L'évasion de Louis XVI

Le désastre de Varennes

L'Histoire fait un retour en force à la télévision. Faut-il s'en réjouir ? Pas si sûr, à voir comme elle est parfois maltraitée. Ce fut le cas ce mercredi 24 février 2009 sur France 2 avec le deuxième volet de la série : Ce jour-là, tout a changé...

Après un «docu-fiction» sur L'assassinat d'Henri IV (14 mai 1610), nous avons donc eu droit à L'évasion de Louis XVI (21 juin 1791). Curieux titre d'ailleurs pour un événement que les historiens qualifient plutôt de fuite à Varennes. Le roi des Français, en effet, n'était pas formellement prisonnier aux Tuileries.

Richard Fremder et André Larané.

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Rappel des faits

Deux ans après l'ouverture des états généraux, la monarchie française est en passe de se doter d'une Constitution. La Révolution paraît terminée et les institutions fonctionnent plutôt bien, à un détail près : l'entourage royal ne se résigne pas à la nouvelle donne...

Suite à la condamnation par le pape de la Constitution civile du clergé, Louis XVI se résigne à mettre en oeuvre le projet de feu son conseiller Mirabeau : rejoindre les troupes fidèles qui stationnent en Champagne et chasser par la force les révolutionnaires... Ce projet va échouer à Varennes.

Une occasion manquée

Le réalisateur Arnaud Salignac, son scénariste Emmanuel Bézier et son conseiller l'historien Jean-Christian Petitfils affichent d'emblée leur désir de réhabiliter le roi. Pourquoi pas ? Il est vrai que celui-ci n'était pas un benêt ni un fainéant mais peut-être le plus cultivé de nos monarques. Mieux entouré, mieux formé à son métier, il eut infléchi les événements dans un tout autre sens...

Malheureusement, à trop vouloir asséner ce credo... et à en rajouter dans des scènes d'intimité aussi fantaisistes qu'inutiles, les auteurs ont oublié la véritable intrigue et sont passés à côté du sujet et, plus grave, du public. Les nombreux retours en arrière («flashbacks») rendent l'histoire incompréhensible pour qui ne la connaît déjà...

Dommage car rien n'est plus passionnant et haletant que la véritable fuite à Varennes, avec son incroyable enchaînement de complots, de poursuites et de rendez-vous ratés !

C'est à se demander à qui s'adresse ce genre d'émission : aux passionnés, qui connaissent déjà bien l'histoire, ou au grand public ? S'agit-il, comme dans la plupart de nos musées, de distraire seulement une minorité «éclairée» ou bien de (re)donner au grand public et surtout aux jeunes Français du goût pour l'Histoire ?

Un roi bienveillant ?

L'évasion de Louis XVI développe une thèse selon laquelle le roi voulait, en quittant Paris, simplement sauver sa famille et négocier une nouvelle constitution. Une thèse un peu trop... royaliste pour être honnête. Ce qui est certain, c'est que Louis XVI ne voulait pas fuir son pays (il avait trop de bon sens pour comprendre qu'il y perdrait sa légitimité) mais il tenait à restaurer son autorité pleine et entière, fût-ce par les armes.

Le comédien qui joue le roi, malgré ses qualités, est peu crédible. Au physique d'abord : on nous présente un homme avenant et fin alors que Louis XVI était un gros et grand homme (1,90 mètre), indécis et torturé par sa timidité (voir ci-contre le portrait officiel du roi et celui de l'acteur).

Au mental, par ailleurs, l'acteur prête au souverain une force et une autorité peu crédibles au vu de son manque de prise sur les événements.

Un chapelet d'erreurs

Comme trop souvent dans les films d'histoire, on regrette ici les costumes trop neufs et bien repassés, ainsi que les poncifs sur les gardes forcément avinés et paillards, le peuple forcément miséreux, les hurlements anachroniques et une foule réduite à une douzaine de personnes, comme lors des journées révolutionnaires du 5 et 6 octobre 1789...

Ces fameuses journées, au cours desquelles les Parisiennes viennent en délégation à Versailles réclamer du pain et l'approbation par le roi de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et repartent avec la famille royale, sont outrageusement maltraitées. Erreur curieuse : c'est à la chasse que le roi est informé de l'arrivée de la délégation alors que dans les faits, il était à Versailles car il pleuvait ce jour-là ; la reine, quant à elle, se morfondait dans le parc du Trianon en songeant à son fils, mort peu avant.

Hélas, ce n'est pas la seule erreur du film. Celles-ci s'égrènent tout au long du film, altérant la vraisemblance et la compréhension des événements. La Fayette a l'allure d'un vieux soudard alors que c'est à l'époque un fringant officier de 33 ans, plus jeune que le roi lui-même (36 ans). Le soupirant suédois de Marie-Antoinette, Axel de Fersen, qui a organisé l'équipée, est renvoyé par le roi dès le départ des Tuileries alors que dans les faits, ce fut seulement lors d'un changement de voiture à Bondy.

Le fils du maître de poste Drouet, qui a reconnu le roi à Sainte-Ménehould, est présenté comme un rustre ; c'est oublier un peu vite qu'il avait séjourné à Versailles. Il ne semble pas non plus que les hussards chargés d'escorter la berline royale aient eu à s'opposer à la foule ou tirer sur elle car ils furent rapidement désarmés et finalement pactisèrent avec les villageois...

Le film ne dit rien par ailleurs de l'Assemblée qui invente l'idée d'enlèvement du roi alors qu'il eut été important de montrer l'embarras des députés face à ce départ qui mettait à mal l'édifice constitutionnel.

L'Histoire a-t-elle un avenir à la télévision ?

Et l'on en revient à notre question du début... Comment a-t-on pu ennuyer le public avec un sujet a priori aussi captivant ? Voudrait-on offrir des arguments à ceux qui, à la télévision publique, veulent privilégier les émissions attrape-nigauds au détriment de la culture et de la pédagogie ?

Pareille contre-performance est inexplicable si on compare l'émission à la première de la série : L'assassinat d'Henri IV (belle mise en scène, respect de la vérité historique, décors et personnages vraisemblables) ou encore à la coproduction franco-italienne La reine et le Cardinal (voir ci-dessous) qui, comme la série anglo-saxonne sur les Tudors (actuellement sur Canal+), nous scotche littéralement sur nos sièges...

La Reine et le Cardinal : (presque) réussi !

Soyons équitables : la chaîne France 2, en coproduction avec la RAI, nous a offert les 10 et 11 février 2009 un excellent docu-fiction sur Mazarin et Anne d'Autriche : la Reine et le Cardinal. À la fois passionnant et d'une grande exactitude historique (il eut été cependant utile de rappeler que Mazarin n'était pas prêtre de sorte que sa liaison avec la veuve de Louis XIII n'avait rien de répréhensible).

Mais comme il est dommage que ce téléfilm ait dû être interdit aux moins de 10 ans ! Avec quelques scènes de lit en moins, il aurait pu devenir un document de référence pour les écoliers, les collégiens, leurs parents et leurs maîtres.

En cherchant à attirer les amateurs de scènes «chaudes», les réalisateurs de films à vocation pédagogique déroutent le public familial, qui reste leur cible principale. Ils seraient gagnants et, qui plus est, s'honoreraient en évitant ce genre de facilité et en limitant leur propos aux ressorts de l'histoire.

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Publié ou mis à jour le : 2020-05-09 11:37:09

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