Charles VI le Fou (1368 - 1422)

Artisan involontaire des malheurs de la France

Charles VI a 11 ans quand il succède à son père Charles V le sage, le 16 septembre 1380. Il est sacré à Reims selon l'antique coutume le 4 novembre 1380. Les habitants de la ville saluent le sacre par les cris de « Vive le roi de France ! Montjoie Saint Denis ! ».

Charles VI de Valois dit Charles Le Fou (3 décembre 1368 ; 21 octobre 1422)Mais le roi étant mineur, ses puissants oncles, Louis d'Anjou, Jean de Berry, Louis de Bourbon et Philippe de Bourgogne, assurent la régence et en profitent pour dilapider les ressources du royaume et instaurer de nouveaux impôts pour leur profit personnel.

Plusieurs révoltes secouent le pays, comme celle des Maillotins à Paris en 1382 ou encore celle des villes de Flandre réprimée par l'armée du roi à Rozebeke la même année.

En 1388, le roi Charles VI reprend en main les affaires du royaume. Il chasse ses oncles prévaricateurs et rappelle les sages conseillers de son père, gens de modeste extraction que les princes surnomment avec mépris les « Marmousets ».

Le jeune roi est alors appelé par ses sujets Charles VI le Bien-Aimé et le royaume entre dans une longue « embellie ».

Une folie congénitale

Las, le 5 août 1392, le roi, qui n'a encore que 24 ans, traverse la forêt du Mans à la tête de ses troupes quand un illuminé surgit devant le roi, saisit la bride de son cheval et lui crie : « Arrête, noble roi, tu es trahi ! » Peu après, la lance d'un soldat heurte un bouclier. Au bruit, le roi qui s'était assoupi sous l'effet de la chaleur, tire son épée et frappe ses compagnons. Six chevaliers sont tués avant qu'on ait pu le maîtriser !

Un vieux médecin de grande réputation est requis par le conseiller Enguerrand de Coucy pour soigner Charles VI. Il s'agit de Guillaume de Harcigny, né à Laon neuf décennies plus tôt.

Il voit immédiatement dans la folie du roi une maladie congénitale héritée de sa mère Jeanne de Bourbon : « cette maladie est venue au roi de coulpe ; il tient trop de la moiteur de sa mère », dit-il. Nommé premier médecin du roi, il obtient une rémission de la maladie en six semaines mais lui-même trop usé abandonne sa charge et meurt peu après.

Désormais les crises de folie ne vont plus quitter le jeune souverain. Cependant, seul son entourage immédiat est dans la confidence et ses retours intermittents à la raison empêchent la constitution d'une régence en bonne et due forme.

Lucide entre ses « absences », le malheureux roi délègue le gouvernement à son frère cadet Louis d'Orléans et la tutelle de son fils aîné, le Dauphin, à la reine Isabeau de Bavière et à ses trois oncles. Ces derniers, les ducs de Bourgogne, de Berry, d'Anjou et de Bourbon, en profitent pour revenir en force au pouvoir avec la complicité de la reine.

Le bal des Sauvages

La folie du roi s'aggrave au début de l'année suivante, le 28 janvier 1393, au cours d'un bal donné à l'hôtel Saint-Pol (ou Saint-Paul), résidence habituelle du souverain, en l'honneur du remariage d'une dame d'honneur de la reine. À l'occasion de cette fête, dite bal des Sauvages ou bal des Ardents, cinq jeunes princes et le roi lui-même se sont enchaînés les uns aux autres et déguisés en « sauvages » avec un masque et un vêtement de toile collant enduit à l'extérieur de poix et sur laquelle on a collé de l'étoupe à longs poils. Par précaution, le roi demande aux porteurs de torches de se tenir à l'écart, contre le mur.

