Sport et culture

Une nouvelle discipline... artistique

À l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques, les musées parisiens rivalisent de créativité autour du thème du sport. De multiples expositions abordent ce sujet sous différents angles, allant des enjeux de la représentation artistique du mouvement jusqu’aux conséquences de l’évolution des pratiques sportives sur le design et la mode.

Mathilde Dillmann

Rembrandt Harmenszoon van Rijn, Académie d?un homme assis à terre, 1646, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais. Agrandissement : Jacques Perrin, Le Botteleur, 1886, Plâtre. Dépôt de la Conservation des oeuvres d?art religieuses et civiles (COARC). Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais.

Le mouvement dans l’art, de l’Antiquité au début du XXe siècle

Le Petit Palais - Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris présente jusqu’au 17 novembre 2024 un accrochage intitulé « Le Corps en mouvement ». Ce parcours au cœur des collections du musée mène de l’Antiquité grecque aux Jeux Olympiques de Paris de 1924.

Campanie, Statuette de discobole, vers -490, Bronze, Capoue. Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais.Une sélection de 50 œuvres d’une grande diversité (peintures, dessins, estampes sculptures, porcelaines, tapisseries,…) montre autant de tentatives pour rendre le mouvement dans l’art. Certaines ont été spécialement sorties des réserves du musée, à l’image d’une magnifique eau-forte de Rembrandt.

Entre gestes figés et tensions dynamiques, les artistes parviennent à insuffler la vie à leurs créations, donnant parfois même l’impression d’un temps suspendu. Une statuette grecque en bronze, datée du Ve siècle avant notre ère, présente un discobole dans le déséquilibre d’un corps en torsion, au moment précis de commencer à tourner avant de se tendre pour lancer le disque.

François-Rupert Carabin, La Belle Otéro, entre 1898 et 1900, Bronze, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais. Agrandissement : Maurice Charpentier-Mio, Croquis de gestes dansés d?Isadora Duncan, 1911, Bronze, © Paris Musées / Petit Palais.

- Danse et natation

Art du mouvement par excellence, la danse a beaucoup inspiré les artistes, en particulier à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, lorsque Loïe Füller et Isadora Duncan s’affranchissent des règles du ballet classique pour créer de nouvelles manières de s’exprimer par la danse.

Jean-Baptiste Carpeaux, Les Trois Grâces, 1874. Terre cuite patinée, Petit Palais © Paris Musées / Petit Palais. Agrandissement : Serge Youriévitch, La Danseuse Sacha Lyo, 1932-1933, Plâtre. Dépôt de la Conservation des ?uvres d?art religieuses et civiles (COARC) © Paris Musées / Petit Palais.Les Croquis de gestes dansés d’Isadora Duncan transcrivent, en une sorte de vision décomposée, les inventions de la danseuse américaine qui chercha à retrouver la vérité originelle de l’art de la danse en s’inspirant de la Grèce antique.

De la ronde sensuelle et tourbillonnante des Trois Grâces de Carpeaux au spectaculaire grand écart vertical de La Danseuse Sacha Lyo représentée par Serge Youriévitch, les sculpteurs parviennent à magnifier à la fois l’élan des corps et l’élégance des mouvements des danseuses.

La natation est aussi particulièrement à l’honneur. Le Nageur d’Augustin Rouart transcrit l’effort et la rapidité d’un nageur, à l’instant où il tourne la tête pour respirer. Grand amateur de crawl, l’artiste choisit de figurer ce court moment de manière très technique, tout en représentant les vagues et l’eau de façon stylisée, à la manière des estampes japonaises.

Augustin Rouart, Le Nageur, 1943, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Paris Musées / Petit Palais.

- Des vases de Sèvres comme trophées

Émile Bracquemond (céramiste) et Octave Guillonnet (auteur du modèle), Vase, 1924. © Paris Musées / Petit Palais. Agrandissement : Charline Picon, voile / deux Vases (1924) d?Émile Bracquemond et Octave Guillonnet, dans le cadre de l?exposition Le Corps en mouvement au Petit Palais. Photo © Paris Musées / Petit Palais / Laurent Julliand.Remis aux athlètes lors des Jeux Olympiques de Paris de 1924, de magnifiques vases en porcelaine de Sèvres, créés par Émile Bracquemond et Octave Guillonnet, sont symboliquement ornés de lauriers dorés qui se détachent sur un fond bleu.

