17 novembre 2012

La contestation à Notre-Dame-des-Landes

La mobilisation contre le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, en rappelle d’autres qui ont marqué les années 1970 (Larzac, Plogoff, Creys-Malville). Connaîtra-t-elle la même conclusion ?
Mise à jour : 13 décembre 2017.

affiche  Larzac 20 000 manifestants se sont réunis le samedi 17 novembre 2012 à Notre-Dame-des-Landes. Ils ont dénoncé le projet d’un grand aéroport dans ce bocage préservé de l’urbanisation, au nord de Nantes.

Cette mobilisation, qui réunit des écologistes, des ruraux et des gauchistes de toute la France, nous ramène aux années 1970... 

C’était pour empêcher l’extension du camp militaire du Larzac (1971-1981), et aussi contre un projet de centrale nucléaire à Plogoff, à la pointe de la Bretagne (1976-1981), et contre le surgénérateur Superphénix de Creys-Malville, au bord du Rhône (1976-1997).

Les deux premiers projets n’ont jamais vu le jour ; quant à Superphénix, il a été arrêté en 1997. Notre-Dame-des-Landes échappera-t-il au mauvais sort ? Ou collera-t-il au gouvernement comme le sparadrap au capitaine Haddock?

Notre-Dame-des-Landes : un aéroport pour quoi faire ?

Le projet de grand aéroport à Notre-Dame-des-Landes, sur 1 200 hectares de bocage humide, est né en 1963 dans le but d'accueillir le supersonique Concorde. Celui-ci ayant été abandonné, les édiles locaux ont mis en avant la saturation future de l'actuel aéroport de Nantes pour justifier le maintien du projet.

Aujourd'hui, les mêmes édiles invoquent le bruit de l'actuel aéroport, qui gêne les zones urbaines alentour (plutôt moins que les autoroutes avoisinantes), voire les emplois qui pourraient être financés sur place par le chantier (même si ces emplois doivent peser sur les comptes publics sans profit pour la balance commerciale).

L'entêtement de la classe politique sur ce projet est en totale contradiction avec le discours officiel sur l'écologie et le réchauffement climatique. Il tient vraisemblablement à l'enjeu financier que représentent les terrains de l'actuel aéroport, soit 300 hectares constructibles entre l'agglomération nantaise et un espace naturel aujourd'hui protégé... Si le terrain de l'aéroport devait être urbanisé, il est probable que cet espace naturel lui-même ne tarderait pas à céder à la pression des promoteurs !

Le Larzac

Le  Larzac à Paris En octobre 1971, sous la présidence de Georges Pompidou, le ministre de la Défense Michel Debré annonçait l’extension du camp d’entraînement du Larzac, qualifié par le ministre de « pays déshérité ». Il devait passer de 3 000 à 14 000 hectares, au nom de l'urgente nécessité d'offrir à l'armée les moyens d'entraînement indispensables à la préservation de notre sécurité à tous. Un impératif moral !

Étaient concernées cent trois familles, qui cultivaient des céréales et élevaient des brebis sur ces causses proches des caves de Roquefort.

Troublées dans leur quiétude, elles s’opposent avec vigueur à l’extension. Leur lutte, au nom de l’écologie, du respect de l'agriculture et aussi de l’antimilitarisme, reçoit le soutien des syndicats et des partis de gauche (150 Comités Larzac sont créés en France).

Elle devient nationale, couronnée par une montée sur Paris avec des brebis qui iront brouter le Champ-de-Mars. De nombreuses manifestations ont lieu aussi sur place. Leur leader, José Bové, ne tardera pas à acquérir une stature nationale.

L’élection de François Mitterrand, en 1981, signe la mort du projet. La « Grande Muette » ne fait pas de commentaire et, à vrai dire, s'accommode plutôt bien de l'abandon du projet, l'entraînement à la guerre essentiellement en milieu urbanisé ne justifiant plus de grands espaces. 

Plogoff

Nous sommes en 1976. L’heure est à l’indépendance énergétique et la France a fait le choix du nucléaire. L’exploitant public EdF projette de construire une centrale en Bretagne pour remédier à un déficit d’électricité dans la région. Il ne s'agit pas que la Bretagne retombe dans le sous-développement. Ici, c'est l'impératif social qui prévaut !

Les collectivités régionales s’y montrent favorables mais pas les habitants ni les maires des communes concernées. Les manifestations se multiplient, sur le même mode que le Larzac, où l’opposition continue, et en parallèle avec Superphénix.

