La population des États-Unis

Vers une refondation par l'immigration

Au moment de leur indépendance, en 1783, les Treize Colonies anglaises d’Amérique comptaient près de quatre millions d’habitants dont 700 000 esclaves africains (et non compris quelques millions d'Amérindiens qui n'allaient pas tarder à disparaître).

Les colons étaient en majorité d'origine britannique mais l'on comptait aussi une forte proportion de Hollandais, de Scandinaves et d'Allemands. Ils occupaient essentiellement le territoire compris entre l'océan Atlantique et la chaîne des Apalaches, soit environ 700 000 km2. Stimulés par une très forte natalité, des pionniers commençaient de se diriger vers l'Ouest où ils se heurtaient à des Indiens et à des trappeurs français plus ou moins hostiles.

À partir du milieu du XIXe siècle et jusqu'au milieu du XXe siècle, la croissance démographique va bénéficier d'une immigration massive en provenance d'Europe mais le croît naturel (naissances moins décès) demeurera toujours très nettement supérieur au solde migratoire. Ce n'est plus du tout le cas au XXIe siècle, avec un solde migratoire en provenance d'Asie et d'Amérique latine très nettement supérieur au croît naturel, lequel pourrait devenir négatif au milieu du siècle...

Béatrice Roman-Amat et André Larané

Une citoyenneté réservée aux « personnes libres blanches »

Sitôt l'indépendance acquise, la jeune fédération encourage l'immigration européenne en vue de consolider l'occupation du territoire et d'engager la « conquête de l'Ouest ». Par le Naturalization Act du 26 mars 1790, elle offre généreusement la citoyenneté aux free white persons (« personnes libres blanches »), autrement dit aux immigrants européens de bonnes mœurs, sous réserve qu’ils aient deux ans de résidence dans le pays.

Un Amérindien, détail du tableau La mort du général Wolfe  de Benjamin West, 1770, American Art, Vol. 9, N°1, 1995Cette loi exclut sans le dire les autres immigrants et surtout les esclaves et affranchis africains et les Indiens eux-mêmes. On peut y voir la première apparition de la couleur de peau comme catégorie juridique.

Dans le même temps, quand il s'est agi d'évaluer le poids de chacune des Treize États au sein de la fédération, la Convention de 1787 a appliqué une règle dite « des trois cinquièmes », selon laquelle cinq esclaves équivaudraient à trois citoyens libres ! Cette clause allait perdurer jusqu'à l'abolition de l'esclavage en 1865.

Les Indiens allaient demeurer des non-sujets jusqu’à la fin du XIXe siècle, même après que les noirs ont été libérés et dotés de droits civiques. C’est seulement en 1887 que le Congrès a voté le Dawes General Allotment Act qui a concédé la nationalité aux survivants des guerres indiennes, sous réserve qu’ils abandonnent leurs affiliations tribales.

Tout au long du XIXe siècle et même au-delà, le pays va voir sa population doubler tous les quarts de siècle, en premier lieu du fait d'une natalité très dynamique, en deuxième lieu, à partir de 1830, du fait de l'immigration européenne.

Au recensement de 1840, il compte déjà 17 millions d'habitants (Amérindiens exclus) dont 2 millions de noirs et 2 millions de blancs nés à l'étranger. 

À partir des années 1840-1850, les États-Unis vont accueillir des vagues massives d'immigrants venus d'Europe, essentiellement anglo-saxons, allemands et scandinaves  (du fait de cette immigration, les Étatsuniens d'origine allemande sont devenus au début du XXIe siècle le groupe le plus nombreux). 

En 1880, la population étasunienne s'élève à 50 millions d'âmes, en croissance de 30% par rapport à 1870, grâce à l'immigration mais aussi et surtout à la forte fécondité des habitants. L'immigration s'étend alors à l'Europe du Sud (Italie, Grèce) et à l'Europe centrale. Entre 1880 et 1920, près de 25 millions d'immigrants vont grossir la population résidente.