Ils comportent des médaillons illustrant les épreuves des Jeux en mettant en valeur le dynamisme des sportifs : polo, escrime, pelote basque, agrès, natation, football, aviron et rugby.

Les « Paroles des Athlètes » sont également partie prenante de cette exposition. À travers 12 vidéos, des sportifs de haut niveau analysent la représentation du mouvement dans les œuvres, et comparent la recherche du geste parfait dans le sport et dans l’art.

Louis Gossin, Le Dénicheur d?aigles, 1890, Plâtre. Dépôt de la Conservation des oeuvres d?art religieuses et civiles (COARC). © Paris Musées / Petit Palais. Agrandissement : Romain Valadier, judo / Le Dénicheur d?aigle (1890) de Louis Gossin, dans le cadre de l?exposition Le Corps en mouvement au Petit Palais. Photo © Paris Musées / Petit Palais / Laurent Julliand.

Représenter le sport au tournant du XIXe et du XXe siècle

Au musée Marmottan Monet, l’exposition « En jeu ! Les artistes et le sport. 1870-1930 » (jusqu’au 1er septembre 2024) souligne l’importance de ces décennies marquées par une progressive démocratisation du sport en Europe.

Suivant le modèle anglais, les jeux et exercices sportifs, autrefois réservés à une élite, en viennent peu à peu à être pratiqués par toutes les classes sociales. Le mouvement hygiéniste promeut ces nouvelles activités physiques, qui sont dotées de valeurs morales, comme l’esprit d’équipe, le fair-play, le respect de l’autre, le goût de l’effort, l’abnégation…

Edgar Degas, Course de gentlemen, Avant le départ, 1862, Paris, musée d?Orsay, Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d?Orsay) / Adrien Didierjean. Agrandissement : Alfred SISLEY, Les régates à Molesey, 1874, Paris, musée d?Orsay, Photo © RMN-Grand Palais (musée d?Orsay) / Hervé Lewandowski.

Le développement du sport fournit également de nouveaux sujets aux artistes. Dès les années 1870, les impressionnistes s’intéressent à la modernité de ces thèmes. Degas se passionne pour la représentation des danseuses de l’Opéra, mais aussi des courses hippiques. Durant son séjour au Royaume-Uni, Sisley s’intéresse aux traditionnelles compétitions d’aviron sur la Tamise et cherche à rendre la vitesse des embarcations, l’enthousiasme des spectateurs, et surtout la puissance du vent qui fait vibrer toute la scène dans Les régates à Molesey.

Frits Thaulow, Hiver en Norvège, 1886, Paris, musée d?Orsay, Photo (C) RMN-Grand Palais (musée d?Orsay) / Hervé Lewandowski. Agrandissement : Claude Monet, Les Patineurs à Giverny, 1899, Postdam, collection Hasso Plattner, © Hasso Planer Collection.

Ce lien entre le sport et la nature est magnifié par Monet avec Les Patineurs à Giverny : les frêles silhouettes semblent un prétexte à une symphonie chromatique dans laquelle le peintre multiplie les jeux de lumière créés par la réflexion du soleil hivernal sur la glace.

À l’inverse, d’autres artistes s’attachent à représenter les sportifs de la manière la plus fidèle et la plus réaliste possible. Les peintres, Thomas Eakins et Ferdinand Gueldry, passionnés d’aviron, multiplièrent les représentations de ce sport qu’ils pratiquaient, et transcrivent avec une grande exactitude les gestes des rameurs.

Thomas Eakins, The Biglin Brothers Racing, 1872, Washington, National Gallery of Art, don de Monsieur et Madame Cornelius Vanderbilt Whitney  © Washington, National Gallery of Art. Agrandissement : Ferdinand Gueldry, Match annuel entre la Société Nautique de la Marne et le Rowing Club, 1883,  © musée intercommunal de Nogent-sur-Marne.

