États-Unis-France

Je t'aime un peu, beaucoup...

La Fayette et Washington, statue de la place des États-Unis, ParisLes États-Unis sont fils des « Lumières ».

Les riches Virginiens qui ont porté le pays sur les fonts baptismaux participent à l'effervescence intellectuelle de leur époque. À l'image de Thomas Jefferson, l'auteur de la mémorable Déclaration d'Indépendance, ils connaissent et aiment les salons parisiens du milieu du XVIIIe siècle.

Lorsqu'il s'est agi de donner une Constitution à leur pays, ils mettent pour la première fois au monde en application le principe de la séparation des pouvoirs édicté par Montesquieu dans L'Esprit des Lois (1748).

Les beaux esprits parisiens ne sont pas moins sensibles à l'exotisme d'outre-Atlantique. Ils s'entichent de l'inénarrable Benjamin Franklin, plénipotentiaire des Insurgents en guerre contre le gouvernement anglais.

Sans doute faut-il y voir l'origine du lien sentimental qui lie depuis lors la France et les États-Unis.

Benjamin Franklin présenté à Marie-Antoinette (1853, William Overend, château de Blérancourt) ; agrandissement : Franklin revendique les droits sur les colonies américaines devant Louis XVI (1847, George Peter Alexander Healy)

Des débuts houleux

La première rencontre entre les Français et les futurs Étatsuniens s'est pourtant bien mal passée. C'était le 28 mai 1754, à la veille de la guerre de Sept Ans.

Georges Washington, jeune lieutenant de la milice anglaise de Virginie pendant la guerre de Sept Ans (1772, Charles Wilson Peale)Les Anglais prétendaient chasser les Français du fort Duquesne, sur l'Ohio. L'un des officiers du fort, le sieur de Jumonville, se rend auprès d'eux pour parlementer, précédé d'un drapeau blanc. Il se présente devant un jeune officier de 22 ans, un certain George Washington, quand soudain la troupe fait feu. Jumonville, blessé, est achevé d'un coup de tomahawk par l'un des Iroquois qui entourent Washington. Celui-ci ne bronche pas. L'affaire fait scandale en France et indigne même Voltaire.

Quittant plus tard sa retraite de Mount Vernon pour prendre la tête des Insurgents, Washington montrera de meilleures dispositions à l'égard des Français devenus ses alliés face à l'Anglais. Le jeune marquis de La Fayette, le comte de Rochambeau et quelques autres aristocrates de haut rang lui apportent, il est vrai, les hommes, les armes et les compétences stratégiques qui lui font défaut.

En facilitant l'indépendance des États-Unis d'Amérique, la France peut se flatter d'avoir porté un coup à son ennemie héréditaire, l'Angleterre, mais l'entreprise creuse le déficit des finances publiques et va contraindre le roi Louis XVI à convoquer les états généraux. S'ensuit la Révolution. Il y a comme cela des amitiés qui se paient au prix fort.

Au demeurant, les relations entre les États-Unis et la France révolutionnaire se dégradent très vite. Elles aboutissent même à une « quasi-guerre » après que le Congrès américain eut abrogé le 7 juillet 1798 les traités bilatéraux avec Paris.

Le président John Adams, un ancien proche de George Washington (tiens, tiens) ordonne un embargo sur les produits français et apporte son soutien à l'insurrection de Toussaint Louverture à Saint-Domingue. La paix est rétablie en 1800 avec l'accession à la présidence du très francophile Thomas Jefferson.

Quoiqu'il en soit de ces avanies, de nombreux Français traversent l'Atlantique pour échapper à la guillotine ou fuir la dictature. Parmi eux Talleyrand, qui s'enfuit après la chute de la monarchie et ne reviendra en France que sous le Directoire, en 1796.

Un autre émigré célèbre, définitif celui-là, est l'économiste Pierre Dupont de Nemours. S'étant caché pendant la Terreur, il s'établit aux États-Unis à la chute de l'Empire, en 1815. Dans le Delaware, son fils Éleuthère Irénée fonde une poudrerie. Elle est devenue aujourd'hui, sous le nom de Du Pont, la première entreprise chimique du monde !

Napoléon Ier lui-même caressa l'espoir de se réfugier outre-Atlantique après son ultime défaite à Waterloo. Les Anglais (encore eux) ne lui laissèrent pas ce plaisir et l'expédièrent à Sainte-Hélène.

Bataille navale entre le navire USS Constellation and la frégate française Insurgente pendant la quasi-guerre, en 1799

Indifférence polie

Le vicomte François-René de Chateaubriand mérite une place à part. Il quitte la France en 1791 pour les États-Unis et visite le pays pendant quelques mois avant de rejoindre à Coblence, sur les bords du Rhin, les nobles émigrés.

Dix ans plus tard, il tirera de son expérience américaine deux romans : Atala et René qui vont alimenter l'intérêt des Français pour une Amérique de pacotille, éloignée de la réalité étasunienne.

Quarante ans plus tard, en 1831, deux autres jeunes Français s'embarquent pour une mission d'étude. Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont procèdent avec méthode. Ils publient leurs observations sur les États-Unis à l'époque d'Andrew Jackson, le premier président non issu de la génération de l'indépendance.

Le chef-d’œuvre de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, met à jour les fondements de la démocratie moderne à une époque où la France et les autres États européens vivent encore dans des monarchies dominées par une bourgeoisie plus ou moins « éclairée ». Il va proprement modeler pour les deux siècles à venir le regard que les Français et les Étasuniens portent sur la société et les institutions américaines.

La première église américaine de la Sainte Trinité, 12, rue de Berry, Paris (1886, Jean Béreau) (Paris)
La Liberté sera américaine

Sautons un demi-siècle pour découvrir un autre chef d'œuvre porteur de sens : la Liberté éclairant le monde ! Nous sommes en 1886 et le sculpteur Auguste Bartholdi inaugure à l'entrée du port de New York une statue monumentale, avec sur son piédestal un poème à l'adresse des immigrants :
« Donne-moi tes pauvres, tes exténués
Qui en rangs pressés aspirent à vivre libres,... »

Dès lors, dans l'esprit des Américains comme de tous les démocrates de la planète, les États-Unis vont apparaître comme le grand pays de la Liberté. On en oubliera la brutalité du capitalisme local, la corruption et le sort fait aux minorités indiennes et noires.

Les immigrants qui afflueront par millions à New York ne voudront retenir de leur arrivée que le souvenir de cette statue, oubliant le centre de tri sinistre d'Ellis Island, prélude à leur exploitation dans les usines de la Nouvelle-Angleterre et du Middle West.

Côté américain, les présidents, de Jackson à Wilson, ignorent tout de la France et du Vieux Continent. Leur horizon se limite au continent américain, à la Grande-Bretagne et au Pacifique...


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Chicago
Publié ou mis à jour le : 2022-03-08 17:12:33
Louis (05-03-2014 09:47:42)

Bonjour à tous et merci à Hérodote dont je suis un fidèle abonné depuis le début: je suis toujours bouche bée face à ce système américain des Lumières qui a développé une société des pl... Lire la suite

Albert A. (03-03-2014 08:20:49)

Bonjour, votre article synthétique mentionne ce que vous appellez "la pseudo guerre" de 1798-1800 entre la France et les USA, un évènement de bien peu d'importance. Par contre, il omet d... Lire la suite

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