Malgré la conquête de leur autonomie économique, les femmes restaient aux portes des centres de décision. Il a donc fallu une loi, en 2011, pour leur accorder au moins 40 % des places au sein des conseils d’administration. Mais un dernier bastion résiste : les comités de direction...
En janvier 2011, une révolution a eu lieu dans les salons feutrés accueillant les conseils d’administration des grandes entreprises. Depuis toujours la chasse gardée des hommes, à de rares exceptions, ces hauts-lieux de la décision ont dû s’ouvrir plus largement aux représentants de l’autre sexe. C’est une loi, portée principalement par les députés Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann, qui a produit cette révolution silencieuse.
Déjà dix ans : quelle efficacité ?
Votée le 27 janvier 2011, cette loi avait pour but d’aboutir à une « représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle ».
Dans l’exposé des motifs, les principaux porteurs de cette proposition de loi, les députés Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann, mettaient en relief une situation paradoxale et injuste. Alors que les femmes ont investi massivement le monde du travail, elles restaient sous-représentées dans les postes hiérarchiquement les plus élevés.
Dans les fonctions à responsabilité, les hommes se taillaient la part du lion. En 2011, 17,2 % seulement des dirigeants de société étaient des femmes. De même, il n’y avait que 10 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés du CAC 40. Avec un périmètre élargi aux 500 premières entreprises françaises, le pourcentage était encore moins reluisant puisqu’il tombait à 8 %.
Jean-François Copé et Marie-Jo Zimmermann mettaient en avant l’exemple de la Norvège où, depuis 2006, une loi a imposé la présence d’au moins 40 % de femmes dans les instances de gouvernance des entreprises.
Déplorant que « la proportion de femmes dans les conseils d’administration n’a péniblement augmenté que de 1 % depuis 2006 », ils avançaient donc que « [s]euls une politique volontariste et le recours à la loi permettront aux femmes d’évoluer plus facilement au sein des instances de gouvernance des entreprises » et concluaient logiquement que « [s]i les mentalités évoluent peu à peu, la mise en place de quotas apparaît cependant indispensable pour parvenir à une représentation équilibrée des femmes et des hommes aux postes de responsabilité ».
La loi avait fixé un objectif : qu’en 2017 au moins 40 % des membres des conseils d’administration soient de l’autre sexe. En 2021, c’est le cas dans les sociétés du CAC40, celles du SBF 120 (note) ou celles comptant plus de 500 salariés ou dont le chiffre d’affaire dépasse 50 millions d’euros. En 2014, une loi du 4 août a même étendu ce type d’obligation aux entreprises de moins de 250 salariés.
Une longue marche
S’il reste encore du chemin à parcourir, il faut aussi savoir contempler celui déjà parcouru. En 1804, le code civil napoléonien stipulait dans son article 213 (Titre V Du mariage, chapitre VI) : « Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari. » Véritable mineur juridique, la femme, « même non commune ou séparée de biens, ne peut donner, aliéner, hypothéquer, acquérir, à titre gratuit ou onéreux, sans le concours de son mari dans l’acte, ou son consentement par écrit » (article 217).
En dépit de leur contribution majeure à l’industrie de l’armement durant la Grande guerre, il faut attendre la fin des années 30 pour que le statut juridique des femmes évolue… un peu. Une loi du 18 février 1938 modifie le fameux article 213. Si le mari, toujours « chef de famille », garde le choix de la résidence du ménage et que la femme « est obligée d’habiter avec son mari », elle dispose d’un « droit de recours » en cas de « fixation abusive de la résidence du ménage par le mari ».
Cette même loi de 1938 ajoute à l’article 213 que « la qualité de chef de famille cesse d'exister au profit du mari 1°) dans les cas d'absence, d'interdiction, d'impossibilité pour le mari de manifester sa volonté, et de séparation de corps ; 2°) lorsqu'il est condamné, même par contumace, à une peine criminelle, pendant la durée de sa peine. »
Si la loi de 1938 desserre légèrement l’étau, elle préserve le titre de « chef de famille » à l’époux. Il faut encore attendre près de 30 ans pour que soit votée la loi du 13 juillet 1965 portant là encore « réforme des régimes matrimoniaux ».
