Grandes Découvertes

Vincent raconte le rôle des vents et des courants dans l'Histoire

Cette vidéo montre le grand impact des vents et des courants marins sur les explorations et le commerce international dans l’Histoire.

Comment les vents et les courants ont forgé l'Histoire du Monde?

La direction des vents et des courants peut se comprendre très simplement avec en premier lieu la force de Coriolis due à la rotation de la Terre et qui dévie les vents et courants vers la droite dans l’hémisphère nord et vers la gauche dans l’hémisphère sud.

Cette force de Coriolis crée naturellement des cellules qui génèrent les vents d’ouest sous nos latitudes tempérées et, sous les tropiques, les vents d’est qu’on appelle les alizés (de l'expression portugaise « ventos lissios »vents réguliers). Cette force de Coriolis crée aussi des courants dirigés vers l’équateur au niveau des côtes occidentales, et vers les pôles au niveau des côtes orientales.

La continentalité constitue une autre contrainte forte. Au cœur de l’Eurasie, l’air, très froid en hiver à cause du climat continental, tombe près du sol, ce qui crée de hautes pressions, autrement dit un anticyclone, qui va repousser les vents vers la mer. En été, au contraire, l’air est particulièrement chaud au sud de l’Eurasie : les masses d’air remontent, ce qui crée une zone de basses pressions, autrement dit une dépression, qui va attirer les vents depuis la mer. C’est l’origine du régime de moussons, particulièrement vigoureux dans l’Océan Indien. Les vents concernés sont assez forts pour emporter les courants marins avec eux.

Cette carte planétaire des vents et des courants a dicté les grandes navigations au temps de la marine à voile. 

Commençons par l’Atlantique. Du nord au sud, on voit que le Canada est pratiquement inatteignable depuis l’Europe, à moins d’emprunter une route extrêmement septentrionale qui part du nord de l’Écosse ou de la Norvège. Elle mène en Islande, puis au Groenland, puis dans le Labrador, et enfin jusqu’à Terre-Neuve qui est le point le plus méridional accessible par cette route. C’est la voie prise par les Vikings qui ont découvert successivement toutes ces régions entre les IXe et XIe siècles.

Depuis la France et l’Angleterre, le Canada est accessible en faisant ce grand détour, ou bien de façon plus directe par vent de travers. En revanche, depuis la péninsule ibérique, il est inatteignable. Il ne faut donc pas s'étonner que la colonisation du Canada ait été l’œuvre des Franco-Britanniques à partir du XVIe siècle.

Passons plus au sud. Les vents mènent d’abord à Madère et aux Canaries, puis jusqu’aux îles du Cap-Vert, ce qui correspond aux premières découvertes de l’Espagne et du Portugal. Mais le retour implique une grande boucle qui passe par les Açores. C’est cet itinéraire qui explique la découverte précoce de cet archipel par le Portugal.

Encore mieux, on peut aussi se laisser porter par les vents et les courants dominants pour faire une boucle encore plus colossale. Elle mène directement vers les Antilles, qui furent découvertes et colonisées en premier par les Espagnols. Les côtes voisines du continent sont également très faciles d’accès. Le retour se fait naturellement par un itinéraire plus septentrional.

Dans l'exploration de la côte africaine, les Portugais furent servis par un phénomène météorologique très particulier : la vuelta (ou volte), assimilable à une ronde des vents. Pour descendre vers le sud, il était facile aux marins de se laisser porter par les vents alizés qui soufflent dans cette région du nord-est vers le sud-ouest. Le retour vent de face paraissait autrement plus difficile... Mais des marins racontèrent sous le sceau du secret que, pris dans de terribles tempêtes au large de l'Afrique, ils avaient été déportés au milieu de l'Atlantique et là, avaient tout d'un coup rencontré des vents favorables qui les avaient ramenés vers l'Europe. Ainsi fut découvert le phénomène de la vuelta par lequel les alizés se retournent vers le nord-est au milieu de l'Atlantique sud et se transforment en vents d'ouest. Grâce à lui, les Portugais purent dès lors entreprendre sans trop de crainte l'exploration du littoral africain. Plus tard, c'est grâce au même phénomène que Christophe Colomb put atteindre les Antilles, via les Canaries, et surtout en revenir.

Les navires du roi éclairé Dom João II du Portugal sont arrivés ici, inscription de Diogo Cão sur la pierre de Ielala, à Matadi, Congo

Les courants permettent également d’atteindre la côte est des États-Unis, mais les Espagnols avaient déjà tellement à faire plus au sud qu’ils n’étaient pas motivés pour entreprendre sa colonisation. Ce sont finalement les Français et les Britanniques qui ont profité du vide : les premiers en empruntant l’itinéraire canadien, les seconds par la voie du sud. Pour optimiser leurs temps de trajet et profiter de la vuelta, on voit que les Européens étaient amenés à longer l’Afrique occidentale. Une aubaine puisque ça permettait de se procurer des esclaves au passage pour travailler dans les plantations américaines ! Le commerce triangulaire est une conséquence directe des vents et des courants.

