Henri VIII Tudor (1491 - 1547)

Le roi qui respectait trop le mariage

Henri VIII monte sur le trône d'Angleterre à 17 ans, le 22 avril 1509. Il succède à son père Henri VII, fondateur de la dynastie des Tudor, en lieu et place de son frère aîné Arthur, mort prématurément, en 1501.

Henri VIII Tudor à son avènement vers 1509 (Greenwich, 28 juin 1491 ; Whitehall, Londres, 28 janvier 1547) ; portrait de Meynnart Wewyck (musée d'art de Denver)Le roi, qui jouit d'un pouvoir quasiment absolu, va provoquer une rupture religieuse avec Rome et un schisme sanglant pour de simples motifs conjugaux. Colérique mais respectueux du mariage chrétien et soucieux d'avoir un héritier mâle, il va en effet répudier sa première épouse et se marier au total six fois.

Outre la première épouse, Catherine d'Aragon (mère de la future reine Marie Tudor), il aura aussi répudié Anne de Clèves. Il aura par ailleurs fait décapiter Anne Boleyn (mère de la future Elizabeth Ière) et Catherine Howard. Jeanne Seymour sera morte en couches en donnant le jour au futur Édouard VI. Catherine Parr aura enfin la chance insigne de lui survivre.

En définitive, après le règne très bref de son seul fils, ce sont ses deux filles réputées bâtardes qui vont lui succéder sur le trône, dont Elizabeth Ière qui demeure à bien des égards le plus grand souverain qu'ait eu l'Angleterre, très supérieure à son « Barbe bleue » de père.

Fabienne Manière

Un prince de la Renaissance

Dès son accession au trône et afin de consolider les droits de sa dynastie, Henri VIII épouse Catherine d'Aragon (24 ans) qui a été mariée quelques mois à son frère Arthur sans que le mariage ait été consommé. Elle est la fille des Rois Catholiques Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille et compte les rois Plantagenêt parmi ses ascendants.

Bien qu'enclin à l'obésité, le jeune roi séduit par son adresse aux sports et sa culture. Passionné de chasse et de... tennis, il est aussi féru de musique, de poésie et même de théologie. Sa réfutation des thèses de Luther amène le pape Léon X à lui octroyer le titre de « défenseur de la Foi » (1521).

Thomas Wolsey, cardinal et Lord chancelier (Ippswich, vers 1471 ;  Leicester, 29 novembre 1530)Dès 1512, sur les conseils du lord chancelier et cardinal Thomas Wolsey, il se joint à la Sainte Ligue qui combat en Italie les armées du roi de France Louis XII. Lui-même remporte la victoire de Guinegatte sur les Français et la victoire de Flodden sur les alliés écossais de la France, le 9 septembre 1513. Cette bataille se solde par la mort du roi Jacques IV d'Écosse, qui laisse un héritier de dix-sept mois, le futur Jacques V, père de Marie Stuart.

S'étant réconcilié avec Louis XII, Henri VIII lui donne en mariage sa soeur Marie Rose Tudor mais l'union sera brève, Louis XII mourant quelques mois après, le 1er janvier 1515. Henri VIII va dès lors se rapprocher de son successeur François Ier.

Les deux jeunes souverains se rencontreront en 1520 au Camp du Drap d'Or mais cette rencontre débouchera sur un échec et dès lors, le roi d'Angleterre s'en tiendra à une diplomatie de bascule entre le roi de France et l'empereur Charles Quint.

Il y a plus grave... Le roi s'inquiète pour l'avenir de sa dynastie car des cinq enfants qu'il a eus avec sa femme Catherine d'Aragon, il ne lui reste qu'une fille, Marie Tudor, née le 18 février 1516.

Divorces à la chaîne... et à la hache

Comme il a des principes, le roi demande sagement en 1527 au pape Clément VII de l'autoriser à divorcer du fait que Catherine a été mariée à son frère (et malgré que le pape Jules II ait autorisé ce mariage par une dispense). Le roi fringant se réjouit à l'avance de troquer son épouse de convenance, qu'il n'aime pas, contre une jeune et enjouée demoiselle de la Cour, Anne Boleyn, dont il est l'amant depuis cinq ans déjà.

