La Collaboration débute formellement le 24 octobre 1940, avec la poignée de main entre Hitler et Pétain à la gare de Montoire. Ce jour-là, le vieux maréchal, chef de l'État français, évoque la « voie de la collaboration sincère » entre les deux pays, le vainqueur et le vaincu, l'occupant et l'occupé.
Pour Hitler, l'enjeu est essentiel. La France, en effet, est de loin la plus grande et la plus riche de ses conquêtes et il a besoin de ses ressources agricoles et industrielles afin de poursuivre la guerre contre l'Angleterre et plus tard l'URSS. Il attend de l'administration et des gouvernants français qu'ils mettent ces ressources à sa disposition sans trop de résistance.
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Envahie en six semaines par les armées hitlériennes en mai-juin 1940, la France se résigne à l'occupation de la plus grande partie de son territoire.
Par la convention d'armistice du 22 juin 1940, le gouvernement du Maréchal Pétain, établi à Vichy, se voit reconnaître une autonomie de façade sur le reste du territoire : c'est la « zone libre ». Celle-ci est à son tour envahie par la Wehrmacht le 11 novembre 1942, suite au débarquement anglo-saxon en Afrique du Nord, ce qui réduit à presque rien les marges de manoeuvre du gouvernement de Vichy.
Les troupes allemandes chargées du maintien de l'ordre dans la zone d'occupation se montent à l'automne 1941 à 80 000 hommes. Elles sont rattachées au Militärbefehlshaber in Frankreich (« commandement militaire en France », MBF). Il s'y ajoute 320 000 soldats pour la surveillance des côtes ainsi que des troupes chargées de la répression, les Landesschützen. Ces effectifs vont dépasser les 600 000 hommes en novembre 1942, avec l'occupation de l'ensemble du territoire, et le million en 1944, à la suite du débarquement de Normandie.
Une collaboration consensuelle
Le gouvernement français a mis le doigt dans l'engrenage de la collaboration dès la signature de l'armistice, le 22 juin 1940.
Le vice-président du Conseil Pierre Laval croit, comme beaucoup de ses contemporains, à la victoire définitive de l'Allemagne et il juge bon de s'en accommoder.
Le 1er juillet 1940, quelques jours après l'armistice et l'occupation par la Wehrmacht de la moitié nord du pays, sur sa proposition, les ministres et les pouvoirs publics s'installent dans la zone dite « libre » (non occupée par les troupes allemandes), à Vichy, cité thermale d'Auvergne, où de nombreux hôtels sont à même de les héberger.
Le 3 juillet, la Royal Navy attaque la flotte stationnée dans la rade de Mers-el-Kébir, en Algérie. L'événement réveille la vieille rivalité franco-anglaise et semble donner raison aux partisans de la paix avec l'Allemagne. Le gouvernement français est à deux doigts de se retourner contre son ancien allié.
Le 10 juillet 1940, dans le casino de la ville d'eau, la Chambre élue en 1936 sous les couleurs du Front Populaire vote les pleins pouvoirs au vieux et prestigieux maréchal Philippe Pétain, le vainqueur de Verdun. C'est la fin de la IIIe République et le début de ce qu'on appelle le « régime de Vichy ».
À la République française se substitue l'« État français » et à « Liberté, Égalité, Fraternité » la devise : « Travail, Famille, Patrie ».
L'Allemand Otto Abetz, jeune intellectuel francophile devenu ambassadeur du Reich à Paris, rassure ses interlocuteurs français sur les bonnes dispositions de Hitler. Celui-ci n'a guère à se plaindre du gouvernement français. Celui-ci engage une politique ouvertement xénophobe au nom d'un patriotisme ambigu qui s'accommode de l'occupation étrangère.
Le 27 juillet 1940, soit un mois à peine après l'armistice, le maréchal Pétain, chef de l'État français, charge une commission de réviser les naturalisations effectuées après le 10 août 1927.
