 le traité de Versailles

Il a osé ! Le président Donald Trump a décidé le 2 juin 2017 de retirer son pays de l'Accord de Paris sur le climat.
Ce reniement n'est pas sans rappeler celui du Sénat américain le 19 mars 1920... Espérons que ses conséquences ne seront pas aussi tragiques !

Donald Trump avait assuré pendant sa campagne électorale qu'il retirerait les États-Unis de l'Accord sur le climat mais chacun espérait qu'il reviendrait sur cette promesse comme sur bien d'autres. Il n'en a rien été. Son annonce consterne les opinions publiques et les chancelleries car elle porte un coup dur au premier engagement planétaire contre le réchauffement climatique. 

L'accord avait été signé le 12 décembre 2015 par les représentants de 195 États au terme de la Conférence de Paris sur le Climat (COP21). Il était entré en vigueur le 4 novembre 2016. Si modeste fut-il dans ses ambitions et ses moyens, il avait le mérite d'exister. Sa répudiation par la première puissance du monde va décourager toute nouvelle initiative dans ce domaine pour de longues années.

C'est un recul qui vient au plus mauvais moment, alors que tous les indicateurs climatiques virent au rouge : dégel de la banquise et du permafrost sibérien, multiplication des accidents climatiques (ouragans, sécheresses, incendies...) etc. L'humanité pourrait avoir de multiples occasions dans le futur de maudire le reniement du gouvernement américain.

Un précédent qui devrait faire réfléchir Washington...

C'est l'occasion de rappeler un autre précédent. C'était le 19 mars 1920 et le Sénat américain avait été invité à ratifier le traité de paix de Versailles signé le 28 juin 1919 par tous les belligérants de la Grande Guerre.

Les États-Unis avaient attendu le 6 avril 1917 pour s'engager aux côtés des Alliés contre l'Allemagne. Fraîches et fringantes, leurs troupes étaient intervenues dans les combats à la toute fin de la guerre, assez pour que le président Thomas W. Wilson pilote les négociations de paix.

Idéaliste, il avait imposé le « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes », d'où le morcellement de l'Europe centrale. Réaliste, il avait aussi concédé des dérogations à ce principe : Allemands des Sudètes en Tchécoslovaquie, Hongrois de Transylvanie en Roumanie, corridor de Dantzig...

Pour préserver la paix mondiale envers et contre tout, il avait enfin souhaité dès janvier 1918 une organisation supranationale, la Société des Nations (SDN). L'idée était prometteuse sous réserve d'être soutenue par les États-Unis, devenus la première puissance mondiale à la faveur de la guerre...

À peine le traité de paix et le pacte de la Société des Nations sont-il signés que des fonctionnaires américains et européens se déplacent à Genève pour jeter les fondations de la SDN.

Pourtant, un autre obstacle reste à franchir : la ratification du traité par les Parlements nationaux. Elle ne fait pas de difficultés à Londres, Rome et même Paris. Mais elle s'annonce plus compliquée à Washington. La Constitution américaine exige que tous les traités internationaux soient votés à la majorité des deux tiers par le Congrès. 

Or, le président démocrate doit affronter l'hostilité du Sénat, où ses adversaires républicains ont la majorité. De retour chez lui, il se démène donc pour convaincre l'opinion publique du bien-fondé du traité et de la SDN et peser par son biais sur les débats du Sénat. Il parcourt en un mois 29 villes et prononce 37 discours ! Épuisé, il doit interrompre sa tournée dès le 2 octobre.  

Au Congrès, ses opposants du Parti républicain conduits par le sénateur Lodge relèvent la tête et réclament des amendements. Ils contestent en particulier l'article 10 du pacte de la Société des Nations qui fait obligation de protéger l'indépendance et l'intégrité territoriale des États membres. 

Pour Wilson, il est impensable de revenir sur un texte aussi difficilement négocié. Alors, plutôt que de laisser passer des amendements qui seraient rejetés par les autres États, il encourage quelques-uns de ses partisans à rejeter le texte. Il espère qu'à l'issue des élections présidentielles suivantes, son successeur, s'il est démocrate, pourra le faire enfin ratifier avec le soutien de l'opinion publique, favorable sans équivoque à la SDN.

Le texte est rejeté avec, au Sénat, seulement 38 voix pour, loin de la majorité requise des deux tiers (64 voix). Aux élections présidentielles de novembre 1920, c'est le républicain Warren G. Harding qui est élu. Plus question d'un nouveau vote sur le traité. Wilson se console le mois suivant avec le Prix Nobel de la Paix.

Le président Wilson devant le Congrès américain en 1919

Fatales conséquences

Le vote du Sénat surprend à moitié les Européens et Georges Clemenceau lui-même. Son journal L'Homme libre s'en était inquiété : « si l'Amérique trompait l'immense espoir du monde, le traité ne serait plus qu'un chiffon de papier » (note).

D'où la conclusion de l'historien Pierre Renouvin : « Le traité de Versailles est resté théoriquement en vigueur pendant vingt ans. Mais en fait, cinq mois après la signature, il avait déjà reçu le coup le plus rude ».

Quant à la SDN, privée des États-Unis et réduite aux seuls vainqueurs du conflit, elle allait d'emblée apparaître illégitime aux yeux des Allemands.

Pour ne rien arranger, les États-Unis allaient se montrer particulièrement inflexibles sur le remboursement par la France et la Grande-Bretagne des dettes de guerre conclues à leur égard, tout en militant pour un allègement des réparations dues par l'Allemagne à la France (et à la Belgique).

Autant de facteurs qui allaient nourrir le ressentiment des Allemands à l'égard de la France et encourager les revendications nationalistes et la montée du nazisme.

Souhaitons que le revirement américain sur l'Accord de Paris n'ait pas en matière climatique des conséquences aussi pénibles...

Joseph Savès

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