Napoléon Ier (1769 - 1821)

Ombres et lumières d'un destin d'exception

La Guerre. L'exilé et l'arapède (1840, Joseph William Turner)Aucun homme n'a connu dans l'Histoire moderne une gloire comparable à celle de Napoléon Ier. L'historien Jean Tulard rappelle qu'il se publie à son sujet, depuis sa mort, dans le monde, en moyenne un livre par jour !

Son destin, aussi foudroyant que celui d'Alexandre le Grand, s'est accompli en moins de vingt ans, de son départ pour l'armée d'Italie (1796) à celui pour Sainte-Hélène (1815). De même qu'Alexandre a fondé un nouveau monde sur les dépouilles de la Grèce classique, il a déclenché des secousses telluriques qui ont donné naissance à notre monde. Cela sans l'avoir voulu...

Dès 1793, les jacobins (gauche révolutionnaire) s'étaient mis en tête de donner à la France ses « frontières naturelles » (sur le Rhin) et de renverser les « tyrans ». Jeune général victorieux, Bonaparte surgit quand la Révolution s'épuise à vouloir préserver ses conquêtes. Premier consul, il rétablit la paix tant intérieure qu'extérieure et parachève l'oeuvre de la Révolution.

Mais l'Angleterre, qui ne tolère pas l'annexion d'Anvers, son débouché commercial sur l'Europe, va fomenter pas moins de cinq coalitions contre la France pour l'obliger à renoncer à ses « frontières naturelles ». Devenu Empereur des Français, Napoléon n'aura de cesse de leur résister, jusqu'à Waterloo.   

Le nouvel Alexandre

Bonaparte, par David (musée du Louvre) Issu de la petite noblesse corse, le futur Empereur des Français est le deuxième d'une fratrie de huit enfants qui, tous, plus tard, accèderont aux plus hautes destinées. Il quitte à neuf ans son île. Après trois mois au collège d'Autun, il entre avec une bourse à l'École militaire de Brienne-le-Château. Cinq ans plus tard, c'est l'École militaire de Paris dont il sort en 1785 à la 42e place sur 58. Peut mieux faire. 

Lieutenant d'artillerie, médiocre cavalier, ses ambitions le portent vers l'écriture (il se rêve en écrivain) et la Corse, qu'il veut libérer. Il ne se détachera de celle-ci qu'en juin 1793, quand sa famille en sera chassée par son idole, le chef nationaliste Pascal Paoli.

Quelques mois plus tard, étant entré dans les bonnes grâces d'Augustin Robespierre, le jeune frère de l'Incorruptible, il est invité à remplacer au pied levé le commandant de l'artillerie au siège de Toulon. Il assure la prise de la ville le 19 décembre 1793 et ce succès lui vaut à 24 ans le grade de général de brigade. Son destin est dès lors tracé. Ce sera la France !

Après la chute de Robespierre et une brève disgrâce, le jeune homme se fait une nouvelle fois remarquer par ses talents d'artilleur en canonnant une manifestation de royalistes sur les marches de l'église Saint-Roch, à Paris. Cela lui vaut le surnom méprisant de « général Vendémiaire ». Mais grâce à l'entregent de sa maîtresse Joséphine de Beauharnais, proche du Directeur Barras, il obtient en mars 1796 le commandement de l'armée d'Italie.

Dès lors, ses succès militaires, de Lodi à Rivoli, magnifiés par ses soins, vont donner naissance à sa légende. « Bonaparte vole comme l'éclair et frappe comme la foudre », dicte-t-il par exemple aux rédacteurs qui transmettent les bulletins militaires aux journaux de tout le pays.

Il couronne son triomphe avec le traité de Campoformio dont il dicte lui-même les conditions à l'Autriche. Sans état d'âme, il livre la vénérable République de Venise à son ennemie pour faire accepter à cette dernière la cession de la rive gauche du Rhin à la France. Établi dans le palais de Mombello, à Milan, il redessine la carte de l'Italie et multiplie les « républiques-soeurs » de la France, y compris aux dépens des États pontificaux. 

