Sophie Germain (1776 - 1831)

La mathématicienne « Auguste »

Pas facile d'aimer les mathématiques quand on est femme à la fin du XVIIIe siècle ! Mais Sophie Germain n'est pas du genre à s'en laisser conter. Il faudra bien qu'on lui laisse vivre sa passion. Coûte que coûte...

Isabelle Grégor

Archimède et l'enfant

Née le 1er avril 1776, Marie-Sophie Germain part très tôt à la découverte des nombreux ouvrages qu'elle a à portée de main dans la bibliothèque familiale. Son père, un grand bourgeois parisien enrichi dans le commerce de tissus, est ouvert aux nouvelles idées puisqu'il siégera à l'Assemblée nationale en 1789 comme député du Tiers État avant d'être nommé directeur de la Banque de France. Mais de là à laisser sa fille faire des études, pas question ! Elle devra se contenter se fouiller dans les livres de la maison.

Mauvaise idée : à l'âge de 13 ans, elle découvre la vie et surtout la mort d' Archimède, et tombe amoureuse des mathématiques. Ce n'est pas du goût de ses parents : on lui confisque ses chandelles pour l'empêcher de travailler la nuit, on la prive de couvertures et de chauffage pour refroidir son enthousiasme. Mais rien ne pourra plus la détourner de sa passion.

Un Auguste en jupons

Portrait présumé de Sophie Germain. Agrandissement : Sophie germain, sculpture de Zacharie Astruc, XIXe siècle.C'est décidé, elle sera étudiante à l'École polytechnique. Mais elle oublie un détail : l'institution est interdite aux filles (et le restera jusqu'en 1970).

Sophie ne s'avoue pas vaincue et se procure l'identité d'un élève qui a abandonné ses études. Sous le nom d'Auguste Le Blanc, elle peut ainsi se procurer les cours et même échanger des courriers avec des enseignants, dont Joseph-Louis Lagrange qui repose aujourd'hui au Panthéon.

Impressionné par les aptitudes de cette élève inattendue qui est allée jusqu'à apprendre le latin et le grec pour lire les textes originaux, Lagrange devient son mentor et s'attache à la faire connaître.

La Tour Eiffel lui dit merci

Elle peut dès lors se lancer dans l'étude des nombres premiers et tenter d'expliquer des théorèmes comme celui de Fermat qui ne sera résolu qu'en 1994. À la fois audacieuse et assoiffée de connaissances, elle se permet de correspondre à partir de 1804 avec l'un des plus célèbres mathématiciens de son époque, l'allemand Carl Gauss. Mais « craignant le ridicule attaché au titre de femme savante » comme elle l'expliquera, elle reprend pour l'occasion son pseudonyme et n'avouera la supercherie que trois ans plus tard.  

En 1811, apprenant que l'Institut de France ouvre un concours pour comprendre l'apparition de formes géométriques sur les plaques vibrantes, elle se lance, et trouve ! Cet exploit qui en fait la première mathématicienne décorée par l'Académie permettra de mieux maîtriser l'élasticité des corps et donc, entre autres, de construire la tour Eiffel.  

Première femme à être autorisée en 1823 à assister aux séances de l'Académie des Sciences, elle meurt d'un cancer le 27 juin 1831, à seulement 55 ans. Sur son certificat de décès, à la mention de sa profession, un simple « rentière » résume tous les obstacles qu'elle a dû surmonter pour être reconnue comme scientifique.

Un « génie supérieur »

Photographie du moulage du crâne de Sophie Germain,Lui-même célébré comme un des grands esprits scientifiques de son temps, Carl Gauss n'a pas hésité à rendre un bel hommage à Sophie Germain :  
« Comment vous décrire mon admiration et mon étonnement, en voyant se métamorphoser mon correspondant estimé M. Leblanc en cet illustre personnage, qui donne un exemple aussi brillant de ce que j’aurais peine de croire. Le goût pour les sciences abstraites en général et surtoût pour les mystères des nombres est fort rare […].
Mais lorsqu’une personne de ce sexe qui, par nos mœurs et par nos préjugés, doit rencontrer infiniment plus d’obstacles et de difficultés que les hommes à se familiariser avec ces recherches épineuses, sait néanmoins franchir ces entraves et penétrer ce qu’elles ont de plus caché, il faut sans doute, qu’elle ait le plus noble courage, des talents tout à fait extraordinaires, le génie supérieur » (Lettre d'avril 1807).  


Publié ou mis à jour le : 2022-03-06 16:39:36
Legueltel (17-12-2023 12:42:16)

j’avoue que je ne la connaissais pas. Ce sont ces pionnières de la science dont on ne parle toujours pas! Et pourtant en 1955 j’étais en classe de math’élem. Merci pour cet article.

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