Au tournant de l'An Mil, rien ne semble destiner la papauté à un grand avenir. Le souverain pontife n'est guère plus que l'évêque de Rome, placé sous la dépendance de l’empereur germanique.
Mais par un retournement dont l'Histoire a le secret, une nouvelle génération de papes, inspirés par l'ordre monastique de Cluny, va réformer l'Église et la société médiévales, et tenter de placer la chrétienté occidentale sous l'autorité des pontifes romains, vicaires du Christ sur terre.
Grégoire VII et la querelle des Investitures
Les prémices de la réforme apparaissent avec Léon IX, en 1049. Il se lance immédiatement dans la lutte contre la « simonie », c'est-à-dire l’achat des charges ecclésiastiques qui place le clergé séculier sous la dépendance des seigneurs laïcs, et le « nicolaïsme », c'est-à-dire le mariage des prêtres qui conduit ceux-ci à détourner les ressources de leur cure au profit de leur famille.
En 1073, un moine de Cluny, Hildebrand, est porté sur le trône de saint Pierre sous le nom de Grégoire VII, d'où le nom de « réforme grégorienne » donné au mouvement de réforme qu'il a impulsé. En 1075, dans le document Dictatus papae (« Édit du pape »), il énonce vingt-sept propositions décisives : élection des papes par le collège des cardinaux ; condamnation des investitures laïques, c'est-à-dire de la nomination des évêques par les souverains, etc.
L'empereur allemand Henri IV dépose le pape mais celui-ci réplique en l'excommuniant. L'empereur se rend à Canossa où s'est réfugié le pape et obtient son pardon. À peine restauré dans ses droits, il reprend les hostilités... Grégoire VII meurt en exil en laissant en suspens la querelle des investitures.
Urbain II et l'Église offensive
Un autre moine de Cluny, Eudes de Châtillon, devient pape sous le nom d'Urbain II. Il reprend l'oeuvre de Grégoire VII en y mettant plus de souplesse.
En 1095, de passage à Clermont (Auvergne), il invite la chevalerie franque à secourir les chrétiens byzantins, menacés par l'avancée turque, et protéger le tombeau du Christ. Une indulgence plénière et la remise des péchés sont accordées à tous ceux qui mouront dans cette pieuse entreprise, plus tard appelée croisade.
À la mort d'Urbain II, en 1099, son successeur Pascal II va relancer pendant près de vingt ans la lutte contre l'empereur Henri IV puis contre son fils Henri V.
Sur les investitures, il ouvre la voie au concordat de Worms, conclu entre l'empereur Henri V et son successeur Calixte II en 1122 qui établit dans le Saint Empire, en Allemagne et en Italie, une double investiture des évêques, laïque et spirituelle.
L'avènement de l'empereur Frédéric Ier Barberousse réveille la querelle du Sacerdoce et de l'empire pour le contrôle de l'Italie.
Le pape Alexandre III obtient contre l'empereur le soutien des rois de France, d’Angleterre et d’Espagne ainsi que de l’essentiel du haut clergé.
Il doit néanmoins s’enfuir et dans son exil, apporte son soutien au nouvel archevêque de Cantorbéry Thomas Becket, qui veut faire valoir les droits de l’Église face à son ami, le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt.
La lutte prend fin avec la défaite de Frédéric face aux milices lombardes. Le 25 juillet 1177, à Venise, l’empereur s’agenouille devant le pape, qui lui consent enfin le baiser de paix. Sans armée et sans vassaux, le Sacerdoce a vaincu l’Empire.
Innocent III et la « République chrétienne et universelle »
Le 8 janvier 1198, les cardinaux élisent Lotario di Seni (37 ans) sous le nom d'Innocent III. C'est un théologien énergique formé à l'Université de Paris. Il va hisser la papauté médiévale à son apogée.
Grâce à l'élaboration du dogme nouveau du Purgatoire, il tient entre ses mains le sort des croyants en ce monde et le suivant.
En effet, ce qui était autrefois laissé à l’incertitude du Jugement dernier est dorénavant organisé entre enfer, paradis et, pour la majorité des croyants, purgatoire, un lieu de transit où les défunts qui ont péché - mais pas trop - attendent le moment d'accéder au paradis. Le pape délivre en conséquence des « indulgences » pour racheter les peines et abréger cette attente.
Usant de son autorité spirituelle, le pape ne craint pas le conflit et par exemple contribue à la ruine du roi d'Angleterre Jean sans Terre.
Certains conflits tournent au tragique. C'est en particulier le cas de la IVe croisade, en 1204. Détournée de son but par la cupidité des croisés, elle conduit au sac de Constinople et à la rupture définitive entre le patriarcat orthodoxe et la papauté. Le pape est aussi dépassé par les croisés qu'il a envoyés en 1208 combattre les hérétiques albigeois du Languedoc. Massacres, violences et rapines font office de prédication.
Face à ces excès s'élèvent de nouveaux ordres religieux, dits « ordres mendiants ». À la différence des précédents, confinés dans la prière, ceux-là vont de ville en ville, à la rencontre des citadins, prêcher la Bonne Parole. Ce sont les dominicains de saint Dominique et surtout les franciscains de saint François d'Assise, dont le mode de vie a été reconnu par Innocent III en 1210.
Le quatrième concile du Latran, en 1215, affirme la toute-puissance de l'Église et de ses préceptes moraux.




Le rêve d'une papauté impériale










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Voir les 4 commentaires sur cet article
Mistigri (20-04-2020 13:33:38)
A consulter en complément de cet exposé : Olivier Hanne et Sylvain Gouguenheim, invités par KTO à répondre à la question du pouvoir pontifical médiéval:https://www.revueconflits.com/video-les-... Lire la suite
Raymond Ferraro (26-01-2017 05:32:10)
En voulant soumettre "le pouvoir séculier de l'empereur, des rois et des féodaux, au pouvoir spirituel de l'Eglise", Grégoire VII déclenche en réaction la volonté des Etats de s'affranchir de la... Lire la suite
Lustucru (22-01-2017 23:13:34)
Le pape "n'est guère plus que l'évêque de Rome"... Le pape de Rome, n'est jamais autre chose que l'évêque de Rome dans l'Eglise des premiers siècles. Ce sont les carolingiens qui le porte au-de... Lire la suite