Frise chronologique de la vie de Napoléon

Bonaparte clôt la Révolution

Quand Bonapart revient en France le 5 décembre 1797, sa renommée l'a précédé. La rue Chantereine, où il vit avec Joséphine, est rebaptisée rue de la Victoire. Lui-même se fait élire à l'Institut. Au milieu des réceptions fastueuses, il se distingue par sa tenue modeste. Mais le gouvernement du Directoire apparaît encore solide et il est trop jeune pour devenir Directeur. Alors, faute de perspective, il se laisse convaincre par Talleyrand de prendre le commandement d'une expédition en Égypte, en vue de couper la route des Indes aux Anglais. L'idée le séduit.

Il prépare l'expédition dans le plus grand secret, pour échapper à la flotte anglaise de la Méditerranée commandée par Nelson. Le 1er juillet 1798 il débarque à Alexandrie avec 300 navires et 54 000 hommes (dont 167 savants). Le 21 juillet, il vainc les Mamelouks qui dirigent le pays (« Soldats, songez que du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent ! »). Mais le 1er août 1798, sa flotte est surprise et détruite à Alexandrie par Nelson. Prisonnier de sa conquête, Bonaparte entreprend de la réformer comme il a réformé l'Italie. Elle aboutit à un échec cinglant mais dont l'opinion ne prend guère conscience, trompée par la distance, l'exotisme et le ton grandiloquent des bulletins militaire. Abandonnant l'expédition à son sort, Bonaparte débarque à Fréjus le 8 octobre 1799 et regagne Paris.

Il trouve un gouvernement à bout de souffle et un pays aux abois. L'invasion menace. D'aucuns songent à un rétablissement de l'Ancien Régime, en la personne de Louis XVIII, frère et héritier du roi Louis XVI. L'abbé Sieyès prend les devants et convainc Bonaparte de réformer le gouvernement. C'est ainsi qu'est établi le Consulat par le coup d'État du Dix-Huit Brumaire (9-10 novembre 1799).

Bonaparte, Premier Consul (1802, Antoine-Jean Gros, musée de la Légion d'Honneur, Paris)Devenu Premier consul avec des pouvoirs très étendus, Bonaparte peut fièrement proclamer devant le Sénat : « Citoyens, la révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie » (15 décembre 1799).

Ne nous méprenons pas sur le sens de ces mots : ils signifient non pas qu'on tournerait le dos à la Révolution mais au contraire que la Révolution a achevé son oeuvre et qu'on peut désormais s'appuyer sur celle-ci pour construire l'avenir. De fait, le jeune Corse  va consolider ses acquis : l'égalité de tous devant la loi, la liberté de conscience, la liberté d'entreprendre... Il valide aussi les transferts de patrimoines qu'elle a occasionnés (ventes de biens nationaux).

Il mène enfin à leur terme des réformes qui imprègnent encore notre société et notre manière de vivre. Il promulgue le Code Civil, pacifie les relations entre l'État français et l'Église catholique en signant avec le Saint-Siège un Concordat qui durera jusqu'en 1905 (il est encore en vigueur en Alsace-Lorraine). Il fonde la plupart des grandes institutions actuelles : préfets, Conseil d'État, Université, Banque de France, École polytechnique, Légion d'Honneur, etc. Il lance aussi de grands travaux à Paris dont beaucoup ne seront achevés que sous le règne de Louis-Philippe Ier : la colonne de la Grande Armée (ou colonne Vendôme), le Temple de la Gloire (aujourd’hui église de la Madeleine), les arcs de triomphe du Carrousel et de l’Étoile, la Bourse, le percement de la rue de Rivoli, etc.

