Le 24 octobre 1940, Philippe Pétain, chef de l'État français, rencontre Hitler dans la petite gare de Montoire-sur-le-Loir.
Le vice-président Pierre Laval a eu l'idée de ce rendez-vous en apprenant que Hitler revenait en train de Hendaye où il était allé rencontrer Franco, dictateur en Espagne.
Par une poignée de main très médiatisée, le vieux maréchal célèbre officiellement la « collaboration » entre la France vaincue et l'Allemagne triomphante. Il s'en explique à la radio comme à son habitude, quelques jours plus tard, le 30 octobre 1940 : « C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen, que j'entre aujourd'hui dans la voie de la collaboration (...) . Cette collaboration doit être sincère... ».
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Envahie en six semaines par les armées hitlériennes, la France se résigne à l'occupation de la plus grande partie de son territoire.
Par la convention d'armistice du 22 juin 1940, le gouvernement du Maréchal Pétain, établi à Vichy, se voit reconnaître une autonomie de façade sur le reste du territoire : c'est la « zone libre ».
Celle-ci est à son tour envahie par la Wehrmacht le 11 novembre 1942, suite au débarquement anglo-saxon en Afrique du Nord, ce qui réduit à presque rien les marges de manoeuvre du gouvernement de Vichy.
À la mi-octobre 1940, le vice-président du Conseil Pierre Laval est secrètement invité à rencontrer von Ribbentrop, le ministre allemand des Affaires étrangères. La rencontre est prévue à la gare de Montoire-sur-le-Loir le 22 octobre. Pourquoi Montoire ? Parce que le ministre allemand circule en train et que cette gare est proche de la ligne de démarcation ; elle est d'autre part à l'écart de toute agglomération, ce qui facilite sa protection ; enfin, la présence à proximité d'un tunnel permet de mettre le train officiel à l'abri d'une éventuelle attaque aérienne.
Tandis qu'il se rend en voiture sur le lieu du rendez-vous, Laval apprend à sa grande stupéfaction qu'il doit rencontrer non pas le ministre mais le Führer lui-même !...
Hitler, en effet, a pris le train pour se rendre à Hendaye, à la frontière franco-espagnole, en vue de rencontrer le Caudillo Franco, chef de l'État espagnol. Sur le chemin, il s'arrête à Montoire et rencontre Laval en toute discrétion.
Il s'agit d'arranger pour le surlendemain, au même endroit, une rencontre officielle avec le chef de l'État français, le maréchal Pétain. Hitler ne cache pas son intention de préparer un traité de paix et une alliance entre les deux pays.
Mais plus encore qu'avec la France, Hitler aspire à une alliance avec l'Espagne, laquelle occupe une position stratégique à l'entrée de la Méditerranée.
Il rencontre Franco à Hendaye. Mais ce dernier, habile politique et roublard comme pas deux, décline toute alliance avec l'Allemagne. Tout juste concède-t-il aux Allemands le droit d'abriter leurs sous-marins dans ses ports. C'est donc furieux et dépité que le Führer reprend le train pour l'Allemagne.
Sur le chemin, il s'arrête une nouvelle fois, comme prévu, à Montoire, où arrive peu après le maréchal Pétain.
Le Führer n'a pas plus de succès avec ce dernier, qui refuse de signer la paix et d'entrer en guerre contre l'Angleterre, à ce moment-là seul pays au monde à combattre les nazis. Il est vrai que Pétain est sensible à la leçon de Franco. Il a noué avec ce dernier de solides liens d'amitié pour avoir combattu avec lui dans la guerre du Rif en 1925.
Reste de l'entrevue de Montoire une photo de la poignée de mains entre les deux chefs d'État, symbole de la « collaboration » à venir, qui est tout ce que Pétain a bien voulu concéder au vainqueur.
Montoire est une bourgade plaisante de la vallée du Loir, dans l'une des plus belles régions de France, à égale distance de la Possonnière, lieu de naissance de Ronsard, et de Vendôme, où le poète fit ses études.
La ville cultive ses charmes mais ne renie pas pour autant les aspects sombres de son Histoire. C'est ainsi qu'en 2003, elle a transformé la gare historique où se rencontrèrent Pétain et Hitler en un « Musée des Rencontres » d'octobre 1940 : Hitler avec Laval, Franco, Pétain et enfin Mussolini. Cette démarche, appréciée des habitants comme des visiteurs, demeure exceptionnelle. Vichy, autre ville marquée par l'Occupation, se refuse toujours à l'imiter...
Hitler remonte vers l'Allemagne sur un double échec. Il va s'y en ajouter un troisième, bien plus lourd de conséquences... C'est qu'à Rome, loin de là, Mussolini a eu vent de la rencontre d'Hendaye. L'ami et l'allié dévoué du Führer enrage de passer au second plan.
Il craint aussi que Hitler n'obtienne de Franco le libre passage de ses troupes à travers la péninsule ibérique en vue d'une occupation de l'Afrique du nord et des rivages méditerranéens. Pour Mussolini, la Méditerranée revient aux Italiens, héritiers de la Rome antique.
Le Duce décide de prendre Hitler de vitesse et l'avertit sans attendre de son intention d'occuper la Grèce. Hitler, dont le train traverse à ce moment-là la Belgique, est furieux. La Grèce est gouvernée par un chef autoritaire, Metaxàs, qui s'entend bien avec les Allemands et les Italiens. Est-il besoin de la déstabiliser ?...
Mussolini ne veut rien entendre. Son ambassadeur à Athènes remet un ultimatum à Metaxàs, lequel répond « Ochi » (Non !). C'est la guerre !
Le même jour, Hitler, qui ne se lasse plus de voyager, se rend à Florence à la rencontre de Mussolini ! Il tente mais en vain de le ramener à la raison. Faute de le convaincre de renoncer à la guerre, il fait bonne figure et promet de lui apporter son appui si les Anglais devaient à leur tour intervenir en Grèce...
Au final, c'est ce qui va se passer. Humilié par la résistance des Grecs, Mussolini appelle Hitler à la rescousse au printemps 1941. Le Führer, qui projetait d'envahir l'URSS dès le printemps 1941, est obligé de différer l'opération « Barbarossa » pour prendre le temps d'occuper la Yougoslavie et la Grèce. Ce retard coûtera très cher à la Wehrmacht qui n'aura pas le temps de vaincre l'Armée rouge avant l'arrivée de l'hiver russe...
Le 27 octobre 1940, en réaction à la rencontre de Montoire, le général de Gaulle lance un Manifeste de Brazzaville, capitale de l'Afrique Équatoriale Française (AEF). Par ce discours sobre et vigoureux, il affirme son autorité et annonce la constitution d'un Conseil de Défense de l'Empire.
Y figurent les principales personnalités qui l'ont déjà rejoint : le général Georges Catroux, l'amiral Muselier, le général Larminat, les gouverneurs Félix Éboué et Sautot, le colonel Philippe Leclerc de Hauteclocque, le médecin-général Sicé, le professeur René Cassin et le révérend-père Georges Thierry d'Argenlieu.
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Fred F A (01-11-2006 16:40:01)
Petain, un double jeu ? Au mieux, peut-on lui acorder le bénéfice du gâtisme, mais si Pétain avait joué un quelconque double jeu, les débarquements de Dieppe (finalement avorté) et de Casablan... Lire la suite
jean ribac (25-07-2006 15:55:08)
1vous cite laval parmi les leaders socialistes et pacifistes. socialiste il ne l,etait plus depuis longtemps. 2. alain etait oppose a la guerre et il a certainement approuve l,armistice mais on n... Lire la suite