Mais le pape refuse le divorce pour ne pas déplaire à l'empereur Charles Quint, neveu de Catherine d'Aragon. Le roi se venge sur Wolsey, qui a mal mené les négociations. Au terme d'une vie de faste et de gloire, le chancelier est destitué. Il quitte son palais d'Hampton Court et gagne la Tour de Londres. Il meurt pendant le transfert, le 29 novembre 1530 en ayant laissé tomber ces mots : « Ah, si j'avais servi Dieu avec autant de zèle que mon roi, il ne m'aurait pas abandonné ! ».

Thomas More devient le nouveau chancelier (en quelque sorte le Premier ministre).

– 1533 : répudiation de Catherine d'Aragon

Portrait présumé de Catherine d'Aragon vers 1502 (Alcala de Henares, Castille, 16 décembre 1485 ;   Kimbolton, Angleterre, 7 janvier 1536), par Michael Sittow (musée d'art de Vienne) ; agrandissement : portrait posthume anonyme du XVIe siècle (Collection royale) Plus que jamais désireux de se débarrasser de sa femme, le roi doit surmonter le refus du pape tout autant que celui de Catherine, laquelle, en bonne catholique, refuse le divorce.

Il se laisse convaincre par un conseiller, Thomas Cranmer, de se dispenser de l'avis du pape et de prendre celui de quelques théologiens. Lesdits théologiens ne se font pas faute de donner raison au souverain.

Pour le roi, le temps presse car Anne Boleyn est enceinte et il importe que l'enfant, si c'est un garçon, naisse dans le mariage pour pouvoir hériter du trône.

Nommé archevêque de Cantorbéry (ou Canterbury), Thomas Cranmer unit en secret le roi et sa maîtresse le 15 janvier 1533 et le 23 mai 1533, il déclare invalide le mariage avec Catherine d'Aragon, laquelle va dès lors finir sa vie pieusement au château de Kimbolton.

Par voie de conséquence, l'unique fille du couple est déclarée bâtarde !... Elle n'en règnera pas moins à la mort de son demi-frère sous le nom de Marie Tudor.

Thomas Cranmer, archevêque de Canterbury Le 11 juillet 1533, le pape, décidément maladroit, réplique en excommuniant (dico) le roi. C'est la rupture.

Un ancien conseiller de Wolsey, Thomas Cromwell (rien à voir avec le dictateur du siècle suivant) convainc le roi de suivre l'exemple des princes allemands. Le roi, pieux, n'a aucune envie de rompre avec le catholicisme mais il accepte de rompre avec la papauté.

Il fait adopter par le Parlement le Statut des Appels, qui interdit à tout Anglais d'en appeler à Rome d'une décision de justice nationale. Dans la foulée, il fait voter l'Acte de Suprématie par lequel il rompt avec le Saint-Siège, s'affranchit de l'autorité pontificale et se proclame « l'unique et suprême chef de l'Église d'Angleterre ».

Il ne veut plus voir dans le pape que le simple évêque de Rome tout en continuant de se réclamer de la foi catholique. L'Acte de Succession, enfin, annule le premier mariage.

Le chancelier Thomas More et l'évêque de Rochester Jean Fischer, qui refusent de prêter serment au nouveau chef de l'Église anglicane, sont condamnés à mort et décapités. Ce sont les premières d'une longue série de victimes.

– 1536 : décapitation d'Anne Boleyn

Anne Boleyn (1507-1536), portrait posthume (château d'Hever, Kent) En attendant, la situation familiale du roi ne s'arrange pas. Henri VIII commence à se lasser de sa compagne d'autant qu'elle ne lui a donné qu'une fille, Élisabeth, et un fils mort-né.

La reine, pas vraiment habile et très impopulaire, est accusée de pas moins de cinq adultères. Aurait-elle voulu remédier à l'incapacité supposée du roi à engendrer un fils viable ? Nous ne le saurons jamais. Pour ne rien arranger, elle se voit aussi accusée d'inceste avec son propre frère et de haute trahison.

Toujours est-il qu'elle est condamnée à mort par un tribunal présidé par son oncle, le duc de Norfolk. Le roi lui épargne d'être brûlée vive. Elle est proprement décapitée à l'épée le 19 mai 1536... après avoir exprimé sur l'échafaud sa tendresse pour le roi. Onze jours plus tard, son veuf se remarie avec Jeanne (ou Jane) Seymour.

- 1537 : mort en couches de Jeanne Seymour

Jeanne Seymour (Jane Seymour) (1508 ; 24 octobre 1537), portrait par Hans Holbein le Jeune, 1536 (musée d'Histoire de l'art de Vienne) Les affaires, cependant, continuent. Thomas Cromwell lance des imprécations contre les moines, accusés de tous les maux. Comme un certain nombre d'entre eux refusent de prêter serment, ils sont mis à mort.

