Jean-Paul Bertaud

Le mémorialiste de la Révolution et l'Empire

Avril 2009 : père vendéen, mère bretonne, Jean-Paul Bertaud (1935-2015) a été bercé dans son enfance par les souvenirs de chouans. Il en a tiré une passion pour l'histoire de France mais n'en est pas moins devenu un fervent républicain, amoureux de la geste révolutionnaire !

Jean-Paul Bertaud a publié plus d'une vingtaine de livres ; le plus récent, Les royalistes et Napoléon, est un régal de l'esprit...

L'historien garde une vive reconnaissance à ses maîtres de la Sorbonne, en particulier à Marcel Reinhard, connu pour La chute de la royauté, 10 août 1792 (Paris, Gallimard,1969).

Marcel Reinhard l'a orienté vers la Révolution et l'Empire en lui confiant un mémoire de maîtrise sur les Amis du Roi (les journaux et journalistes royalistes de 1789 à 1792) puis une thèse de doctorat sur l'Armée de la Révolution. Vaste sujet !...

André Larané
Jean-Paul Bertaud raconte... la face cachée de l'Empire

Jean-Paul Bertaud (2 août 1935 ; 21 novembre 2015 ) Richard Fremder s'entretient avec l'historien qui vient de publier Les Royalistes et Napoléon (Flammarion, avril 2009, 468 pages, 25 euros).

Avec esprit, Jean-Paul Bertaud démonte la légende dorée napoléonienne et fait revivre l'atmosphère trouble dans laquelle a baigné la France sous le Consulat et l'Empire...

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Les soldats à la moulinette informatique

« Songez que nos archives militaires conservent les registres de plus d'un million de soldats de la Révolution et de l'Empire, lance Jean-Paul Bertaud. J'ai découvert dans ces registres des informations de première main sur les combattants, leurs origines sociales, les conditions de leur incorporation, leurs conditions d'existence etc. »

Le jeune chercheur a procédé à leur dépouillement en extrayant par sondage 40.000 fiches. Pour leur traitement, il se souvient d'avoir utilisé à titre exceptionnel l'une des premières « bécanes » de l'ère informatique. La saisie se passait la nuit dans les locaux de l'industriel ! La thèse est parue sous le titre : La Révolution armée (Robert Laffont, 1979). A suivi un ouvrage sur La Vie quotidienne des soldats au temps de la Révolution, 1789-1799 (Hachette, 1985) et plus tard : Quand les enfants parlaient de gloire. L'armée au cœur de la France de Napoléon (Aubier, 2006).

« Dans cet essai, explique Jean-Paul Bertaud, je montre comment Napoléon 1er a voulu contrer la montée de l'individualisme dans la société civile en la tempérant par le recours aux valeurs militaires : honneur, solidarité, dévouement... Cette option se retrouve jusqu'à nos jours chez certains hommes d'État, par exemple le général de Gaulle ». Ainsi les jeunes élèves des lycées sont-ils bercés par la musique militaire et la lecture des Bulletins de la Grande Armée ; ainsi les citoyens méritants se voient-ils proposer une « Légion d'Honneur »...

Le gibier de l'historien

Plus encore qu'à Napoléon, l'historien s'est intéressé aux seconds rôles de cette période d'exception en bon disciple de Marc Bloch (« Le bon historien ressemble à l'ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier », Apologie pour l'Histoire).

Des seconds rôles romanesques à souhait ! Le premier est Camille Desmoulins, découvert à l'occasion des recherches sur les Amis du Roi. « L'avouerai-je ? Je me suis intéressé à lui mais plus encore à sa femme, l'extraordinaire Lucile, un personnage qui ne laisse aucun homme indifférent, fut-il historien, confie-t-il, et mon épouse pourrait vous dire combien j'ai souffert quand j'ai dû raconter sa marche vers la guillotine ».

Autre « gibier » de Jean-Paul Bertaud : François Choderlos de Laclos ! L'auteur des Liaisons dangereuses, roman amoral de la fin du règne de Louis XVI, est aussi un brillant officier d'artillerie, un franc-maçon, le secrétaire du duc d'Orléans, un Jacobin républicain et un général de Bonaparte. Les militaires lui doivent l'invention du boulet creux. Jean-Paul Bertaud, au fil de ses recherches, a aussi découvert que ce personnage hors normes, caractéristique du Siècle des Lumières, a aussi correspondu avant la Révolution avec le jeune duc d'Enghien !

L'héritier de l'illustre famille des Condé, fusillé à 31 ans dans les fossés de Vincennes, n'a pas manqué d'attirer l'attention de l'historien. Lui aussi est quelque peu méconnu et, avouons-le, sous-estimé.

Émigré, il met son épée au service de la contre-révolution. Entre les batailles, il discute courtoisement avec ses homologues de l'autre camp. « Homme des Lumières, lucide, il comprend vite que le retour à l'Ancien Régime est illusoire, que l'égalité et la fin des privilèges institutionnels sont inéluctables », explique Jean-Paul Bertaud. Dans l'émigration, certains pensent à lui comme à un monarque de rechange si les frères de Louis XVI se révélaient décidément trop obtus ! L'enlèvement du jeune homme par le Premier Consul, son jugement sommaire et son exécution mettront fin à ses espérances de la manière la plus brutale qui soit.

Le poids des mots

Au gré de ses flâneries dans les temps héroïques de la Révolution et de l'Empire, Jean-Paul Bertaud a mesuré le poids de la presse. « Le quatrième pouvoir n'est pas né d'aujourd'hui, souligne-t-il. Songez que de 1789 au renversement de la monarchie, à la fin 1792, les journaux pullulent à Paris et dans les villes de province. Beaucoup de feuilles tirent à quelques milliers d'exemplaires et quand on en fait l'addition, on arrive à un total d'environ 2 millions de lecteurs ». C'est près de 10% de la population totale, un tiers ou la moitié des adultes sachant lire.

Cette presse est totalement libre et ne souffre d'aucune censure. Elle manifeste une extrême violence de ton, incluant des appels au meurtre ! En avril 1792, quand la France entre en guerre contre l'Autriche et la Prusse, des journaux ne craignent pas de se réjouir des succès ennemis...Même sous la Terreur (1793-1794) et la dictature napoléonienne (1799-1814), on rencontre encore des pamphlets d'opposition, plus discrets il est vrai.

Avec Les royalistes et Napoléon (Flammarion, avril 2009), Jean-Paul Bertaud réalise une forme de synthèse d'une bonne partie de ses travaux : il nous présente la fin de la Révolution et l'Empire sous un éclairage inhabituel, celui des vaincus. Des vaincus au demeurant pas si vaincus que cela !... « Sans doute l'avons-nous oublié mais le romantisme des années 1820 et 1830 est né de la nostalgie du passé monarchique, voire féodal », dit-il. Cette nostalgie royaliste et anti-révolutionnaire a inspiré à de jeunes esprits comme Lamartine, Musset et Hugo, ou de moins jeunes comme Chateaubriand, de remarquables créations littéraires et poétiques.

Publié ou mis à jour le : 2020-11-22 11:36:10

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