L’article 221 indique ainsi que « chacun des époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte de dépôt et tout compte de titres en son nom personnel ». Fini donc l’impossibilité pour une femme d’ouvrir un compte courant ou autre sans l’autorisation de son mari.
Femmes-hommes : les écarts persistent
Depuis, la situation des femmes a largement évolué. Lors des élections de 2017, elles ont encore grignoté du terrain. Le Sénat compte ainsi 30 % de femmes contre 25 % en 2014, du fait de l’application de la loi sur la parité mais aussi de l’interdiction du cumul des mandats.
À l’Assemblée nationale, les législatives ont fait progresser là aussi les effectifs de femmes députés puisqu’elles représentent alors 40 % des membres de l’hémicycle, soit une nette progression par rapport à 2012 où elles ne comptaient que pour 26 % des députés.
Sur le marché du travail également, la présence des femmes augmente. Selon l’Insee, leur taux d’activité progresse de 3,1 points entre 2007 et 2017, soit plus du double de celui des hommes (1,2 point). La gent masculine conserve cependant un avantage puisque son taux d’activité est de 75,6 % pour les hommes âgés de 15 à 64 ans alors qu’il n’est que de 67,6 % pour les femmes.
L’Insee permet encore de constater que la répartition des emplois par catégorie socioprofessionnelle reste très marquée par le sexe. Alors que 42,9 % des femmes en emploi occupent des postes d’employés, 12,6 % des hommes seulement sont dans cette situation.
A contrario, 32,1 % des hommes sont ouvriers mais 8,6 % des femmes seulement. Si les hommes sont plus couramment cadres que les femmes (20,6 % contre 15,2%), ils sont aussi plus souvent agriculteurs, artisans, commerçants ou chefs d’entreprise.
La part des femmes est plus importante que celles des hommes dans les contrats à durée déterminée (12,9 % contre 8,8%) et parmi les contrats à temps partiel (29,6 % des femmes de 15 à 64 ans alors que 7,7 % des hommes seulement sont dans cette situation). Les femmes sont d’autant plus titulaires de contrat de ce type qu’elles ont de nombreux enfants à charge et qu’ils sont jeunes.
L’Insee note cependant que le temps partiel masculin progresse de façon continue alors que celui des femmes reste stable depuis le début des années 2000. Enfin, s’agissant du taux de chômage, en 2017, celui des femmes est légèrement plus faible (9,3%) que celui des hommes (9,5%) mais les femmes figurent plus souvent dans le « halo autour du chômage » (4,3 % d’entre elles entre 15 et 64 ans, contre 3,3 % des hommes de la même tranche d’âge).
Les femmes sont donc massivement présentes sur le marché du travail et la loi Copé-Zimmerman de 2011 leur a ouvert les portes des conseils d’administration. Il reste cependant un champ où elles peinent à se faire une place, c’est celui de la direction des entreprises. Très peu les dirigent et leur présence dans les comités de direction stagne à 17 %, bien loin des 40 % ou plus désormais de règle dans les conseils d’administration.
En 2019, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dans un rapport intitulé « Accès des femmes aux responsabilités et rôle levier des financements publics », préconisait de fixer dès 2022 un seuil de 20 % de femmes au sein des comités exécutifs et de le porter à 40 % en 2024.
Au début de l’année 2021, l’Allemagne s’est illustrée avec un projet de loi qui impose aux grandes entreprises de nommer une femme dans les comités de direction qui comptent au moins trois membres. Fin janvier, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’est prononcé pour l’instauration de quotas à travers une proposition de loi qui devrait être déposée en mars. (note) La composition des comités de direction devraient donc bientôt suivre la même voie que celle des conseils d’administration.
Un petit progrès qui n’aura guère d’impact sur les écarts salariaux. En moyenne, les hommes perçoivent encore une rémunération supérieure de 20 % à celui des femmes : en 2018, le salaire mensuel net moyen des hommes pour une activité à temps plein se montait à 2 547 euros, celui des femmes à 2 118 euros, soit un écart de 429 euros.
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Grabinoulor (10-04-2021 11:33:03)
L'égalité en droit est devenue l'égalité réelle. Pourquoi réserver la parité aux postes de pouvoir ? A quand des femmes chauffeurs routiers à parité avec les hommes ?