Clémentine-Hélène Dufau, Partie de pelote basque, 1903, Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 1-AFF-002456. Agrandissement : Jules Abel Faivre, Sports d?hiver, Chamonix (Mont-Blanc), 1905, Nice, collections du musée national du Sport © Museée national du Sport.Au début du XXe siècle, le fauvisme, puis le cubisme, trouvent leur inspiration dans des scènes sportives. Kees van Dongen avec La Course souligne l’intensité de la scène par l’éclat des couleurs et l’élongation des corps des chevaux et des jockeys.

André Lhote transcrit par des jeux de couleurs et de formes le dynamisme des joueurs, sans se soucier de rendre le sport bien identifiable, ce qui vaut au tableau deux titres contradictoires : Partie de rugby ou Les Foot-Ballers.

Parallèlement, le sport devient un thème très important dans l’art de l’affiche, depuis les créations de Toulouse-Lautrec. Quelques exemples du début du XXe siècle comme la Partie de pelote basque de Jules par Clémentine-Hélène Dufau et Sports d’hiver, Chamonix (Mont-Blanc) par Abel Faivre présentent une vision idéalisée du sport et des sportifs, destinée à séduire un large public.

Kees Van Dongen, La Course, 1904, Toulouse, Fondation Bemberg, Photo © RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau, © ADAGP, Paris 2024. Agrandissement : André Lhote, Partie de rugby ou les Foot-Ballers, 1re moitie? du xxe sie?cle, peut-e?tre en (1937 ?), Saint-Quentin, muse?e des Beaux-Arts Antoine Le?cuyer © muse?e Antoine Lecuyer, Saint-Quentin, © ADAGP, Paris 2024.

Le design autour du sport

Avec l’exposition « Match. Design et sport - une histoire tournée vers le futur » qui se tient jusqu’au 11 août 2024, le musée du Luxembourg s’intéresse au développement du design dans le contexte sportif.

Vélo en bambou, Bamboo Bicycle Club Team. Agrandissement : Hermès, Selle Faubourg, selle de saut d'obstacles, 2023 © Hermes.Cent soixante objets montrent la diversité des créations conçues pour améliorer les performances des athlètes. La qualité des moindres détails les rapprochent des produits de luxe, en particulier pour les selles réalisées par la maison Hermès.

Depuis la fin du XIXe siècle, les innovations dans le domaine de l’équipement sportif sont innombrables, de l’ajout des crampons aux chaussures de football jusqu’aux combinaisons de natation Speedo LZR Racer qui augmentèrent à tel point la rapidité des nageurs lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2008 qu’elles furent interdites dès l’année suivante par la Fédération internationale de natation.

Ballon pour personnes aveugles ou malvoyantes, Sport Thieme, 2021 © Sport Thieme. Agrandissement : Fauteuil roulant paralympique Rugby © ottobock.Spécialement conçus pour les athlètes paralympiques, des prothèses et des fauteuils roulants, à la fois légers et résistants, font l’objet de véritables prouesses techniques grâce à des matériaux de haute technologie, comme l’aluminium aéronautique ou le plastique renforcé de fibres de carbone.

L’exposition étudie aussi le design à l’œuvre à toutes les échelles pour les Jeux Olympiques, de la stylisation des motifs sur les logos et pictogrammes jusqu’à la conception des espaces sportifs, du grandiose stade panathénaïque en marbre d’Athènes jusqu’aux formes organiques du parc olympique réalisé à Munich en 1972.

Jacques-Émile Blanche, Mademoiselle Meuriot, sur son poney, 1889, © Paris Musées / Petit Palais. Agrandissement : Éventail publicitaire Parfumeur Piver, Jeux olympiques, 1924 Parfumeur Piver Advertising fan, Olympic Games, 1924 © Palais Galliera / Paris Musées.

