La Normandie est née à l'automne 911 suite à la cession à un chef viking des terres situées entre la rivière Epte (à l'Ouest de Paris) et la Manche. Elle joua trois siècles durant un rôle majeur sur la scène européenne.
De leurs ancêtres Vikings, les Normands conservèrent en effet l’esprit d’aventure qui les poussa à traverser la Manche et s’emparer de l’Angleterre mais aussi à fonder un royaume en Sicile et plus tard à explorer le Nouveau Monde.
Ils représentèrent pour les rois de France un péril mortel jusqu’au moment où Philippe Auguste réussit à les soumettre. La Normandie rentra alors dans le rang tout en conservant son génie propre. Elle a donné à la langue française quelques-uns de ses meilleurs représentants et contribue encore puissamment à l’identité nationale...
Dans la nuit des temps
Les plus anciennes traces de passage humain relevées sur le territoire de la future Normandie remontent à environ 400 000 ans, mais il nous faut attendre le Néolithique (il y a 7 000) pour trouver des indices de peuplements sédentaires, villages ou habitats isolés.
On y travaille le bronze à partir de 2300 av. J.-C., et le fer à compter de 800 av. J.-C., période qui coïncide avec l’arrivée des premiers Celtes. Lorsque débute la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.), une dizaine de peuples celtes se partagent la région.
Après avoir durement lutté contre l’envahisseur, ces peuples finissent par se soumettre à l’autorité de Rome et adoptent le mode de vie de leurs conquérants. De grandes entités urbaines voient le jour, à l’image de Rotomagus (Rouen) ou de Iuliobona (Lillebonne).
Au IVe siècle apr. J.-C., le christianisme se répand dans la future Normandie comme dans tout l’Empire. Les habitants des villes se donnent des évêques. Sous les rois francs, Mérovingiens et premiers Carolingiens, s’effectue l’évangélisation des campagnes et bientôt naissent de prestigieux monastères, comme Jumièges ou Fontenelle (aujourd'hui Saint-Wandrille).
Des Vikings aux Plantagenêt
Vers 800, on jouit d’une véritable paix le long des rives de la Manche ou dans la vallée de la Seine. Mais à partir de 841 cependant, les Vikings lancent une succession de raids auxquels les souverains carolingiens sont incapables de s’opposer, malgré quelques vaines et faibles tentatives de résistance.
En 911, à Saint-Clair-sur-Epte, Charles le Simple, descendant de Charlemagne, concède au chef viking Rollon les terres situées de « l’Epte jusqu’à la mer », soit à peu près les départements de l’Eure et de la Seine-Maritime actuels. En contrepartie, le Scandinave s’engage à empêcher ses compatriotes de remonter jusqu’à Paris ; il accepte en outre de se convertir au christianisme. La Normandie (littéralement « la terre des hommes du Nord ») est née. Cette Normandie embryonnaire s’étend en 924 (pour simplifier de l’Orne et du Calvados), puis en 933 (du département de la Manche).
En théorie vassaux des rois de France, les premiers ducs de Normandie ne cessent d’affirmer leur indépendance dans un monde féodal en plein bouillonnement. Autour de l’an mille, ils sont à la tête d’un État remarquablement bien administré, prospère et craint par ses voisins.
En s’appuyant sur cette puissance, le duc Guillaume de Normandie traverse la Manche à l’automne 1066 et s’empare du trône d’Angleterre dans la foulée de la bataille de Hastings (14 octobre 1066). Il bouleverse ainsi les équilibres géopolitiques dans l’Europe du Nord-Ouest. Débutent alors près de 150 ans de guerres incessantes entre ducs-rois anglo-normands et souverains français. La lutte atteint son point culminant avec la formation, sous le règne d’Henri II (1150-1189 pour la Normandie), de ce que les historiens nomment volontiers « l’Empire plantagenêt ».
Aux comtés d’Anjou et de Maine et au duché de Normandie viennent bientôt s’ajouter le duché d’Aquitaine et une partie de l’Auvergne (par le mariage d'Henri Plantagenêt avec la belle Aliénor d'Aquitaine en 1152), l’Angleterre (par dévolution du roi Étienne, sans héritier direct, en 1154), la Bretagne (à partir de 1166), sans parler d’une mainmise progressive sur l’Irlande. Face à ce colossal ensemble territorial s’étendant des Pyrénées à l’Écosse, les Capétiens ne peuvent opposer que les ressources de leur petit domaine royal, s’étirant péniblement de Bourges à Senlis.
Affaires anglaises, encore et toujours…
Et pourtant, comme dans la Bible, c’est David qui finit par s’imposer contre Goliath. Profitant de la faiblesse de Jean sans Terre, dernier fils d’Henri II Plantagenêt et unique héritier de tout « l’empire », Philippe Auguste prend les armes et conquiert la Normandie en 1203-1204. Voici les domaines autrefois concédés à Rollon et ses successeurs solidement arrimés à la couronne de France, tout en conservant leurs spécificités, notamment linguistiques et coutumières.
Grâce à sa situation géographique particulière, au carrefour de nombreuses routes commerciales terrestres et maritimes, la belle province continue de prospérer sous le sceptre capétien, jusqu’à la guerre de Cent Ans.
Si ce sont bien les Normands qui ont d’abord conquis l’Angleterre, voici maintenant les Anglais qui rêvent à leur tour de conquérir la Normandie, et accessoirement d’occuper le trône de France. Le premier pari est réussi par Henry V, qui s’empare de Rouen en janvier 1419. Il faudra attendre 1450 et la bataille de Formigny (Calvados), pour voir les armées du roi Charles VII renvoyer définitivement les Britanniques dans leur île.
Louis XI enfin brise solennellement l'anneau ducal pour signifier le rattachement définitif de la Normandie au domaine royal.
Française !
Les tensions avec l’Angleterre resteront toutefois une constante de l’Histoire jusqu’à la fin de l’époque napoléonienne. Que cela soit durant les guerres de Religion, la guerre de Sept Ans ou les guerres de la Révolution et de l’Empire (liste non exhaustive), la Normandie se retrouve chaque fois en première ligne ; les villes portuaires notamment, comme Le Havre ou Dieppe, subissent bien des vicissitudes.
Au cours du XIXe siècle, les alliances se retournent lentement et les ennemis héréditaires d’hier se transforment en amis fidèles, quand la menace vient dorénavant de l’Est. Français et Anglais combattent côte à côte durant la Première Guerre mondiale, et ce sont bien les Britanniques et leurs alliés américains qui délivrent le sol national de l’occupation nazie. Toujours en passant par… la Normandie !
Sur le monument aux libérateurs de Bayeux, juste en face du cimetière du Commonwealth, on peut lire cette inscription rappelant le lien particulier unissant les deux rives de la Manche : « Nos a Gulielmo victi victoris patriam liberavimus » (Nous, vaincus par Guillaume, avons libéré la patrie de notre vainqueur).
Dieppe la valeureuse
Vos réactions à cet article
Recommander cet article
Herbeto (11-07-2021 12:19:00)
Continuez c'est si bien