Les lois des 16 août et 10 septembre 1940 réglementent les professions médicales et l'accès au barreau. Le 27 du même mois, est promulguée la loi relative aux « étrangers en surnombre dans l'économie française ». Elle conduit, en « zone libre », à l'internement d'environ 400 000 étrangers. Ils sont regroupés dans des Groupements de travailleurs étrangers sous l'autorité du ministère du travail et sous la surveillance de la gendarmerie ; les internés juifs sont regroupés dans des compagnies dites « palestiniennes » !
Le 3 octobre 1940 enfin, quelques semaines avant l'entrevue de Montoire, le chef de l'État français signe une loi portant sur le statut des Juifs. C'est une marque de soumission à ce que le régime nazi présente de plus abject. Mais le Maréchal ne va toutefois pas jusqu'au renversement des alliances et s'abstient de conclure un traité de paix avec Berlin.
Le Maréchal fait très vite l'objet d'un véritable culte de la personnalité. Beaucoup de sommités se retrouvent aux côtés du vainqueur de Verdun avec l'espoir de régénérer le pays grâce à une « Révolution nationale ».
Philippe Pétain, qui conserve sa lucidité malgré son grand âge (84 ans en 1940), tente de jouer un double jeu en s'accommodant des occupants. Ses proches mènent des tractations secrètes avec les Anglo-Saxons, en particulier avec le gouvernement du président américain Franklin Roosevelt, qui déteste de Gaulle et les gaullistes.
Exprimant l'opinon de nombreux concitoyens, un Français de Londres, le colonel Rémy, voit en Pétain un « bouclier » et en de Gaulle une « épée », l'un et l'autre indispensables à la nation.
Le Maréchal repousse les demandes de plus en plus pressantes de Laval en faveur d'une collaboration active avec l'Allemagne. Il finit par le révoquer et le fait arrêter le 13 décembre 1940 à la satisfaction de la très grande majorité des Français.
Mais à la fin de l'année 1941, les événements s'accélèrent. Hitler attaque son ancienne alliée, l'URSS, tandis que les États-Unis et le Japon entrent à leur tour en guerre.
L'engrenage
Otto Abetz, qui a conservé son estime pour Laval, impose son retour au pouvoir le 17 avril 1942. Il veut de la sorte obtenir un soutien sans équivoque de l'administration française.
Le nouvel homme fort de Vichy pratique un double jeu en devançant les désirs de l'occupant pour tenter de lui arracher des concessions, par exemple sur la libération des prisonniers de guerre. Il institue la « Relève », autrement dit l'envoi de travailleurs volontaires en Allemagne en contrepartie de la libération de prisonniers. Puis, comme celle-ci ne suffit pas aux besoins de l'Allemagne, il institue le16 février 1943 le Service du Travail Obligatoire (STO), cas unique en Europe d'un gouvernement qui impose à ses jeunes citoyens de travailler pour l'ennemi.
Entraîné dans des compromissions de plus en plus douteuses, le gouvernement français forme une Légion des volontaires français contre le bolchevisme pour combattre sur le front soviétique aux côtés des Allemands. Il organise des rafles de Juifs comme celle du Vél d'Hiv (16-17 juillet 1942). Il ordonne aussi aux troupes françaises d'Afrique du Nord de résister au débarquement anglo-saxon du 8 novembre 1942.
Mais l'occupation de la « zone libre » par la Wehrmacht le 11 novembre 1942, en violation des accords d'armistice, réduit considérablement ses marges de manoeuvre. L'opinion française bascule contre la Collaboration pendant l'été 1942, du fait des rafles antisémites, de la répression policière, des rationnements et des premiers succès alliés sur le front.
Englués dans des compromissions criminelles, les dirigeants de Vichy, parmi lesquels Pétain et Laval, sont transférés par les Allemands à Sigmaringen (Bavière), en août 1944, dans le vain espoir d'échapper à l'infâmie d'un procès.
La Résistance
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Leroux (31-01-2021 15:38:07)
Article très interessant(comme toujours) de Marc Ferro car très nuancé et honnête montrant bien l'ambivalence de l'opinion française dans les suites immédiates de la défaite et son évolution p... Lire la suite