Tout cela a été rendu possible par le renforcement de l'État et de l'autorité du Premier consul. L'opinion publique est sévèrement contrôlée par le ministère de la Police générale, dirigé par le redoutable Joseph Fouché. À partir du 17 janvier 1800, seuls treize journaux sur 70 sont autorisés à Paris. Ils ne seront plus que quatre à la fin de l'Empire, tous à la dévotion de Napoléon. Cela ne suffit pas à désarmer les opposants, tant à droite, avec les royalistes qui espèrent le retour de la monarchie, qu'à gauche, avec les jacobins. Le 24 décembre 1800, comme le Premier consul se rend à l'Opéra, son escorte est meurtrie par un attentat à la voiture piégée (le premier de l'Histoire) dans la rue Saint-Nicaise. C'est l'occasion pour Bonaparte et Fouché de décapiter à la fois les oppositions jacobine et royaliste.

Sur les frontières plane encore la menace d'une deuxième coalition européenne. Elle est brisée dans un même élan à Marengo et Hohenlinden. Le Premier consul en profite pour consolider les « Républiques-sœurs » qui entourent la France, à commencer par la République cisalpine (Milan), qu'il rebaptise italienne. Constatant la faillite de la République helvétique « une et indivisible », il donne à la Suisse une structure confédérale qui va perdurer pour l'essentiel jusqu'à nos jours. L'outremer, toutefois, ne lui réussit pas. Au fiasco égyptien s'ajoute le fiasco de l'expédition de Saint-Domingue, qui aboutira à l'indépendance d'Haïti. Les Français ne lui en tiennent pas rigueur et sont surtout sensibles au rétablissement de la paix en Europe, consacré par la paix d'Amiens avec l'Angleterre.

Treize ans après l'ouverture des états généraux, la Révolution française peut se croire sauvée. Elle n'a plus d'ennemis déclarés à l'extérieur et conserve ses conquêtes antérieures. À l'intérieur, la paix civile et religieuse est de retour. Le sénatus-consulte du 6 floréal An X (25 avril 1802) accorde une amnistie générale et permet le retour des émigrés. Le pays repart sur des bases solides grâce à l'énergie réformatrice du Premier consul. Brève illusion. La guerre va reprendre à l'instigation de l'Angleterre, entraînant Bonaparte et la France dans une fuite en avant aux accents épiques...

Bonaparte devient Napoléon

Tout bascule en 1802 :
« Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul déjà, par maint endroit,
Le front de l'empereur brisait le masque étroit »
(Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, 1831).

Fort de ses succès, Bonaparte se sait toutefois vulnérable. L'attentat de la rue Saint-Nicaise le lui a montré. Pour ne rien arranger, la guerre menace de reprendre. Il choisit donc de pérenniser son pouvoir. Suite au plébiscite du 2 août 1802,  le sénatus-consulte du 16 thermidor An X (4 août 1802), aussi appelé « Constitution de l'An X », fait de lui un consul à vie et lui donne qui plus est le droit de désigner son successeur !

À l'extérieur, le Premier consul consolide les conquêtes de la France sur la rive gauche du Rhin et resserre les liens avec les petits États d'Allemagne et la Suisse. La Diète de Francfort, qui réunit des représentants de toutes les principautés allemandes, vote le 25 février 1803 un recès (terme qui désigne une décision de la Diète) par lequel elle réduit de 360 à moins de 80 le nombre d'États du Saint Empire romain germanique. C'est la ruine des traités de Westphalie de 1648 qui avaient divisé l'Allemagne pour le plus grand profit de la France ! À cet émiettement, Bonaparte préfère un nombre restreint de principautés inféodées à Paris. Aux représentants de la Suisse, le Premier consul impose par ailleurs le 25 février 1803 la signature d'un Acte de médiation qui met fin aux errements de la période révolutionnaire.

Mais très vite, l'horizon s'assombrit. Les rapports avec l'Angleterre se tendent lorsque celle-ci refuse d'évacuer Malte comme convenu. Les Français, de leur côté, s'installent sans façon à Anvers, irritant les Anglais qui regardent ce port flamand comme essentiel à leur prospérité. De provocation en provocation, on en arrive à un ultimatum de Londres, le 26 avril 1803, exigeant des Français l'évacuation de la Hollande et de la Suisse. Les ambassadeurs sont rappelés et le 22 mai 1803, la France déclare officiellement la guerre à l'Angleterre. Tous les Anglais présents sur le sol français sont aussitôt arrêtés.

