L'esclavage était la règle dans l'Antiquité et l'est resté jusqu'à l'aube du XXe siècle en Afrique et au Moyen-Orient. En Europe occidentale, sa disparition a mis plusieurs siècles à entrer dans les faits malgré la montée en puissance de l'Église et la diffusion de la morale chrétienne.
Un fructueux commerce
À l'époque de Charlemagne et de ses successeurs, dans la première période du Moyen Âge, les guerriers francs mènent des combats sans relâche contre les tribus païennes installées sur l'Elbe ou au-delà. Après avoir soumis les Saxons de langue germanique, ils s'en prennent aux Slaves.
Les prisonniers slaves alimentent en grand nombre un commerce actif entre Venise et l'empire arabe du sud de la Méditerranée. Ils rejoignent en premier lieu la place de Verdun, en Champagne, où ils sont systématiquement émasculés (!). Un quart environ d'entre eux ne survivent pas à cette brutale mutilation. Les autres gagnent Venise puis, de là, sont embarqués vers les ports orientaux.
Les marchands vénitiens, bien que de religion chrétienne, ne voient pas d'objection à vendre des païens slaves aux musulmans. Venise conserve le souvenir de ce fructueux commerce dans le nom d'un quai célèbre à l'extrémité du Grand Canal : le quai des Esclavons (nom sous lequel étaient désignés à l'époque les Slaves). C'est l'époque où, dans les langues occidentales, le mot « esclave » ou « slave » se substitue au latin « servus » pour désigner les travailleurs privés de liberté.
Ce trafic très particulier se tarit vers l'an 1100 du fait de la christianisation des Slaves.
Une longue survivance
L'Europe médiévale n'est pas elle-même exempte d'esclavage, toute chrétienne qu'elle soit.
Aux premiers siècles du Moyen Âge, des esclaves sont employés dans les grandes propriétés agricoles, y compris dans les monastères. Ils sont le fruit de relations commerciales ou guerrières avec les régions périphériques de l'Europe (Slaves, musulmans...).
L'Église, qui fixe les codes moraux de la société, ne trouve rien à redire à cet esclavage qui se distingue assez peu du servage. Elle exige simplement que les esclaves soient bien traités et baptisés.
Les moeurs évoluent toutefois aux XIIe et XIIIe siècle du fait de la prospérité économique et de l'émancipation de la paysannerie. L'esclavage devient objet de scandale. Le roi de France Louis X le Hutin publie le 3 juillet 1315 un édit qui affirme que « selon le droit de nature, chacun doit naître franc ». Officiellement, depuis cette date, « le sol de France affranchit l'esclave qui le touche ».
Dans les faits, la prohibition de l'esclavage connaît de nombreuses entorses dans les régions méditerranéennes qui entretiennent des relations commerciales avec les pays musulmans.
Des esclaves s'activent dans les plantations spéculatives qui se développent au XVe siècle en Provence, au Portugal, en Espagne, en Italie ou encore à Chypre. Parmi eux, des milliers de Noirs achetés sur les marchés marocains et très prisés comme tout ce qui a un parfum d'exotisme. Certains de ces esclaves sont employés à des tâches domestiques. Ce sont généralement des femmes qui font office de servantes, de concubines et plus encore de nourrices.
On n'a plus de traces de cet esclavage au XVIe siècle, sous la Renaissance, ce qui fait dire à Jean Bodin, dans Les Six Livres de la République, en 1576 : « Tout le monde est rempli d’esclaves, hormis un quartier de l’Europe ».
Le servage
Une autre forme de servitude est apparue en Occident au temps de Charlemagne et de ses successeurs : le servage.
En ces premiers siècles du Moyen Âge, sous l'effet de l'insécurité et de l'affaiblissement du pouvoir central, les paysans sacrifient leur liberté en échange d'un lopin de terre et de la protection du principal guerrier du lieu, le seigneur. Ils sont attachés à leur lopin de terre, de père en fils, et n'ont pas le droit de le quitter ni de le vendre. De là le nom de « manants » qui leur est souvent donné (du latin manere, rester).
En échange de la terre, ces paysans doivent verser à leur seigneur une redevance annuelle, généralement en nature (céréales...). Ils doivent aussi travailler une partie de l'année sur les terres qui appartiennent en propre à leur seigneur, la « réserve ». Si leur fille se marie à l'extérieur de la seigneurie, ils doivent verser une taxe spéciale, dite de « formariage » pour compenser la perte de revenu qui s'ensuit pour le seigneur. Enfin, à leur décès, ils doivent aussi payer une taxe dite de « mainmorte » pour pouvoir léguer leurs biens meubles (outils...) à leurs héritiers légitimes.
Certains paysans, dépourvus de terre, sont sous l'entière dépendance du seigneur et travaillent sur sa réserve. C'est à eux que s'applique plus spécialement le qualificatif de serf (une déformation du mot latin servus, esclave). Ils peuvent recevoir du seigneur un lopin de terre en échange de leurs services. On parle alors de « serfs chasés ». À la différence des esclaves traditionnels, les serfs de l'époque carolingienne ne peuvent être vendus comme des meubles. Ils ont une existence juridique faite de droits et de contraintes.
Au fil des générations, les seigneurs en manque d'argent relâchent leur emprise sur les paysans et les serfs. Ils leur cèdent la pleine propriété de leur terre, sans servitude d'aucune sorte, contre espèces sonnantes et trébuchantes, si bien qu'au XIIIe siècle, à l'époque du roi Saint Louis, le servage a déjà à peu près complètement disparu d'Europe occidentale (il survivra en Europe orientale et en particulier en Russie jusqu'au milieu du XIXe siècle). Une lettre célèbre de Louis X le Hutin, en 1315, traduit l'agacement du souverain devant la survivance de cette abjection...
Le génocide voilé (Tidiane N'Diaye)
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Nicolas (01-05-2014 12:32:45)
Il serait bon de se rappeler que le servage a complètement disparu d'Europe au XIX° siècle et pour la Russie seulement sous le tsar Alexandre II(de mémoire)