Le Premier ministre Raymond Barre signe néanmoins la déclaration d’utilité publique pour une centrale sur le site de Plogoff le 11 janvier 1979. Mais deux mois plus tard, le 28 mars 1979, survient l’accident nucléaire de Three Mile Island, aux États-Unis. Il fait les choux gras des opposants à Plogoff, qui reçoivent le soutien de François Mitterrand. Il s’engage à renoncer à cette centrale une fois élu !

En définitive, les Bretons et les touristes s’accommodent plutôt bien de son absence. Le site naturel exceptionnel de la pointe du Raz est préservé et, pour l'heure, on ne note aucun déficit en énergie dans la région.

Superphénix

En avril 1976, le Premier ministre Jacques Chirac autorise la commande du surgénérateur Superphénix. C’est une première mondiale à cette échelle. Le réacteur doit, non seulement produire de l’électricité par la fission de l’uranium, mais aussi utiliser les neutrons rapides qui en résultent pour pour transformer de l'uranium 238 (non fissile) en plutonium 239 fissile. Ainsi, on multiplie par cent les réserves de combustible nucléaire aujourd'hui constituées seulement d'uranium naturel minier. D'où le nom de cette technologie : surgénération (sous-entendu de combustible).

Lyrique, le président Valéry Giscard d’Estaing affirme que la France disposera ainsi d’autant d’énergie que l’Arabie Saoudite !... On peut faire un parallèle avec Michel Rocard, qui assure aujourd’hui que les gaz de schiste feront de la France un Qatar européen.

Aussitôt, les opposants organisent deux manifestations internationales sur le site. Elles dégénèrent et les affrontements avec les forces de l’ordre conduisent à la mort d’un manifestant.

En dépit du changement de majorité en 1981, le projet est maintenu et l’opposition s’amplifie. En 1982, le chantier de Superphénix est attaqué avec une roquette, action plus symbolique que destructrice.

Menée au pas de charge, la construction aboutit à la mise en service du réacteur en 1984. Mais celui-ci souffre de plusieurs incidents techniques que les opposants mettent en avant pour retarder son exploitation.

Après une longue période d’arrêt, le Premier ministre Michel Rocard signe un décret de redémarrage le 12 janvier 1989. Mais la lutte continue et s’internationalise avec une manifestation à Genève. Il faut dire que la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (avril 1986) est passée par là.

Superphénix est définitivement arrêté par le gouvernement Jospin en 1997. Le Phénix est abattu en plein vol, mais le principe de la surgénération n’est pas mort !

Et maintenant…

Que retenir de ces luttes ? Si Plogoff avait été construit, la Bretagne aurait-elle autant qu’aujourd’hui le souci de développer les énergies renouvelables ? Peut-être pas.

Superphénix concerne le nucléaire de long terme avec la surgénération rebaptisée Génération IV. Celle-ci fait toujours l’objet de recherches au Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) et il est peu vraisemblable qu’elles soient interrompues (projet Astrid).

Le Larzac concernait la Défense nationale. La chute du Mur de Berlin a mis au rencart les déploiements de chars dans les steppes orientales. Pas de regrets de ce côté. L’armée s’est recentrée sur les luttes du futur, avec la guérilla urbaine qui demande moins d’espace d’entraînement.

Ces trois luttes emblématiques ont traversé plusieurs mandatures et usé encore plus de gouvernements. L’histoire se reproduira-t-elle avec le projet de nouvel aéroport à Nantes ? La fin de la procédure d’utilité publique et le démarrage des travaux arrivent au plus mauvais moment pour Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et Premier ministre de François Hollande.

L'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est-il plus indispensable à l'avenir de la région nantaise que la centrale de Plogoff à celui de la Bretagne ? Ces projets se fondent sur le postulat que les infrastructures sont le préalable au développement économique et à la prospérité : une autoroute, une ligne TGV, un aéroport, une centrale thermique... et hop, voilà les habitants qui deviennent plus industrieux, comme transformés par la proximité de ces monuments !

Ce postulat reste à démontrer bien qu'il remonte au moins à Louis XIV. Le roi lança à grands frais le creusement du canal du Midi, entre la Méditerranée et l'Atlantique, en vue de réveiller Toulouse et sa région. Résultat : c'est seulement aujourd'hui que ledit canal connaît un peu d'animation grâce aux touristes anglais qui le parcourent en péniche.  

Alban Dignat
Publié ou mis à jour le : 2021-04-16 14:49:53

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