3 août 1914

L'Allemagne déclare la guerre à la France

Le 3 août 1914, à 18 heures, l'Allemagne déclare la guerre à la France. En guerre depuis deux jours déjà contre la Russie, elle veut prévenir une attaque conjointe de la Russie et de la France contre son territoire et met en oeuvre sans attendre le plan ébauché vingt ans plus tôt par un officier d'état-major (le plan Schlieffen).

André Larané

Fatal enchaînement (suite)

Quelques folles journées de surenchères diplomatiques et militaires vont ainsi entraîner les pays les plus civilisés et les plus prospères de la planète dans un suicidaire conflit de quatre longues années, justement nommé la Grande Guerre.

– 3 août : l'Allemagne déclare la guerre à la France

Considérant que l'avantage appartient à celui qui dégaine le premier, l'Allemagne déclare la guerre à la France. La veille, elle a déjà envahi le Luxembourg sans préavis et lancé un ultimatum à la Belgique, exigeant le passage de ses troupes sur son sol.

Le plan Schlieffen

En attaquant la Russie, puis la France aussitôt après, l'Allemagne ne fait qu'appliquer le plan Schlieffen, du nom d'un général d'état-major prussien, le comte Alfred von Schlieffen, mort dix-huit mois plus tôt.

Alfred von Schlieffen (28 février 1833, Berlin - 4 janvier 1913, Berlin)Cet officier devenu chef du grand état-major allemand avait ébauché dès 1894 un plan pour permettre à l'Allemagne de combattre à la fois sur le front russe et sur le front occidental. C'était juste après la signature de l'alliance franco-russe qui menaçait son pays d'encerclement.

Pour Von Schlieffen, la Russie avait l'avantage du nombre mais était handicapée par son étendue et l'insuffisance de ses infrastructures de transport. En cas de conflit, elle serait très lente à se mobiliser. Du coup, le stratège allemand préconisait une attaque immédiate et brutale contre la France. Il s'agissait de la mettre hors d'état de nuire en quelques semaines, comme dans la guerre franco-prussienne de 1870, et ensuite seulement, de se retourner contre la Russie.

Il était vraisemblable que les Français porteraient leur effort sur les frontières du Nord-Est, sur les Ardennes et les Vosges, et qu'il serait difficile aux Allemands de forcer ces frontières, relativement bien protégées par les montagnes et les fortifications... Pour contourner l'obstacle, le comte von Schlieffen s'inspire de la stratégie d'enveloppement inaugurée par... Hannibal à Cannes en 216 av. J.-C.

Il préconise un pivotement des armées autour des Ardennes, avec une offensive principale à travers la Belgique. Prises à revers, les troupes ennemies seraient amenées à bifurquer vers la plaine du Nord et il serait alors aisé de les écraser ou de les refouler vers la Suisse. À l'instant de mourir, le 4 janvier 1913, on dit que von Schlieffen eut encore la force de recommander à son successeur à la tête de l'état-major, Ludwig von Moltke : « Renforcez l'aile droite ! »

Helmuth Johannes Ludwig von Moltke (25 mai 1848, Gersdorf - 18 juin 1916, Berlin)Le chef d'état-major allemand, Helmuth Ludwig von Moltke (66 ans), est le neveu du grand Helmut von Moltke, autre chef d'état-major à l'origine des victoires de la Prusse sur l'Autriche et la France, à Sadowa et Sedan.

Il applique le plan Schlieffen mais, à l'heure décisive, va l'édulcorer, n'ayant pas l'audace de ses prédécesseurs.

C'est ainsi qu'au lieu de jouer le tout pour le tout dans l'attaque de l'aile droite sur la Belgique, von Moltke choisit de maintenir par précaution deux armées en Alsace...

Ces deux armées feront cruellement défaut un mois plus tard, lorsque les Français lanceront sur la Marne la contre-offensive de la dernière chance.

Mais ce n'est pas le seul dérapage qui va affecter les Allemands... En ébauchant son plan, von Schlieffen a négligé le fait qu'il impliquait l'invasion d'un petit pays neutre, la Belgique...

– 4 août : l'Angleterre en guerre

Les dirigeants allemands ne se soucient pas de la Belgique. Dans une conversation téléphonique avec l'ambassadeur britannique, le chancelier Bethmann-Hollweg qualifie de « chiffon de papier » le protocole de 1831 qui garantit la neutralité belge.

