Les fluctuations du climat

De l’an mil à aujourd’hui

E. Le Roy Ladurie, D. Rousseau et A. Vasak (Fayard, 332 pages, 22,30 euros ,  2011)

Les fluctuations du climat

Ce livre est un condensé de l’Histoire du climat depuis l’an mil dont Emmanuel Le Roy Ladurie est devenu un spécialiste incontesté depuis son ouvrage fondateur paru en 1967 (réédité en 1983 et 2009) et plus récemment avec la trilogie de l’Histoire humaine et comparée du climat parue en 2004, 2006 et 2009.

Il étudie les fluctuations que l’on rencontre sur la courbe de température moyenne mensuelle à Paris depuis 1676 jusqu’à nos jours.

Le travail statistique effectué par Daniel Rousseau a permis d’identifier onze fluctuations successives sur la période de 335 ans. Ses données proviennent de quatre séries différentes : L. Morin (1676-1712) ; G. Manley et A. Van Engelen (1713-1756) ; E. Renou (1757-1872), pour finir avec les observations de Paris-Montsouris depuis 1873.

Cette série de 335 ans, qui a fait l’objet d’une publication dans La Météorologie en 2009 (N° 67, p.43-55), est reproduite en Annexe du livre et à la Figure 9, où sont indiquées ces onze fluctuations pluriannuelles. Il s’agit de grandes oscillations thermiques de période variable, de 10 à 50 ans environ, qui scandent l’évolution de la température moyenne à Paris. Par ailleurs, une série de dates de vendanges en Bourgogne a permis de commencer au XVIIème siècle avec trois fluctations supplémentaires, ce qui en fait quatorze au total.

Là réside l’originalité de l’ouvrage : structurer l’histoire du climat à l’aide de ces grandes fluctuations, tout en ajoutant du quantitatif grâce aux anomalies de température et également de précipitations (série d’observations depuis 1696 due à M. Garnier).

Grandes fluctuations climatiques

Le premier chapitre présente les sources et méthodes utilisées en particulier quand on n’a pas de température chiffrée (position des glaciers, dates de vendanges) et les moyennes temporelles effectuées.

Les cinq chapitres suivants traitent d’une vaste période qui comprend : Petit Optimum Médiéval (900-1300), installation du Petit Age Glaciaire (PAG, à partir de 1300), Quattrocento (XVème siècle), le beau XVIème siècle (1500-1560) puis le retour en force du PAG (1560-1600).

Les chapitres suivants correspondent aux quatorze fluctuations successives désignées du nom d’un personnage historique célèbre marquant la période (Mazarin, Vauban, Lavoisier, …). Ajoutons qu'un court chapitre analyse le concept de fluctuations en lien avec l’oscillation multi-décennale atlantique. Ainsi la fluctuation Saint-Simon (1702-1717) s’étend sur seize années seulement et porte le nom du mémorialiste talentueux de Louis XIV qui rapporte dans ses mémoires l’hiver rigoureux 1708-1709, drame de la fin du règne de Louis XIV. Même s’il n’y a pas un froid extrême, l’épisode se termine par 630 000 décès excédentaires et la perte des oliviers de Provence, du Languedoc et d’Italie du Nord.

Voici maintenant la fluctuation Arago (1818-1856), du nom de ce grand scientifique et républicain qui fut aussi météorologiste. Jusqu’en 1835 c’est une période plutôt tiède, mais avec le grand hiver 1829-1830 et aussi des précipitations importantes pour le quinquennat 1827-1831. Ce qui entraîne cherté du blé et donc du pain et des révoltes (celle des canuts lyonnais en nov. 1832 ne semble pas d’origine climatique). Après 1835, la séquence devient plus fraîche et voit les glaciers s’allonger jusqu’à la fin du PAG, vers 1860. Cependant 1846 fait exception avec un été textrêmement chaud, qui entraîne une crise de subsistance céréalière et par là une grave crise sociale.

Le dernier chapitre se termine sur la fluctuation Prométhée (1988-2010). il s’agit du réchauffement dû au rejet par l’homme des gaz à effet de serre (GES). Cela donne l’occasion de préciser des anomalies thermiques exceptionnelles (en particulier pour l'été, l'automne 2006 et l'hiver 2006-2007) et leurs corrélations avec la qualité des vins mais aussi la canicule meurtrière de 2003 et ses conséquences.

L’auteur conclut ce chapitre en se ralliant à l’appel des 254 scientifiques de l’Académie des Sciences américaine : la planète se réchauffe suite à la concentration de GES dans l'atmosphère; l'accroissement de cette concentration depuis un siècle est dû en grande partie aux rejets anthropiques (combustibles fossiles, déforestation); ce réchauffement se produit à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine et a des conséquences importantes (zones côtières, eau potable et nourriture, écosystèmes, forêts).

Quelques remarques pour finir : présentation rigoureuse des références, graphiques en couleurs, légendes détaillées et informatives en Annexe. Voilà un véritable outil de travail d’une richesse considérable qui servira aussi bien l’historien que le climatologue et qui scénarise de façon magistrale la fresque historico-climatique du dernier millénaire en France.

Régis Juvanon du Vachat, chargé de mission Météo France
(article déjà paru dans La Météorologie, février 2012, N° 76, p. 57).

Voir : « Le réchauffement climatique ?... Connais pas »

Publié ou mis à jour le : 10/06/2016 09:42:47

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