Aliénor d'Aquitaine (1120 - 1204)

Deux fois reine

Née en 1120 ou 1122, la reine Aliénor accueille la mort à quatre-vingts ans passés dans sa chère abbaye de Fontevraud, près de Saumur.

Une femme d'exception

Avec Aliénor prend fin un siècle épique qui a connu plusieurs croisades ainsi que les premières grandes cathédrales gothiques.

Aliénor est la petite-fille du troubadour Guillaume IX d'Aquitaine, qui célébrait l'amour courtois et accueillait les poètes à la cour de Poitiers. La duchesse ne manque pas à la tradition familiale et, sa vie durant, entretient autour d'elle une cour de poètes.

Peu de vies, il est vrai, seront aussi remplies que la sienne : elle est successivement reine de France et reine d'Angleterre ; deux de ses fils, Richard Coeur de Lion et Jean sans Terre, deviennent eux-mêmes rois d'Angleterre. Elle a deux filles du roi de France et huit enfants de celui d'Angleterre, le dernier de ses enfants, le futur Jean sans Terre, étant né dans l'année de ses 45 ans.

Femme de caractère, Aliénor a pris part à toutes les péripéties politiques de son époque et, par son divorce d'avec le roi de France et son remariage avec le futur roi d'Angleterre, elle a inauguré huit siècles de guerres et de rivalités entre les deux nations !

Aliénor à la croisade

L'adolescente hérite vers 15 ans, en 1137, du comté de Poitiers et des duchés d'Aquitaine et de Gascogne. La même année, à l'instigation de l'abbé Suger, conseiller de la monarchie capétienne, elle épouse l'héritier de la couronne de France, Louis le Jeune (17 ans). Quelques jours après le mariage, son beau-père Louis VI le Gros décède. La voilà reine !

Aliénor a le privilège d'assister à la consécration de l'abbatiale de Saint-Denis, première révélation de l'art gothique.

En 1147, la reine Aliénor prend part à la deuxième croisade, traversant l'Europe et l'Anatolie à cheval, la Méditerranée en bateau. On la soupçonne de n'avoir pas été indifférente à quelques seigneurs moins tristes que son royal mari («J'ai cru épouser un homme, non un moine», aurait-elle confié).

De retour en France, brouillée avec Louis VII, Aliénor obtient le divorce sous le prétexte d'une parenté trop proche (cousinage au 4e degré !). L'Église, en ce domaine, savait se montrer accommodante avec les puissants. Louis VII se remarie et a la chance d'engendrer le futur Philippe Auguste, ainsi surnommé parce qu'il est né en août (21 août 1165) : il sortira la monarchie capétienne de la médiocrité et lui donnera le premier rôle en Europe.

Sans attendre, Aliénor épouse de son côté Henri Plantagenêt (le nom de famille vient de ce que le père d'Henri, Geoffroy V le Bel, avait coutume de planter une branche de genêt dans son chapeau !). Henri est l'héritier de la Normandie et de l'Anjou. Il est aussi, par sa mère, le petit-fils du roi d'Angleterre Henri 1er Beauclerc. Il est devenu son héritier direct par un concours de circonstances extraordinaire.

Henri Plantagenêt est bientôt appelé à la tête du royaume d'Angleterre sous le nom de Henri II. C'est ainsi qu'Henri et Aliénor se retrouvent en quelques mois souverains de l'Angleterre et de tout l'Ouest de la France, de Calais à Bordeaux. Un véritable «Empire angevin» !

Aliénor contre Henri

Henri II Plantagenêt, beau et fougueux, de dix ans le cadet d'Aliénor, a le front de tromper celle-ci avec plusieurs courtisanes dont la plus célèbre, la Belle Rosamonde (Fair Rosamund), mourut mystérieusement empoisonnée. Son destin légendaire inspira de grands poètes comme Chaucer.

Aliénor, qui a la rancune tenace, se retire à Poitiers où elle entretient un cercle brillant de troubadours et d'artistes, comme Bernard de Ventadour. Elle soulève ses fils contre leur père. Henri II trouve moyen de se saisir de sa femme, tandis que celle-ci voyage sous un déguisement de page ! La reine est reléguée pendant de longues années dans un couvent à Winchester. Mais la guerre parricide se poursuit jusqu'à la mort misérable de Henri II, en 1189, abandonné par presque tous et tourmenté par le remords d'avoir commandité l'assassinat de son fidèle ami, le pieux archevêque Thomas Becket.

Libérée par le nouveau roi, Richard Coeur de Lion, Aliénor a encore fort à faire pour sauver la mise de son cher fils tandis qu'il est fait prisonnier en Allemagne, à son retour de croisade. Son frère Jean n'hésite pas en effet à s'associer à Philippe Auguste pour le dépouiller de son pouvoir.

Après ces épreuves, Aliénor peut finir sa vie dans la plénitude de ses fonctions de reine mère. Sa petite-fille Blanche de Castille sera la mère dévouée du roi Saint Louis. Elle gouvernera la France de 1226 à 1242.

Tout en étant exceptionnelle, la vie d'Aliénor témoigne du comportement très libre des femmes au Moyen Âge, du moins dans les classes supérieures. Elles suivent leur mari à la croisade, étudient, animent des cours etc. Elles sont néanmoins handicapées dans la conduite de la guerre. Comme Aliénor, elles doivent dans ces occasions se faire épauler par un mari, un fils ou un fidèle vassal.

Les femmes perdront leur autonomie à la Renaissance, quand les juristes ressusciteront le droit romain et le statut d'infériorité féminine qui s'y attache. Le Code civil de Napoléon, plus romain que nature, aggravera encore cette situation.....

Bibliographie

L'historienne Régine Pernoud a beaucoup écrit sur le Moyen Âge (et les femmes de cette époque). Elle est l'auteur d'une biographie agréable à lire : Aliénor d'Aquitaine, tout simplement (Livre de poche).-

Publié ou mis à jour le : 2019-05-17 17:08:37

Voir les 6 commentaires sur cet article

Anonyme (09-09-2009 10:49:37)

Encore aujourd'hui, elle ne laisse pas indifférente : signe d'une personnalité hors du commun et intemporelle ; les associations "chiennes de garde" et autre "ni putes, ni soumises" pourraient consa... Lire la suite

CANNIZZARO (31-03-2009 00:14:20)

Si Philippe, le fils aîné de Louis VI le Gros, n'était mort d'une chute de cheval, Aliénor n'aurait pas eu à épouser Louis VII. Or, Louis VII était pressenti pour devenir ecclésiastique à la ... Lire la suite

Alain Martial (01-04-2008 21:24:02)

Le moins qu´on puisse en dire, c´est qu´elle n´avait aucun sens politique. Déchainer huit siècles de guerres contre la perfide Albion pour des questions de rancunes montre que le sens des respon... Lire la suite

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