Afin de pourvoir aux besoins de la guerre à venir, le Premier consul vend la Louisiane aux jeunes États-Unis. Il fait une croix également sur l'île de Saint-Domingue, qui s'est insurgée suite au rétablissement de l'esclavage et a arraché son indépendance sous le nom de Haïti.

Les Anglais, en attendant de réunir une coalition contre la France, réveillent l'agitation royaliste dans le pays même avec le concours du chef chouan Georges Cadoudal, associé au général Charles Pichegru. Ils sont arrêtés en janvier 1804 avant de passer à l'action. Mais Napoléon Bonaparte ne s'en tient pas là. Pour terroriser les royalistes, il fait enlever un prince du sang, le jeune duc d'Enghien, qui n'y est pour rien, et le fait exécuter dans les fossés de Vincennes.

Pour mettre fin aux espoirs de restauration monarchique et éviter le retour de la guerre civile, Napoléon décide par un singulier paradoxe de fonder une quatrième dynastie (après les Mérovingiens, les Carolingiens et les Capétiens). C'est chose faite avec le sénatus-consulte du 18 mai 1804 qui établit un Empereur sans abolir formellement la République : « Article premier. Le gouvernement de la République est confié à un empereur, qui prend le titre d'Empereur des Français... »

La cérémonie du sacre, le 2 décembre 1804, médiatise l'acte législatif. Le moment fort est le serment prêté par le nouvel Empereur, par lequel celui-ci s'engage à préserver en particulier les conquêtes de la République et les transferts de biens nationaux. C'est à ce prix que les anciens révolutionnaires acceptent son élévation au trône (note). Le pape Pie VII valide et sanctifie la mascarade par sa présence,  avec l'espoir d'obtenir un arrangement sur des Articles organiques impunément ajoutés par Bonaparte au texte du Concordat. Le petit Napoleone Buonaparte devient Napoléon Ier à 35 ans, maître de la première puissance mondiale, un scénario que nul n'aurait jamais imaginé !

Mais il n'est plus temps de rêver. Les Anglais ont formé une troisième coalition avec la Russie, la Suède, Naples et l'Autriche. À défaut d'avoir eux-mêmes une armée à même de se battre sur le continent, ils financent les dépenses de guerre de leurs alliés au prix d'un très lourd endettement (c'est la « cavalerie de Saint-Georges » selon les Français, en référence au saint patron de l'Angleterre). Dans un premier temps, le nouvel Empereur songe donc à envahir l'Angleterre, une première historique depuis Guillaume le Conquérant ! Il réunit à cet effet son armée à Boulogne-sur-mer, lance la construction de milliers de bateaux et attend que sa flotte de guerre, alliée à la flotte espagnole, puisse dégager la Manche. 

Cependant, en août 1805, l'Autriche envahit sans déclaration de guerre la Bavière, alliée de la France. Sans plus attendre, Napoléon Ier change d'objectif. Son armée des côtes de l’Océan prend le nom de « Grande Armée » le 11 fructidor an XIII (29 août 1805) et se dirige sans plus attendre vers la Bavière à marches forcées.

Napoléon à Iéna, 14 octobre 1806 (1810, Horace Vernet, château de Versailles)Les soldats parcourent 40 km par jour avec un barda de 40 kg sur le dos. Pas étonnant qu'ils en viennent à se qualifier de « grognards ». S'ensuivent les victoires d'Ulm et d'Austerlitz, le jour anniversaire du sacre, qui brisent la troisième coalition. Mais dans le même temps, la flotte franco-espagnole a été anéantie par l'amiral Nelson devant le cap Trafalgar, près de Cadix. Napoléon perd tout espoir d'envahir l'Angleterre.

La Prusse, jusque-là restée en dehors du conflit, forme une quatrième coalition avec l'Angleterre et la Russie, à l'instigation de la reine Louise, épouse du pâlichon Frédéric-Guillaume III de Hohenzollern.