Du fait même de cette vague d'immigration, les États-Unis s'engagent tardivement et à reculons dans la Grande Guerre, par crainte d'attiser les dissensions au sein de leur propre population, les uns soutenant leurs cousins allemands ou autrichiens, les autres leurs cousins britanniques ou russes ! Après cette épreuve, l'opinion publique et le gouvernement se mettent en retrait des affaires internationales et se laissent tenter par l'« isolationnisme ».

De la difficulté de « faire Nation »

En 1920, pour éviter que le pays ne soit atteint par les divisions qui ravagent le continent européen, le sénateur républicain William P. Dillingham propose de limiter l'immigration à 350 000 visas par an avec des quotas par nationalité.

Son projet de loi est repoussé par le président démocrate Thomas Woodrow Wilson mais il est remis en selle l'année suivante par son successeur, le républicain Warren G. Harding. Il aboutit le 16 mai 1924, sous le mandat de son successeur Calvin Coolidge, au vote par la Chambre des Représentants de l'Immigration Act, aussi appelée loi Johnson-Reed, du nom de ses rapporteurs.

La loi de 1924 prolonge et durcit la loi de 1790 et les lois ultérieures en établissant des quotas très sévères par nationalité. Elle limite à 165 000 le nombre de visas annuels et ces visas sont attribués aux immigrants des différentes nationalités dans la limite de 2% du nombre de ressortissants de chaque nationalité déjà établi aux États-Unis en 1890 (soit avant la grande vague d'immigration italienne et orientale !).  C'est ainsi qu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont accueilli les juifs qui fuyaient l'Allemagne et l'Autriche nazies dans la limite des quotas réservés à ces pays.

En suspendant l'immigration de masse, l'Immigration Act a apaisé les tensions entre les différentes communautés. Elle a contribué à souder la société étasunienne autour de l'american way of life et sans doute tout cela a-t-il permis au pays d'atteindre son apogée après la Seconde Guerre mondiale.  Fort de 130 millions d'habitants en 1940 (6% de la population mondiale), le pays produit quasiment le quart de la richesse mondiale. 

En 1965, toutefois, les États-Unis se voient confrontés à une très forte pression migratoire des Latino-Américains de langue espagnole (Latinos) et notamment des wetbacks (« dos mouillés »), migrants clandestins traversant à la nage le Rio Grande, fleuve frontalier entre le Texas et le Mexique. Le président démocrate Lyndon B. Johnson décide alors d'abolir l'Immigration Act de 1924 et la politique de quotas. Il s'ensuit une relance de l'immigration, cette fois en provenance d'Amérique latine mais aussi d'Asie.

Ce phénomène bouleverse le visage des États-Unis, en corrélation avec le mouvement des noirs pour les droits civiques et les mesures de « discrimination positive » en faveur des noirs et de quelques autres minorités.

Little-Italy (Mulberry Street, Manhattan, New York), vers 1900

Une nouvelle immigration

En ce début du XXIe siècle, les États-Unis d’Amérique sont une fédération de 50 États, forte de plus de 300 millions d’habitants...

Troisième pays le plus peuplé après la Chine (1,3 milliard d'habitants) et l'Union indienne (1,1 milliard d'habitants), cinquième pays le plus étendu (9,160 millions de km2) après la Russie, le Canada, la Chine et le Brésil, ils constituent la première économie de la planète et la plus grande puissance militaire. Cette jeune nation est donc passée en à peine plus d’un siècle de l’état de nature à une puissance jamais égalée par le passé, qui plus est sans jamais trahir ses principes de liberté et de démocratie.

Les États-Unis ont vu leur population croître de près de 20% en dix ans, de 2000 à 2019 pour atteindre 330 millions d'habitants en 2019. Ils auraient franchi le seuil des 300 millions d'habitants très exactement le 17 octobre 2006 ! Il ne s'agit bien sûr que d'une estimation à valeur symbolique qui ne doit pas être prise à la lettre mais elle témoigne du dynamisme démographique de la première puissance mondiale.