La mode et le sport

L’exposition « La mode en mouvement » proposée jusqu’au 5 janvier 2025 au Palais Galliera présente une histoire de la mode, du XVIIIe siècle à nos jours, à travers le thème du sport.

Tenue d?amazone, vers 1893, © Palais Galliera / Paris Musées. Agrandissement : Maronnaud - G. Talon, tenue d?équitation, veste et jodhpurs, 1946, © Palais Galliera / Paris Musées. Elle montre à travers 250 tenues et accessoires (chapeaux, chaussures, gants,…) comment le développement des pratiques sportives a entraîné une évolution des vêtements au fil des siècles.

L’apparition de nouveaux sports à la fin du XIXe et au début du XXe siècle (cyclisme, tennis, golf, ski,…) entraîne une adaptation des vêtements, en particulier féminins, qui s’inspirent de plus en plus du vestiaire masculin.

Les élégantes amazones, qui pratiquaient l’équitation, vêtues d’une robe ample, ou bien d’une veste et d’une jupe longue (recouvrant un pantalon boutonné aux chevilles) au XIXe siècle, sont de plus en plus nombreuses à monter à califourchon à partir des années 1910, en portant des jodhpurs (pantalon bouffant dont l’extrémité est resserrée pour entrer facilement dans les bottes) importés des Indes par les officiers anglais à la fin du XIXe siècle.

Tenue de cycliste, vers 1900, © Palais Galliera / Paris Musées. Agrandissement : Léon-François Comerre, Bicyclette au Vésinet, 1903, © Paris Musées / Petit Palais.De même, la pratique de la bicyclette, de plus en plus répandue dès la fin du XIXe siècle, encourage les femmes à porter des pantalons ou de larges culottes bouffantes. Le développement de la conduite automobile au début du XXe siècle donne également lieu à une tenue spéciale.

Hommes et femmes revêtent des cache-poussière en toile de lin ou de coton, ou d’épais manteaux de fourrure pour se protéger du froid, portent des casquettes ou des chapeaux pourvus de voiles, et se protègent le visage avec de grandes lunettes, ou même des masques.

Avec le développement du tennis et du golf, de nouvelles matières sont de plus en plus appréciées pour leur étanchéité, leur chaleur ou leur confort… au point de faire également leur apparition dans les tenues de ville.

Collet pour le golf, vers 1898 Golf capelet, circa 1898 © Palais Galliera / Paris Musées. Agrandissement : Tenue de tennis, corsage et jupe, 1900-1905 Tennis outfit, blouse and skirt, 1900-1905 © Palais Galliera / Paris Musées.Le tweed, venu du Royaume-Uni, connaît un grand succès. La tenue de golf masculine est même adoptée au quotidien par certains élégants à la place du costume de ville.

Le jersey, qui était auparavant réservé à la bonneterie, devient à la mode grâce à Gabrielle Chanel. Dans les années 1920, « l’ensemble sport » féminin, souple et confortable, composé d’une jupe et d’un sweater en maille, fait fureur.

Il s’inspire des tenues des championnes de tennis, et en particulier de Suzanne Lenglen qui s’affranchit des traditionnelles jupes longues au profit de robes plus courtes qui lui donnent plus de liberté de mouvement. Ses tenues créées par Jean Patou donnent le ton et deviennent l’emblème d’une mode simple et pratique.

Ensemble de plage Grès, haute couture PE, 1967, © Palais Galliera / Paris Musées. Agrandissement : Maillot de bain Azzaro, prêt-à-porter, vers 1975,  © Palais Galliera / Paris Musées.Dans ces mêmes années, l’apparition du maillot de bain remplace les amples costumes de bain du XIXe siècle et entraîne un nouveau rapport au corps, entretenu par les multiples magazines de mode.

Le lien entre sport et haute couture se poursuit tout au long du XXe siècle qui voit le vêtement de sport de plus en plus porté dans la vie quotidienne. Les grandes marques, du luxe et du sport, élaborent des collaborations, comme Gucci et Adidas, les chaussures de sport passant du statut d’équipement technique à celui d’accessoire de mode.

Publié ou mis à jour le : 2024-06-27 19:11:30

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