Malgré de fortes oppositions, les monastères sont saisis et vendus à vil prix. L'anticléricalisme et le nationalisme d'une partie de la population se déchaînent... et permettent à une poignée de seigneurs et d'habiles spéculateurs de s'enrichir sur le dos des moines et de la Couronne.

Le roi se jette à corps perdu dans les fêtes. Il mange et boit plus que de raison. Il se montre aussi de plus en plus tyrannique et multiplie les exécutions.

Côté coeur, il aurait des motifs de se réjouir : le 12 octobre 1537, sa troisième femme donne le jour à un garçon mais elle meurt en couches. Son enfant règnera dix ans plus tard sous le nom d'Édouard VI et sera cause de bien des tourments...

– 1540 : Anne de Clèves, sitôt épousée, sitôt répudiée

Henri VIII, effrayé par les violences et les divisions auxquelles a conduit sa réforme religieuse, veut y mettre un hola. Pour éviter un schisme définitif, il fait adopter en 1539 le Statut des Six Articles qui officialise et impose le dogme catholique sous peine de sanctions sévères.

Anne de Clèves (Düsseldorf, 28 juin 1515 ; Chelsea Manor, 16 juillet 1557), par Hans Holbein le JeuneAussi surnommé « Bill sanglant » ou « fouet à six queues », le texte réaffirme la transsubstantiation (l'hostie consacrée est vraiment le corps du Christ), l'inutilité de la communion sous les deux espèces (le pain et le vin), l'excellence du célibat clérical, la validité des voeux de chasteté, la confession et les messes privées.

Il ne reste plus à Henri, qui ne supporte pas le célibat, qu'à chercher une nouvelle âme soeur. Dans son désir de rapprocher l'Angleterre de l'Allemagne luthérienne, Thomas Cromwell lui suggère une princesse allemande, Anne de Clèves.

Le roi se laisse convaincre sur la foi de son portrait. Sa déception est grande quand il voit la princesse pour de bon. Cruel et injuste, lui qui n'a plus rien d'un prince charmant la compare à un cheval.

Le mariage est célébré le 6 janvier 1540... et rompu six mois plus tard. Nantie d'une confortable pension, l'ex-reine poursuit une existence paisible en Angleterre. Thomas Cromwell, qui a eu la mauvaise idée de ce mariage, a moins de chance. Il est exécuté.

– 1542 : la légère Catherine Howard perd la tête

Catherine Howard (vers 1520 ; Londres, 13 février 1542), portrait miniature par Hans Holbein le Jeune Henri VIII ne s'est pas plus tôt débarrassé de sa princesse allemande qu'il se remet en ménage avec un tendron de 18 ans à la cuisse légère, Catherine (ou Kathryn) Howard, demoiselle d'honneur d'Anne de Clèves.

On peut se demander pourquoi Henri VIII, qui règne en souverain absolu et ne se gêne pas pour faire exécuter des conseillers défaillants, s'obstine à vouloir ainsi légaliser ses adultères...

À 50 ans passés, le roi, qui plus est, est perclus de douleurs. Il souffre d'un ulcère malodorant à la jambe et pèse plus de 130 kilos. Franchement obèse, il doit être hissé dans une nacelle d'un étage à l'autre de sa résidence.

Catherine se console de son destin en accordant des rendez-vous clandestins à deux amants. Mais le bon archevêque de Cantorbéry veille. Thomas Cranmer informe Henri VIII de l'inconduite de la reine. Après l'exécution des deux amants vient le tour de la reine. Elle est décapitée le 13 février 1542 dans la Tour de Londres, à tout juste 20 ans.

– 1543 : Catherine Parr la survivante

Catherine Parr (ou Parre)  (1512 ; 5 septembre 1548) ; portrait par William Scrots (galerie nationale des portraits, Londres)Henri VIII se marie pour la sixième fois le 12 juillet 1543 avec Catherine Parr, fille d'un contrôleur de la maison royale. C'est une femme de 31 ans, déjà deux fois veuve.

Instruite et attachée à la foi luthérienne, elle se montre maternelle envers les enfants du roi mais ne craint pas de tenir tête à celui-ci.

En juillet-septembre 1544, elle gouverne sagement le pays en qualité de régente pendant que le roi guerroie sur le Continent.