Continuons dans l’Atlantique Sud. S’il est possible de gagner le golfe de Guinée sans trop de mal, cela se complique dans l’hémisphère sud : pour gagner l’Afrique Australe, il vaut mieux faire une grande boucle vers l'ouest avant d’obliquer plein est vers la région du Cap. Tel fut l’itinéraire de Vasco de Gama dès 1498 pour gagner l’Inde. Après lui, dès l’expédition suivante, Cabral  prendra la même route mais sera déporté un peu plus vers l'ouest du fait d'une tempête et cela lui vaudra de mettre le pied au Brésil. La découverte du Brésil par les Portugais découle paradoxalement de leur volonté d’aller vers l’est.

Pour rentrer à la maison, il vaut mieux longer les côtes de l’Angola avant de prendre vers l’ouest en direction du Brésil. De fait, l’Angola va devenir un grand réservoir de main d’œuvre pour les plantations brésiliennes. On voit que l’Atlantique sud favorise un commerce en « 8 » plutôt qu’un commerce triangulaire.

Dans l’hémisphère sud, les vents et les courants mènent jusqu’au Rio de la Plata. Au-delà, c’est beaucoup plus compliqué : Magellan a d’ailleurs connu une mutinerie en voulant franchir cet obstacle en 1520. Par contraste, l’océan suivant lui semblera plus pacifique grâce aux courants porteurs... d'où le nom que lui donnera le grand navigateur.

Jonque chinoise traditionnelle, utilisée pour les voyages commerciaux océaniques depuis l'époque médiévale, musée maritime national, Greenwich, Londres.

Passons maintenant dans l’Océan Indien. Le régime des moussons implique de programmer les navigations sur deux saisons suivant le sens du vent, en juillet pour gagner les Indes et en janvier pour en revenir. L’inversion des vents et des courants permet ainsi de réaliser des allers-retours en empruntant le même itinéraire à six mois d’intervalle : c’est un atout unique qui crée un réseau optimal de navigation à grande échelle. Il est resté le plus grand réseau commercial maritime pendant la majeure partie de l’Histoire du Monde.

Un modèle de l'une des flottes utilisées par le marin et explorateur, l'amiral Zheng He, sous les auspices de l'empereur Yongle de la dynastie Ming, musée culturel Cheng Ho, Melaka, Malaisie.Les itinéraires du Chinois Zheng He, réalisés dans les années 1410, épousent parfaitement cet ensemble, à une exception près : la Papouasie et le nord de l’Australie ne faisaient pas partie du réseau malgré des courants tout aussi favorables.

Plus au sud, l’océan Indien offre un régime de courants beaucoup plus stable du fait de l’éloignement de l’Eurasie. Le circuit est comparable à celui de l’Atlantique sud, mais il n’a jamais été vraiment utilisé. On peut tout de même citer la découverte et la colonisation de Madagascar par les Austronésiens qui ont pu profiter de courants favorables.

Il reste à terminer par l’océan Pacifique, tellement immense qu’il a joué un faible rôle dans les échanges jusqu’à une époque récente. On y retrouve deux cellules naturelles : celle du nord permet de rallier facilement le Canada depuis le Japon avant d’en revenir en longeant les Aléoutiennes. Celle du sud permet de connecter l’Amérique du sud à l’Océanie.

Il reste une grande question : comment les Austronésiens sont-ils parvenus à coloniser la Polynésie et l’île de Pâques alors que les vents et les courants semblent contraires ? Ils ont peut-être profité du phénomène El Nino, une anomalie qui inverse les courants dominants du Pacifique sud certaines années. Cela n’enlève rien à leur exploit remarquable.

Vincent Boqueho
Publié ou mis à jour le : 2023-09-19 20:20:13
Jfti (03-10-2023 19:00:43)

Concernant l'Océan Indien, je ne vois pas mentionnée la route plein Est (à hauteur des 40ème rugissants, "découverte" par les Hollandais au tout début du 17ème siècle, et qui conditionne d'une... Lire la suite

Jfti (24-09-2023 18:20:02)

Concernant l'Océan Indien, je ne vois pas mentionnée la route plein Est (à hauteur des 40ème rugissants, "découverte" par les Hollandais au tout début du 17ème siècle, et qui conditionne d'une... Lire la suite

Jfti (24-09-2023 18:14:42)

Pour les austronésiens, il y a aussi le facteur temps : la colonisation du Pacifique leur a pris 2 000 ans.

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