Mal lui en prend. Elle est défaite à Iéna le 14 octobre 1806. Dans la ville, le philosophe Friedrich Hegel, qui a vu à sa fenêtre passer l'Empereur à la tête de son armée, en a été très impressionné. Il a cru discerner dans son épopée « la fin de l'Histoire » (il aura le temps de s'apercevoir de son erreur) : « J'ai vu l'Empereur, cette âme du monde, sortir de la ville pour aller en reconnaissance », écrit-il.

Après cela, Napoléon fait une entrée triomphale à Berlin le 27 octobre. Le mois suivant, le 21 novembre 1806, par le décret de Berlin, il organise le Blocus continental et interdit à tous les États du continent de commercer avec l'Angleterre. Il y voit la seule manière de briser celle-ci sans mesurer ses conséquences militaires.

Les maréchaux entrent à Berlin le 27 octobre 1806 (Charles Meynier, 1810, châteaux de Versailles et Trianon)

La Russie est à son tour défaite à Friedland, le 14 juin 1807 (anniversaire de Marengo) après une bataille indécise et particulièrement sanglante dans la neige d'Eylau (8 février 1807). Le jeune tsar Alexandre Ier (32 ans) scelle la paix avec l'Empereur des Français à Tilsit le 7 juillet 1807et promet d'appliquer le Blocus continental destiné à affamer l'Angleterre, toujours en guerre. Les souverains prusses se résignent à leur tour et signent la paix à Tilsit également le surlendemain.

Mais la logique du Blocus continental va conduire l'Empire napoléonien à sa perte en l'obligeant à annexer de proche en proche tous les États récalcitrants. Cela commence avec le Portugal, allié de l'Angleterre. Napoléon conclut avec le Premier ministre espagnol Godoy le traité de Fontainebleau du 22 avril 1807 par lequel les deux alliés se disposent à occuper le Portugal. Sans trop de mal, Junot entre à Lisbonne le 30 novembre 1807. Mais les Espagnols supportent mal le passage des troupes françaises et leur roi Charles IV est un idiot dont la querelle avec son fils Ferdinand met en péril l'alliance franco-espagnole.

Faute de mieux, Napoléon oblige l'un et l'autre à renoncer au trône et place sur celui-ci son propre frère Joseph. Il s'ensuit un soulèvement général du peuple espagnol contre les Français et, plus grave que tout, une armée française capitule à Bailén face aux rebelles le 19 juillet 1808. C'est la première défaite de la France et elle est le fait de va-nu-pieds !  

Napoléon tente d'oublier ses déboires au congrès d'Erfurt (1808), devant un « parterre de rois », essentiellement des princes allemands ainsi que le tsar. Mais Talleyrand, son ancien ministre des Relations Extérieures, devenu grand chambellan, prend conscience de l'impasse dans laquelle s'engage l'Empereur. À défaut de pouvoir l'en convaincre, il complote avec le tsar

Là-dessus, l'Autriche profite des déboires de l'Empereur en Espagne pour reprendre les armes et former une cinquième coalition. Mais elle est vaincue de justesse à Wagram le 6 juillet 1809 et doit se soumettre. L'empereur Joseph Ier accepte que sa fille l"archiduchesse Marie-Louise épouse son ennemi. Elle lui offrira l'héritier qu'il n'avait pu obtenir de sa première épouse Joséphine. L'horizon s'assombrit néanmoins. L'Empereur s'empâte et vieillit.

Face à des rébellions qui se multiplient sur le Continent, il n'est plus tout à fait le maître du jeu. En 1812, menacé par la concentration des troupes russes à la frontière polonaise, il entraîne la « Grande Armée » en Russie. La suite est connue. C'est la retraite de la Bérézina, la défaite de Leipzig face à l'Europe des Nations coalisées et la campagne de France, ultime baroud d'honneur.

La France, assagie, signe le premier traité de Paris avec les vainqueurs, cependant que tous les diplomates européens se retrouvent au Congrès de Vienne pour redessiner la carte du continent.

Pour la première fois de son existence, Napoléon, exilé sur l'île d'Elbe, entre la Corse et l'Italie, prend une initiative que rien ne nécessitait : il rentre en France et reprend le pouvoir  à la surprise de tous. Cet épisode des « Cent-Jours » se terminera à Waterloo et aboutira à un second traité de Paris, beaucoup plus pénalisant que le premier pour la France. Ce sera aussi le début de la Légende.