Le même jour, au petit matin, deux divisions d'active massées à Aix-la-Chapelle se sont mises en marche et ont franchi la frontière en direction de Liège, première place fortifiée belge.

Affiche de recrutement britannique à l'effigie du général Kitchener (1916).Or l'Angleterre, qui s'était jusque là tenue à l'écart et considérait n'avoir rien à faire d'un conflit entre continentaux, ne tolère pas l'invasion d'un pays auquel la lient d'étroites relations politiques et économiques. Le jour même, elle déclare à son tour la guerre à l'Allemagne.

C'est une amère surprise pour l'empereur d'Allemagne, petit-fils de la défunte reine Victoria, qui avait espéré que Londres resterait à l'écart du conflit.

Et un immense soulagement pour les Français qui appréhendaient de supporter le choc de la guerre avec la seule alliance russe. Les voilà d'un coup rejoints par les Belges et surtout les Britanniques !

Partout, on s'affaire à mobiliser les millions d'appelés, à les concentrer dans les casernes en vue de les équiper, puis à les regrouper sur les lignes de front dans un ballet impressionnant de milliers de trains. Il y faut deux semaines en tout et pour tout, y compris dans l'immense Russie qui, grâce aux épargnants français, a pu s'équiper d'un réseau ferroviaire relativement dense.

C'est dans ces conditions que va se jouer la « bataille des frontières » (14-24 août).

« Union sacrée » et Burgfrieden

Dans l'après-midi du 4 août 1914, le président de la République française Raymond Poincaré fait lire à la Chambre des députés et au Sénat un long message d'où l'on retient le passage suivant : « Dans la guerre qui s'engage, la France aura pour elle le droit, dont les peuples, non plus que les individus, ne sauraient impunément méconnaître l'éternelle puissance morale. Elle sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée et qui sont aujourd'hui fraternellement assemblés dans une même indignation contre l'agresseur et dans une même foi patriotique ».

Pour la première fois apparaît l'expression « Union sacrée », curieuse venant d'un dirigeant laïque et irreligieux. De fait, elle va aboutir à l'union unanime du peuple, une exception dans une Histoire millénaire tissée de querelles et de guerres civiles.

En Allemagne aussi, le même jour, l'empereur, par la voix de son chancelier, en appelle à l'union de tous les Allemands sans différence de parti, d'origine ou de religion. Cette union est recouverte d'un vieux mot médiéval, Burgfrieden, la « paix des forteresses ».

Incompréhensible

En notre XXIe siècle revenu de tout, il paraît incompréhensible que nos aïeux aient pu se jeter les uns contre les autres pour la défense de la patrie. Si incompréhensible que « des publicistes en mal de publicité essaient de dénier tout courage aux combattants pour en faire simplement une chair à canon affolée et misérable » (note).

Il est symptomatique que les débats actuels portent prioritairement sur les mutins et fusillés de 1917, comme pour mieux souligner notre refus d'admettre la simple évidence : dans leur immense majorité, les conscrits ou volontaires de 1914 sont allés au combat sans joie mais avec détermination, parce qu'il le fallait pour leur pays et pour eux-mêmes (ils étaient après tout plus rationnels que les sportifs de l'extrême qui risquent leur vie pour se prendre en photo dans les 40e rugissants, au fond d'un gouffre ou sur un pic de l'Himalaya).

Le fait marquant est que très peu d'appelés aient tenté de déserter et qu'il y ait eu « seulement » un millier de fusillés pour cause de « mutinerie » dans l'armée française en 1914-1918 ! Pas besoin de psychologie de bazar ou de référence à une quelconque contrainte pour comprendre cela. Songeons seulement aux jeunes Israéliens de la guerre des Six Jours (1967) et des guerres suivantes : bien qu'en tous points semblables à leurs contemporains d'Europe occidentale, ils ont massivement accepté de partir à la guerre, conscients qu'il y allait de la liberté et de la survie de leur nation.

Publié ou mis à jour le : 2021-03-01 16:46:48
H.Seyl (26-03-2014 18:49:27)

Le nombre de victimes civiles, intentionnellement assassinées, pour la seule Belgique lors de l'invasion ( août - septembre 1914 ) est objectivement estimé à +/- 5.500. du seul chef des exactions ... Lire la suite

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