Depuis l’Antiquité, plus d’une centaine de souverains, chefs d’États et de gouvernement ou leaders politiques ont été assassinés. Nous pouvons distinguer parmi ces meurtres :
1. Ceux qui résultent d’un coup d’État ou d'une conjuration : assassinats de Jules César, de Julien de Médicis, de Concino Concini, de Gustave III de Suède, du tsar Paul Ier, du roi Alexandre 1er de Serbie, d’Anouar el-Sadate, de Mohamed Boudiaf…
2. Ceux qui sont opérés par des groupes terroristes : meurtres du tsar Alexandre II, du roi Charles Ier du Portugal, de l’amiral Blanco, d’Aldo Moro, de lord Mountbatten…
3. Ceux commis par des proches du défunt : assassinats de Philippe II de Macédoine, de l’empereur Commode, du roi Fayçal d’Arabie Saoudite…
4. Enfin, ceux perpétrés par des individus isolés, guidés par le fanatisme...
Certains de ces « loups solitaires » ont agi en pur électron libre, d’autres en lien direct ou indirect avec une organisation. Indiscutablement, ces fanatiques sont ceux qui ont marqué le plus les esprits et leur nom demeure associé pour la postérité à leur acte fatal. C'est d'eux que nous allons vous parler.
Nous avons tenté de définir le profil type de ces assassins politiques mais aussi ce qui les distingue les uns des autres. Ainsi avons-nous identifié quatre groupes : les fanatiques, tels Clément, Princip ou Villain, mûs par fanatisme religieux ou politique ; les anarchistes et « justiciers » guidés par un projet politique, de Charlotte Corday à Caserio ; les agents sous influence, plus ou moins manipulés par des officines proches du pouvoir, de Mercader à Sirhan Sirhan ; enfin les déséquilibrés et les mystiques, sans motivation claire. Mettons à part ceux, très nombreux, qui ont échoué.
L’assassin politique est presque toujours un homme (exeptions : Charlotte Corday, Fanny Kaplan) et son âge est généralement inférieur à 30 ans (quelques-uns étaient même mineurs au moment d’accomplir leur méfait). Il appartient plutôt à un milieu favorisé et a fait des études. Solitaire et souffreteux, c’est souvent un graphomane ou un artiste raté.
C’est également un mystique prêt à se sacrifier entièrement pour sa cause, persuadé qu’il sera célébré en héros. Les plus fanatiques ont prémédité leur acte parfois plusieurs années à l’avance et ont inlassablement traqué leur victime. Le loup solitaire a deux armes fétiches : l’arme blanche (couteau, poignard) et l’arme à feu (pistolet, revolver), toutes deux faciles à dissimuler. Quant à son mode d’action, il est presque toujours le même : opérer dans un lieu public (rue, gare, restaurant, salle publique) en marge d’un grand rassemblement ou durant un défilé protocolaire.
Le retour des assassins solitaires en Europe ?
Après une parenthèse de cinquante ans où les assassinats politiques perpétrés en Europe étaient exclusivement le fait d’organisations terroristes ou mafieuses, on assiste depuis les années 2000 au retour des meurtriers solitaires...
Paradoxalement, ces assassinats ont eu lieu en Europe du Nord, zone qui était jusque-là épargnée contre ce type de crimes. Autre point commun : ils se sont à chaque fois déroulé à quelques jours d’un scrutin électoral crucial, alors que la tension politique était à son paroxysme.
Cette série débute aux Pays-Bas, le 6 mai 2002, lorsqu’à neuf jours des élections générales, le leader populiste néerlandais Pim Fortuyn, prônant un discours anti immigration et anti islam, est abattu en sortant des studios d'une station de radio où il venait d’accorder une interview dans le cadre de la campagne électorale.
Son assassin, Volkert van der Graaf, est un activiste écologiste qui déclare avoir agi pour protéger les musulmans. Il sera condamné à 18 ans de prison.
L’année suivante, c’est la Suède qui est le théâtre d’un nouveau drame, dix-sept ans après l’assassinat du Premier ministre Olof Palme, toujours non élucidé à ce jour.
Le 10 septembre 2003, quatre jours avant le référendum portant sur l’entrée de la Suède dans la zone euro, la ministre des Affaires étrangères, Anna Lindh, une des porte-paroles du camp du « oui », est mortellement poignardée dans un grand magasin de Stockholm.
Arrêté quelques jours plus tard, le meurtrier est un jeune suédois d’origine serbe, âgé de 24 ans : Mijailo Mijailovic. Ayant des antécédents psychiatriques, il avouera avoir agi par haine des politiciens et sera condamné à la prison à vie.
