Yann Raison du Cleuziou est maître de conférences en science politique à l'université de Bordeaux. Dans une tribune de La Croix, il exprime sa gêne face aux pétitions d'intellectuels, artistes, philosophes et historiens qui dénoncent le Rassemblement national et pressent les électeurs de s'en détourner. Il y voit une manifestation d'arrogance quelque peu indécente de la part d'une classe de privilégiés à l'égard de concitoyens moins favorisés par le sort.
« Aux européennes, la liste de Jordan Bardella arrive en tête dans 94 % des communes de France. Un autre monde. Mais c’est aussi mon monde et c’est pourquoi un sourd malaise m’accable. Au premier tour des législatives, 37,2% dans le village rural de mon enfance, 47,39 % dans la commune de mon école primaire, 30,16 % de mon lycée, 69,94 % où je passe mes vacances. Un monde peuplé de ruraux, d’ouvriers, d’employés, de chômeurs, » note-t-il. « Un monde que j’ai quitté par les études, les choix résidentiels et pour le dire avec Bourdieu, l’accumulation du capital : économique, social, culturel. Un monde dont j’ai été exfiltré sans l’avoir recherché, quasi mécaniquement, par cette possibilité de choisir qu’offrent les études. »
« Je ne peux m’abstraire du sentiment que notre unanimité n’indique pas la solution du problème, mais fait partie du problème. Et qu’il y a de l’arrogance à dire quel doit être le sens de l’histoire quand on est du bon côté de cette histoire. Je suis gêné de tant de concentration de titres universitaires quand, dans le même moment, il n’y a plus ni médecin, ni instit, ni notable, ni curé dans tant de communes, sauf pendant la pause estivale... »
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