« La guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens. » Cette maxime de Clausewitz est devenue l’une des phrases les plus célèbres de notre temps. Clausewitz a été lu et médité par les militaires prussiens, Lénine, Mao, Eisenhower, Henry Kissinger, Raymond Aron. Son traité De la Guerre (Vom Kriege) est au programme des Académies militaires américaines.
L’image de Clausewitz est aujourd’hui ambivalente. Considéré, à l’égal d’un Thucydide, comme la plus grande référence de l’histoire de la pensée stratégique, il est aussi un auteur contesté, parfois envisagé comme celui qui ouvre la porte aux guerres totales du XXe siècle.
Dans l'armée à 12 ans
Clausewitz est né en 1780 à Burg, dans une famille typique de petits fonctionnaires. Depuis le règne de Frédéric II (1740-1786), l’armée prussienne, avec sa discipline de fer, fait la gloire de la Prusse. Le jeune garçon n’a guère le temps de faire des études poussées : il devient cadet (élève-officier et porte-enseigne) à 12 ans et dès l'année suivante, en 1793, participe au siège de Mayence, occupée par les Français.
Le souvenir de cette première expérience combattante à un âge encore tendre a dû le marquer à vif : une des pages les plus convaincantes de son ouvrage De la Guerre est sans nul doute celle qui, loin de toute théorie, décrit la transformation subie par le novice qui entre sur un champ de bataille : « Les impacts de balle commencent à frapper autour de lui (…), les boulets éclatent, les grenades explosent (…) et voilà soudain qu’un ami tombe. (…) Encore un pas : le plomb tombe comme grêle (…). La compassion nous emplit à la vue des mutilés, des mourants, notre cœur bat à la chamade. ».
C’est l’époque où la Révolution et la conscription nationale mettent fin aux affrontements limités de l’Ancien Régime : la guerre devient totale, mobilisant le peuple au nom de la Nation. La Prusse se retire du conflit en 1795.
Pendant une dizaine d’années, Clausewitz peut prendre le temps de gravir les échelons et multiplier les lectures. Il se fait remarquer par l’étoile montante de l’armée prussienne, Gerhard von Scharnhorst, dont il suit les cours. C’est ainsi que s’est formé le noyau de la future Académie de Guerre de Berlin.
Ce général, qui accorde une grande importance à l’Histoire, s’appuie, pour enseigner la stratégie, sur des exemples de campagnes célèbres. Cette instruction va permettre ainsi à Clausewitz de rencontrer les milieux culturels les plus importants d’Europe, où se croisent l’idéalisme de Kant et le tourbillon d’idées qui annonce le romantisme.
Un homme courageux
En 1803, Clausewitz tombe amoureux de la jeune Marie von Brühl, une femme issue de la haute noblesse. Va-t-il se frayer un chemin vers la cour royale ? Rien n’est moins sûr car le mariage n’est pas encore en vue et son milieu bien trop modeste.
Clausewitz patientera plusieurs années, entretenant une correspondance régulière avec la jeune femme. Elle contribuera d’autant plus à la formation artistique et culturelle de Clausewitz qu’elle est également une fervente nationaliste hostile à toute forme de soumission à la France.
Pendant ce temps, Napoléon devient le héros d’une partie de l’Europe. Il incarne la nouvelle manière de faire la guerre, reposant sur la vitesse de mouvement et la bataille décisive : sa campagne de 1805, qui le mène de Boulogne à Austerlitz, devient un modèle du genre.
Mais la Prusse est à son tour battue l'année suivante à Iéna et Auerstaedt. Clausewitz prend part à la bataille d’Auerstaedt et se fait remarquer par son courage, malgré le désastre. Il doit ensuite accompagner à contrecœur pendant un an le prince Auguste de Prusse, interné en France.
Dans ses échanges épistolaires avec Marie, le jeune officier ne fait guère mystère de ses sentiments. Bien que sensible à l’émotion religieuse qui se dégage de l’art gothique, notamment à la cathédrale de Reims, il ne tarde pas à s’en prendre à « l’arrogance » des Français.
De retour en Prusse, c’est une tout autre tâche qui attend Clausewitz : moderniser l’armée, sous la direction de Scharnhorst. Le vieux modèle de Frédéric II a fait son temps et l’armée prussienne renonce aux mercenaires pour devenir une armée nationale. Une milice est créée afin d’avoir un réservoir d’hommes immédiatement mobilisables en cas de conflit. Les anciens officiers, dont l’incompétence a été flagrante en 1806, sont par ailleurs écartés.
Un nouveau processus de sélection, qui ne repose plus sur la noblesse, est mis en place. Les officiers doivent apprendre les tactiques de manœuvre qui ont fait le succès des troupes françaises afin de combiner l’effet des différents corps d’armée (infanterie, cavalerie et artillerie). Culture et Histoire sont au cœur de cette nouvelle éducation. Une nouvelle Académie de Guerre est officiellement crée en 1810 : Clausewitz y enseigne.
Acteur du renouveau prussien
La réforme militaire n’est qu’un des aspects du vaste effort de transformation qu’entreprend le royaume de Prusse, qui a tiré les leçons de ses défaites. En quelques années, le servage va être aboli, l’administration modernisée et Wilhem von Humboldt crée à Berlin un nouveau système d’éducation assortie de l’Université moderne.
Clausewitz prend part à cet élan dans lequel certains ont vu les bases des succès prussien et allemand du XIXe siècle et au-delà. C’est également au cours de ces années qu’il rédige les premières ébauches de ce qui va devenir son ouvrage De la Guerre. (...)
Batailles navales
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Schluck (14-11-2017 17:00:54)
Bonjour. Je me permet une petite remarque concernant les noms des personnages du tableau des généraux : le prénom de Von Wittenberg comporte un oubli, Tauentzien au lieu de "auentzien". Respectue... Lire la suite