Vaste territoire à cheval sur le Sahara, la savane sahélienne et la forêt, le Tchad a été colonisé par les Français en 1900. Il est devenu indépendant soixante ans plus tard, le 11 août 1960.
Avec 16 millions d'habitants (2021) sur 1,2 millions de km2 essentiellement désertiques, c'est aujourd'hui l'un des pays les plus pauvres du monde.
Il n'en joue pas moins un rôle majeur dans l'Afrique sahélienne, du fait qu'il est dirigé depuis 1979 par des chefs nomades à la trempe guerrière, de Goukouni Oueddei à Idriss Déby, qui ont soumis la majorité constituée de noirs sédentaires en bonne partie chrétiens.
La mort brutale d'Idriss Déby, le 20 avril 2021, dans un combat contre des rebelles de son camp, plonge le Tchad mais aussi les autres États sahéliens et l'opération Barkhane dans la plus grande incertitude.
Une colonie délaissée
À la croisée des routes sahariennes, l'immense région située entre le massif du Tibesti, au nord, et le lac Tchad, au sud, a joué un rôle actif entre l'An Mil et le XVIe siècle, avant qu'elle ne sombre dans les guerres intestines.
À la fin du XIXe siècle, les Français prennent prétexte des exactions d'un trafiquant d'esclaves d'origine égyptienne, Rabah, pour occuper la région.
Le 22 avril 1900, à Kousséri, près du lac Tchad, ils écrasent la petite armée de Rabah. Ce dernier trouve la mort dans l'affrontement, de même que le commandant François Lamy.
Le nom de ce dernier est donné à l'établissement fondé un mois plus tard au confluent du Logone et du Chari, Fort-Lamy.
Le Tchad devient en 1910 une colonie (dico) constitutive de l'Afrique Équatoriale Française (AEF), avec Fort-Lamy pour capitale (aujourd'hui N'Djamena).
Cette colonisation va protéger les populations sédentaires et noires de la forêt des razzias lancés par les nomades toubous du nord.
L'administration coloniale tente de désenclaver la région en développant des cultures d'exportation comme le coton et l'arachide. Libérées de l'oppression des nomades musulmans du Nord, une partie des populations sédentaires du Sud adoptent par ailleurs le christianisme.
En 1938, le gouvernement du Tchad est confié à un Français de Guyane, Félix Éboué. Deux ans plus tard, suite à l'occupation de la France par la Wehrmacht, il sera le premier gouverneur français à se rallier au général de Gaulle et c'est du Tchad que partira la colonne Leclerc, pour une remontée triomphale jusqu'à Paris et Strasbourg.
Toubous du Nord contre noirs du Sud
En 1960, le Tchad devient indépendant comme les autres colonies françaises d'Afrique subsaharienne et un ancien instituteur, François Tombalbaye, en devient le premier président. Issu des populations du sud, animistes ou chrétiennes, il doit faire face à une rébellion des Toubou musulmans de la frange sahélienne, minoritaires et écartés du pouvoir par l'ancien colonisateur.
En août 1968, la France engage ses propres troupes dans la lutte contre la rébellion. Pour tenter de restaurer son prestige, le chef de l'État inaugure aussi en 1973 la « tchaditude » et rebaptise la capitale Fort-Lamy du nom de N'Djamena. En vain.
Le 21 avril 1974, l'ethnologue Françoise Claustre est enlevée par les chefs toubous Goukouni Oueddei (30 ans) et Hissène Habré (32 ans). Le président Valéry Giscard d'Estaing envoie le commandant Pierre Xavier Galopin en mission de bons offices mais ce dernier est séquestré et exécuté de façon sauvage le 4 avril 1975 par les hommes d'Hissène Habré. L'ethnologue est quant à elle libérée.
Triomphe nordiste
Le 13 avril 1975 est renversé et tué François Tombalbaye. C'est le début d'un long cauchemar dont le pays et ses populations tardent à sortir. Le général Félix Malloum succède à François Tombalbaye. Mais il est renversé à son tour par Goukouni Oueddei le 23 mars 1979. Les Toubous musulmans s'adjugent dès lors tous les pouvoirs au détriment des populations noires du Sud.
La France s'en accommode mais, quand Goukouni Oueddei projette une fusion du Tchad avec la Libye du colonel Kadhafi, elle apporte son soutien au coup d'État de son Premier ministre Hissène Habré, le 7 juin 1982.
Brutal et sanguinaire, le nouveau président mène une guerre impitoyable contre son rival réfugié dans le Nord. Il est à son tour renversé par son acolyte Idriss Déby le 1er décembre 1990 avec l'appui de l'armée française.
Idriss Déby va stabiliser le pays en forgeant une armée dévouée et redoutable, composée de guerriers sahéliens autrement plus combatifs que leurs « compatriotes » du Sud, et va libérer le Tchad de l'emprise libyenne.
C'est donc naturellement au dictateur tchadien et à ses guerriers Toubou que va recourir la France pour l'épauler dans sa guerre contre le djihadisme et l'irrédentisme touareg au Mali, en 2013, les armées conventionnelles des autres États de la région, constituées de sédentaires, étant quant à elles totalement inaptes au combat. Et c'est d'ailleurs à N'Djamena que va se fixer l'état-major de l'opération Barkhane.
La colonisation de l'Afrique
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Liger (26-04-2021 16:02:04)
J'ai apprécié cet article bien documenté mais je me permets de formuler une observation - qui s'applique à tout texte relatif aux questions (géo)politiques en Afrique. Voici : 1 - Sauf exce... Lire la suite