La Turquie d’Atatürk à Erdoğan

Erdoğan et la nostalgie ottomane

Par la victoire de son parti aux législatives le 3 novembre 2002, Recep Tayyip Erdoğan, homme fort de la République turque, a accédé au pouvoir comme Premier ministre puis comme président de la République.

Après deux décennies d'un règne sans partage, plus long que celui du Père des Turcs Moustafa Kémal, le ciel s'assombrit toutefois pour Erdoğan : la crise économique a effacé une grande partie des acquis de la première décennie du XXIe siècle et le tremblement de terre de 2023 a révélé, comme celui de 1999, le niveau élevé de corruption dans les milieux d'affaires liés au pouvoir. L'année 2023, qui devait voir sa reconduction facile à la présidence, le 14 mai, et la célébration du centenaire de la République turque le 29 octobre, risque d'être singulièrement orageuse.  

Déliquescence du régime laïc hérité de Moustafa Kémal

Le coup d’État de 1997 n’a pas apporté aux Turcs la stabilité espérée, faute de relève politique. Le kémaliste Bülent Ecevit redevient Premier ministre tandis que le régime se délite dans les affaires. La gestion calamiteuse du tremblement de terre de l’été 1999 achève de discréditer la classe politique.

Nombre de think tanks américains affichent dès lors leur méfiance envers l’intégralisme kémaliste et une laïcité « fermée ». L’Union européenne va dans le même sens et s'inquiète pour les négociations en vue de l'adhésion de la Turquie à l'Union. Gelées depuis les années soixante, ces négociations ont repris sous l’impulsion de Turgut Özal et en 1995 la Turquie et l’Union européenne ont mis en œuvre l’union douanière. En 1999, la Turquie s'est vue reconnaître le statut de candidat. Or la Constitution issue du coup d’État militaire de 1980 paraît bien éloignée des critères de Copenhague (démocratie, droits de l’homme, droits des minorités)...

C’est dans ce contexte qu'émerge le mouvement de Recep Tayyip Erdoğan. Issu d’un quartier populaire d’Istanbul, Kasımpaşa (sa famille est originaire de l’extrême nord-est de la Turquie, au bord de la mer Noire), élevé dans un milieu pieux et dévoué à Menderes, Erdoğan est un parfait produit des écoles imam-hatip.

Son style à la fois direct et émotif est très en phase avec son public. Marqué dès sa jeunesse par une idéologie islamiste très dure, il a fait ses classes politiques sur le terrain, tout en se liant avec le monde entrepreneurial musulman ou avec les confréries. Il va très vite se hisser au sommet de l'État et consolider peu à peu son pouvoir jusqu'à apparaître comme le deuxième fondateur de la jeune République turque après Atatürk.

Recep Tayip Erdogan reçoit le président palestinien Mahmoud Abbas dans son palais néo-ottoman d'Ankara, le 12 juin 2015 (DR)

Vers un État autoritaire et impérial

La victoire d'Erdoğan, en 1994, à la tête du grand Istanbul est aussi celle du pragmatisme : Erdoğan a mis en place tout un appareil de campagne, mobilisant notamment une armée de jeunes filles enthousiastes, faisant parfois campagne tête découverte. Devenu maire, Erdoğan n’hésita pas à commencer la première réunion du conseil municipal par une prière en lieu et place de la minute de silence pour Atatürk ou à interdire la vente d’alcool dans les établissements gérés par la municipalité. Erdoğan envisageait déjà à l’époque de construire une mosquée sur la place Taksim, haut lieu à Istanbul du kémalisme et des manifestations de gauche.

11-	Gecekondu (bidonville) à Istanbul (DR)En même temps, grâce à ses technocrates, la mairie a été en mesure d’assurer une aide aux plus démunis ou d’améliorer un approvisionnement en eau ou en gaz des foyers jusque là problématique. Jusqu'à ce que les autorités destituent le maire en 1998 et le condamnent à de la prison ferme pour avoir récité un poème nationaliste et tenu un discours anti-laïque.

Emprisonné pour quatre mois, de mars à juillet 1999, il sort de prison en appelant à la transformation de l’islam politique en un mouvement conservateur démocrate-musulman, dans une société ouverte.

Rompant avec Erbakan, il fonde en 2001 un nouveau parti, l’AKP (Parti de la Justice et du Développement), en s’appuyant sur une nouvelle génération de cadres, dont Abdullah Gül, passé par la Banque islamique de développement.

Le contexte est on ne peut plus favorable : une crise financière, déclenchée en février 2001 par une vague de spéculation subite alimentée par le conflit entre le Président Sezer et le Premier ministre Ecevit, a fait s’écrouler la monnaie turque, mettant en danger toute l’économie (...).


Publié ou mis à jour le : 2023-05-10 10:38:16
Mamadou SY (02-08-2016 21:06:49)

J'aimerais bien recevoir cet article que je trouve très intéressant pour tous ceux qui veulent savoir ce qui se passe en Turquie.
Merci d'avance

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