Le 16 juin 2016, un assassinat politique similaire se produit au Royaume-Uni. Une semaine avant le référendum sur le Brexit, la députée Jo Cox, étoile montant du parti travailliste et partisane du maintien du Royaume-Uni dans l’UE, est sauvagement assassinée devant la bibliothèque où elle tenait une permanence.
Le meurtrier, Thomas Mair, jardinier au chômage et quinquagénaire, est un loup solitaire de l’extrême droite qui déclare lors de son arrestation avoir puni une traître. Gardant totalement le silence durant son procès, il est condamné à la prison à vie.
De nombreux « loups solitaires » ont raté (parfois de peu) leur tentative d’assassinat d’une personnalité publique. Voici les plus épisodes les plus notables.
- Le 27 décembre 1594, Jean Châtel, un fils de marchand de drap de 19 ans, tente de poignarder Henri IV mais ne l’atteint qu’à la lèvre.
- Le 5 janvier 1757, le domestique Robert-François Damiens poignarde Louis XV à Versailles. Il sera le dernier Français à être écartelé.
- Le 12 octobre 1809, un Allemand de 17 ans, Frédéric Staps, tente d'assassiner Napoléon à Schönbrunn.
- Le 30 janvier 1835, Richard Lawrence, un déséquilibré, tire sur le président américain Andrew Jackson, lors de funérailles, à l'extérieur du Capitole. Lawrence rate sa cible et le président se défend en lui donnant des coups de canne.
- Le 14 janvier 1858, le patriote italien Felice Orsini lance une bombe sur la berline de Napoléon III.
- Le 6 juin 1867, le nationaliste polonais Antoni Berezowski tire sur le tsar Alexandre II lors de l’Exposition Universelle de Paris. Le tsar n’est pas atteint.
- Le 11 mai 1878, l’anarchiste allemand Max Hödel fait feu sur l’empereur Guillaume Ier, lors d’une parade. Moins d’un mois plus tard, le 2 juin 1878, un autre anarchiste, Karl Nobiling, tire sur le Kaiser et le blesse.
- Le 4 juin 1908, lors de la cérémonie d’inhumation d’Émile Zola au Panthéon, le journaliste nationaliste Louis Grégori fait feu sur Alfred Dreyfus et le blesse au bras.
- Le 14 octobre 1912, en pleine campagne présidentielle, l’Américain John Flammang Schrank tire sur Theodore Roosevelt lors d’un meeting à Milwaukee. L’ex président, touché à la poitrine, trouve cependant la force de finir son discours.
- Le 30 août 1918, la révolutionnaire russe Fanny Kaplan tire sur Lénine lors d’une visite d’usine à Moscou et le blesse au poumon et à l’épaule.
- Le 19 février 1919, l'anarchiste Émile Cottin fait feu à neuf reprises sur l'automobile de Georges Clemenceau. Atteint par trois projectiles, celui-ci n’est que légèrement blessé.
- Le 7 avril 1926, une déséquilibrée irlandaise, Violet Gibson, tente d’abattre Benito Mussolini, alors qu'il intervient au Capitole. Le Duce est indemne.
- Le 8 novembre 1939, l’Allemand antinazi Georg Elser tente d’éliminer Hitler en faisant exploser une bombe dans la brasserie munichoise où il commémore chaque année son putsch raté de 1923. La bombe explose 13 minutes après le départ du Führer. Le courageux justicier (sans guillemets) sera éliminé dans sa prison le 9 avril 1945.
- Le 27 novembre 1970, à l’aéroport de Manille, le peintre bolivien Benjamín Mendoza y Amor Flores poignarde à la gorge le pape Paul VI. Les blessures du souverain pontife ne sont que superficielles et cet attentat ne sera officiellement révélé que 9 ans plus tard.
- Le 15 mai 1972, l’Américain Arthur Herman Bremer, en quête de notoriété, tire sur George Wallace, gouverneur de l’Alabama et candidat aux primaires démocrates, le rendant paralysé. Son histoire inspirera le film Taxi Driver de Martin Scorsese.
- Le 30 mars 1981, John Hinckley, fan obsessionnel de l'actrice Jodie Foster, tire 6 coups de feu sur le président Ronald Reagan.
- Le 13 mai 1981, sur la place Saint-Pierre de Rome, le turc Mehmet Ali Agca, membre des Loups Gris, tire sur le pape Jean-Paul II, le blessant grièvement.
- Le 14 juillet 2002, le militant d’extrême droite Maxime Brunerie tente d’abattre Jacques Chirac lors du défilé annuel du 14 juillet.
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