Là-dessus entre le duc d'Orléans, avec ses propres porteurs de torches. N'ayant pas été averti, il entre dans la salle tandis que la fête bat son plein et s'irrite de cette mascarade qui peut aggraver l'état de son frère. Il cherche le duc de Bourgogne pour lui demander de l'interrompre. Comme Louis tente de reconnaître un Sauvage, un valet s'approche avec une torche. Celle-ci met le feu à l'étoupe et à la poix. Trois jeunes gens sont brûlés dans d'atroces douleurs et mettront trois jours à mourir. Le roi lui-même, qui avait heureusement été tenu à l'écart par la duchesse de Berry, est recouvert par celle-ci de son manteau. Il échappe à la mort mais il a tout vu et en reste commotionné.

Les Parisiens, plus ou moins informés du drame, manifestent autour de l'hôtel. Autant ils aiment le roi, autant ils détestent ses oncles et appréhendent leur retour au pouvoir. Le roi tente de les rassurer en se montrant à la cathédrale Notre-Dame pour une messe d'actions de grâces. Mais sa folie est désormais de notoriété publique de même que la mainmise des grands seigneurs sur le pouvoir.

Ses crises de démence sont toutefois passagères et entrecoupées de plusieurs semaines ou plusieurs mois durant lesquels il recouvre tout son discernement et gouverne avec sagesse. Personne ne songe donc à le placer sous tutelle.

« La petite reine »

La reine Isabeau, qui a épousé le roi en 1385 et en a déjà eu douze enfants, finit par craindre pour sa sécurité. Elle se fait remplacer au lit par une autre femme, Odette de Champdivers.
Celle-ci est dédommagée  par l'octroi de deux domaines à Créteil et Bagnolet. Surnommée « la petite reine », elle va remplir avec dévouement sa mission sacrificielle, jusqu'à donner au roi une fille prénommée Marguerite, qui sera légitimée par l'héritier de Charles VI. Le roi fou se montre au demeurant très amoureux d'Odette, laquelle est la seule à savoir le calmer dans ses crises.

Malheur d'un homme, malheurs d'un royaume

Cette situation malsaine va perdurer jusqu'à la mort de Charles VI, le 21 octobre 1422, après un règne exceptionnellement long de 42 ans et particulièrement tourmenté.

C'est d'abord la rivalité entre le frère cadet du roi, Louis d'Orléans, et le duc de Bourgogne Jean sans Peur, lequel ordonne l'assassinat de son ennemi le 23 novembre 1407. Il s'ensuit une guerre civile, restée dans l'Histoire sous le nom de querelle des Armagnacs et des Bourguignons. En 1413, le duc Jean sans Peur soulève les artisans et bourgeois de Paris. C'est la révolte des Cabochiens que les troupes fidèles au roi arrivent toutefois à éteindre. Le duc de Bourgogne doit s'enfuir de Paris.

Ourtre-Manche, l'écho de cette guerre civile incite le roi Henry V à dénoncer la trêve conclue en 1396 entre son prédécesseur Richard II et Charles VI. Il débarque avec une armée et défait l'armée royale et les Armagnacs à Azincourt, le 25 octobre 1415. Contraint par l'alliance des Bourguignons et des Anglais, Charles VI signe le 21 mai 1420 l'humiliant traité de Troyes qui déshérite son propre fils, le dauphin. Le 2 juin suivant, le jeune roi de la maison de Lancastre épouse Catherine de Valois, fille de Charles VI.

Henri V et Charles VI meurent deux ans plus tard. Le 21 octobre 1422, à la mort du pauvre roi fou, le fils d'Henri et Catherine, à peine âgé de dix mois, est comme prévu proclamé roi de France et d'Angleterre sous le nom d'Henri VI. Replié à Bourges, le dauphin Charles médite sur ses malheurs et prépare sa revanche... sans trop y croire.

Malgré tout cela, jusqu'à la fin, ses sujets vont conserver au roi Charles VI leur affection. C'est seulement au XIXe siècle que les historiens feront du Bien Aimé Charles le Fou !

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2022-04-22 17:35:54
Pascal (17-02-2021 16:06:07)

Henri V était Lancastre et non Tudor...

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