Mais ses fréquentations douteuses avec notamment la poétesse et prédicatrice luthérienne Anne Askew lui valent l'hostilité du clan catholique. La mort d'Henri VIII, le 28 janvier 1547, lui assure d'échapper à la répudiation ou, pire, au bûcher.

Sitôt après, elle publie un ouvrage religieux, Lamentations d'un pécheur, dans lequel elle affiche sans réserve sa foi luthérienne. Dans le même temps, elle se remarie avec son amour d'enfance, Thomas Seymour, frère de Jeanne Seymour et oncle du nouveau roi. Elle en aura un enfant, une fille mais mourra six jours plus tard, le 5 septembre 1548, à 35 ans.

Par sa force de caractère et ses convictions, Catherine Parr n'a pas manqué de fasciner sa belle-fille la future Elizabeth Ière qui s'appliquera à suivre son exemple. 

Henri VIII entouré de son fils Édouard et de sa femme Jeanne Seymour (portrait imaginaire anonyme, Hampton Court)

Malédiction d'outre-tombe

Après la mort du roi Henri VIII, le mauvais sort s'acharne sur sa descendance. Son fils, qui n'a encore que dix ans, lui succède sous le nom d'Édouard VI et laisse les soins du gouvernement à un conseil de régence dirigé par son oncle maternel Édouard Seymour, frère aîné de Thomas, qui devient officiellement Lord Protector (régent du royaume). Il modère les lois religieuses d'Henri VIII mais est renversé en 1550 par John Dudley, duc de Northumberland. 

Le court règne du malheureux Édouard est marqué par les progrès de l'anglicanisme, avec la publication du premier Prayer Book (1549) et des Quarante-Deux Articles (1551), à la base de la nouvelle confession. 

Pour éviter qu'accède au trône la catholique Marie Tudor, John Dudley persuade le jeune roi, déjà gravement malade, de léguer la couronne à sa propre belle-fille Jane Grey (16 ans), qui est aussi une arrière-petite-fille du roi Henri VII. Malgré ses protestations, la malheureuse est proclamée reine d'Angleterre dès la mort du roi le 6 juillet 1553.

Marie Ière d'Angleterre, Marie Tudor (Placentia, Greenwich, 18 février 1516 ; Saint-James, Londres, 17 novembre 1558) (Antonis Mora, musée du Prado, Madrid)Mais Marie Tudor, dès le 19 juillet suivant, fait reconnaître ses droits légitimes. Jane Grey et son mari, qui ne demandaient rien à personne, sont emprisonnés et bientôt décapités. La nouvelle reine, qui a déjà 37 ans, entreprend de restaurer le catholicisme et, plus fort que tout, décide d'épouser le fils et héritier de l'empereur Charles Quint, Philippe. Celui-ci se déplace pour la peine en Angleterre et le mariage est célébré dans la cathédrale de Winchester le 25 juillet 1554. La réconciliation avec Rome est par ailleurs célébrée à Westminster par le cardinal Reginald Pole le 30 novembre 1554. 

Mais cela et tout particulièrement le mariage espagnol suscite la colère du peuple anglais. Un homme d'armes, Thomas Wyatt, soulève des troupes dans le Kent en vue de hisser sur le trône la demi-soeur de la reine, Élisabeth. Marie Tudor réagit avec brutalité. Elle enferme sa demi-soeur dans la Tour de Londres et envoie quelques trois cents personnes sur le bûcher, parmi lesquelles l'archevêque Thomas Cranmer qui avait invalidé le mariage de sa mère, brûlé le 21 mars 1556.

Entretemps, son mari a dû rentrer en Espagne pour ceindre la couronne d'Espagne sous le nom de Philippe II. Il la convainc de déclarer la guerre à la France. Mauvaise idée : le 6 janvier 1558, les Français, sous le commandement du duc François de Guise, s'emparent de Calais, dernière possession anglaise sur le Continent. Cet échec a raison de la reine, déjà très malade. Elle s'éteint le 17 novembre 1558 et laisse la place à sa demi-soeur. 

Publié ou mis à jour le : 2024-04-06 14:34:31
niki (16-02-2016 17:14:52)

contrairement à ce qui est indiqué dans l'article, kateryn parr était plutôt jolie - elle était particulièrement instruite, ce qui n'a jamais empêché une femme d'être belle ;)

Adelya22 (02-10-2014 21:21:19)

Il est vrai que les séries télévisées notamment celle des Tudors sont passionnantes par la mise en scène quelque peu romantique de l'histoire des Tudor. Il est important d'avoir la possibilité d... Lire la suite

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