La croissance est due à part à peu près égale aux naissances (nombreuses, y compris dans la population de souche européenne) et à l'immigration d'Asie et d'Amérique latine :
• 1800 : 5 millions d'habitants dont un quart d'esclaves africains (les Indiens ou Amérindiens, au nombre de quelques millions, sont en sus),
• 1900 : 76 millions,
• 1950 : 200 millions,
• 2006 : 300 millions.

Le poids croissant de l'immigration se reflète dans le fait qu'en 2015, 15% des habitants étaient nés à l'étranger contre 5% seulement en 1965 ! En un demi-siècle, le pays a accueilli près de quarante millions d'immigrants, essentiellement d'Asie et d'Amérique latine ; c'est un flux plus important en valeur absolue que le précédent flux migratoire (29 millions entre 1880-1920). À ce rythme-là, la population américaine dépassera les 400 millions en 2050.

Selon l'US Census Bureau, qui s'autorise les statistiques ethniques (note), le groupe qui a le plus progressé dans la première décennie du XXIe siècle est celui des Latinos (Hispano-Américains). Ils sont aujourd'hui plus de 50 millions, dont 32 millions d'origine mexicaine. Les Afro-Américains sont 38 millions (13% du total), les Asiatiques 15 millions et les Amérindiens 400 000 (plus ou moins métissés, ils sont le groupe le plus prolifique, en croissance de 19% sur dix ans). 

L'élection en novembre 2008 de Barack Hussein Obama, fils d'un Kényan et d'une blanche du Kansas, est l'illustration spectaculaire de cet immense brassage. Elle eut été proprement impensable cinquante ans plus tôt, quand les blancs d'origine européenne représentaient encore plus de 85% de la population et que les WASP (White Anglo-Saxon Protestant ; en français : « Protestants blancs et Anglo-Saxons ») tenaient les rênes du pouvoir.

Aujourd'hui, cette catégorie demeure majoritaire (223 millions, soit 72% du total) mais en 2008, pour la première fois, les bébés issus de ses rangs ont fait presque jeu égal avec ceux issus des minorités (52% d'un côté, 48% des autres).

Il s'ensuit que les blancs d'origine européenne seront minoritaires en 2040. Cette perspective n'est pas sans engendrer des tensions, en particulier dans les catégories populaires, victimes d'un déclassement social et parfois même d'une régression des conditions de vie et d'une baisse de l'espérance de vie. Dans les années 1920 déjà, au terme d'une première grande vague d'immigration, les États-Unis avaient connu de semblables tensions et y avaient répondu par des lois « isolationnistes » et une restriction drastique de l'immigration. Rien d'autre que la politique revendiquée par le président Donald Trump !

Des phénomènes similaires sont en cours en Europe occidentale mais le voile jeté sur les phénomènes migratoires - à l'exception du Royaume-Uni - ne permet pas de les quantifier.

Provenance des Étatuniens « blancs »

En 2010, les Étasuniens d'origine européenne étaient d'environ 222 millions (72% de la population totale du pays). Selon l'enquête American Community Survey de 2010–2015 fondée sur les déclarations des intéressés, les principaux groupes ancestraux européens se répartissaient comme suit :
1. Origine allemande : 46 millions (14,7% de la population totale étasunienne),
2. Origine irlandaise : 33 millions (10,9%),
3. Origine anglaise : 25 millions (7,2%),
4. Origine italienne : 17 millions (5,5%),
5. Origine française : 10 millions (3,1%),
6. Origine polonaise : 9 millions (2,8%),
7. Origine écossaise : 5 millions (1,7%),
8. Origine norvégienne : 4 millions (1,4%),
9. Origine néerlandaise : 4 millions (1,4%),
10. Origine suédoise : 3,9 millions (1,2%),
source : Slate, 1er juin 2020).

Publié ou mis à jour le : 2023-01-04 18:36:14

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