Pour l’historien et philosophe Marcel Gauchet, la crise du coronavirus agit comme un révélateur de nos failles. Celles d’un État paupérisé, d’une « élite » dirigeante qui n’assume plus sa souveraineté, d’une société divisée et d’une Europe ouverte inapte à nous protéger.
D'aucuns s'étonnent de ce que 56% des revenus annuels transitent par l'État (sans doute un record mondial) et que dans le même temps, la France soit obligée de recourir à un confinement général faute de pouvoir gérer un confinement ciblé sur les seules personnes contaminées, comme les pays d'Extrême-Orient ou l'Allemagne. « Puisque nous n’avons pas de masques, ni de tests, décrétons qu’ils sont inutiles et que nous avons beaucoup mieux sous la main en bouclant tout le monde à la maison », ironise Marcel Gauchet.
C'est que, note-t-il, « le gros des dépenses publiques est absorbé par les dépenses sociales. L’État dit "régalien" maigrit, tandis que l’État social grossit. » Par dépenses sociales, il faut entendre bien sûr les aides qui maintiennent à flot les chômeurs et les nouveaux immigrants et se substituent aux revenus du travail. Leur montant croît tant et tant qu'il ne laisse plus de marge à l'État pour financer les hôpitaux, la recherche ou encore l'industrie : « C’est un cas de figure unique dans les annales : le mélange du libéralisme des élites et de l’étatisme du peuple nous vaut un record du monde de la dépense publique. Mais ce "pognon de dingue", comme dit notre président, va aux personnes, pas aux équipements collectifs. »
Le philosophe constate l'échec de la construction européenne et l'importance de la cohésion nationale : « Arrêtons une bonne fois avec les âneries sur le postnational. » Mais il s'inquiète du caractère erratique de la gouvernance française, indigne des citoyens qui l'ont élue. Comment qualifier par exemple le fait qu'un comité de scientifiques puisse saisir le Conseil d'État sur les insuffisances prétendues du confinement, que les conseillers morigènent l'exécutif et que celui-ci s'aplatisse comme un mauvais élève pris en faute ? « L’idée même de la souveraineté démocratique s’est brouillée en se diluant dans une gouvernance chaotique. »
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