La lecture du Septième bulletin de la Grande Armée, par Louis-Léopold Boilly (1761-1845), peinture à l?huile, 44 x 59 cm, 1807, Musée d?art, Saint-Louis (États-Unis)

Les ailes du destin

Napoléon Ier a porté jusqu'à Moscou les idées de la Révolution et du siècle des « Lumières ». Par ses conquêtes, il a révélé les Nations à elles-mêmes pour le meilleur et pour le pire (Italie, Égypte, Espagne, Pologne, Allemagne, Russie). Il a renversé le vieil empire germanique et abattu la féodalité en introduisant outre-Rhin le Code Civil et les réformes administratives issues de la Révolution. Il a aussi émancipé les juifs européens et les a sortis des ghettos. Ce faisant, à son corps défendant, il a renforcé le pouvoir des gouvernements allemands sur leurs sujets et préparé l'unification de l'Allemagne du Nord.

Il a relevé le nom de l'Italie et engendré un nationalisme italien. Pour cette raison, « l'Italie aime et a toujours aimé Napoléon », assure l'historien Luigi Mascilli Migliorini. Par opportunisme, il aussi relevé temporairement la Pologne, effacée de la carte en 1795, sous le nom de Grand-duché de Varsovie. Les Polonais lui en sont reconnaissants même s'il a évité de rendre son nom au pays pour ne pas froisser ses susceptibles voisins.

Napoléon Ier en habit de sacre (baron Gérard, château de Versailles)

En 1811, poussé par le besoin de sécuriser ses conquêtes, il en est venu à régner sur une France de 130 départements, qui poussait ses ramifications jusqu'aux îles de la Frise et de la côte dalmate.

Il fut aussi roi d'Italie avec Milan pour capitale, médiateur de la Confédération helvétique, protecteur de la Confédération du Rhin.

Joseph, frère aîné de Napoléon, était roi d'Espagne, son frère Jérôme roi de Westphalie, son beau-fils Eugène de Beauharnais vice-roi d'Italie, le maréchal Murat, son beau-frère, roi de Naples, le maréchal Bernadotte héritier du trône de Suède...

C'était la « France-Europe » selon l'expression de Mme de Staël  ! Une construction fragile et éphémère.

L'Amérique latine profita de la guerre menée par les Français en Espagne et au Portugal pour s'émanciper. Quant à l'Angleterre, ennemie héréditaire de la France, elle bâtit sa puissance à venir sur la défaite de celle-ci.

Et l'on ne saurait oublier que le monde arabe sortit d'une léthargie de plusieurs siècles suite à la malheureuse expédition d'Égypte.

La France des 130 départements

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De 1809 à 1812, Napoléon Ier dirige de près ou de loin toute l'Europe à l'exception notable de l'Angleterre et de la Russie... Mais les résistances prennent de l'ampleur à mesure que s'accroît sa puissance : paysans espagnols, tyroliens et napolitains ; bourgeois des grands ports et des villes industrielles qu'irritent le « Blocus continental ».
L'Empereur des Français est amené à sévir et, pour imposer sa volonté, ne trouve souvent rien de mieux que d'annexer les territoires récalcitrants à l'Empire français. C'est ainsi que celui-ci en vient à compter 130 départements en 1811, avec 750 000 km2 et 45 millions d'habitants.


Publié ou mis à jour le : 2024-05-31 06:08:28

Voir les 13 commentaires sur cet article

Bernie (04-12-2023 19:21:49)

Félicitations pour l'excellence, notamment picturale, de cet article.

Rédaction d'Hérodote (15-08-2019 19:18:31)

Arverne (15-08-2019 18:01:46)

Après avoir lu pas mal d'ouvrages historiques sur le sujet je m'interroge vraiment : Napoleon n'était-il pas avant tout corse : -par les péripéties (non épuisées historiquement et juridiqu... Lire la suite

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